JohnGalt, le 13/11/2020 a écrit :
Je suis freelance informatique en EURL IS, TJM 700€.
Je souhaite investir une partie de ma trésorerie en bourse. J’ai 50k de report à nouveau qui traînent sur mon compte courant pro depuis 3 ans… Et cette somme va grossir les prochaines années, car je limite ma rémunération autour de 80k (seuil IR, palier CIPAV, pas besoin de plus pour vivre), le reste allant en report à nouveau.
1) L’idée est d’investir cet argent quelques années, pour le faire fructifier. Si j’ai une année avec une rémunération faible (problèmes économiques, maladie, année sabbatique), je pourrai sortir une partie en dividende, pour compenser. Et si j’ai une idée de startup géniale, je pourrai utiliser ce matelas pour la financer et me rémunérer les premières années…
Est-ce que vous trouvez cette approche pertinente ? Ou ai-je intérêt à tout sortir en rémunération, quitte à payer 5k supplémentaires de CIPAV et 41% d’IR sur la tranche supérieure à 83k ?
Je suis à peu prêt dans la même situation, donc je vous fais part de mon raisonnement.
Je suis par ailleurs preneur de remarques et commentaires à ce sujet pour l’améliorer si besoin.
Je développe plus bas davantage mon analyse mais en gros pour synthétiser :
- D’un point de vue purement financier, l’intérêt de faire un report à nouveau pour investir via un CTO n’est pas franchement évident comparé à une sortie en rémunération et un investissement via un PEA jusqu’au seuil.
- C’est des contraintes comptables, avec possible majoration des frais comptables
- C’est des contraintes de gestion avec un risque de "faute de gestion" si investissement dans des produits jugés risqués et incompatibles avec l’activité principale de la société. Il faut donc probablement se limiter à des produits moins risqués et donc avec des perspectives de rendements plus faibles.
- Cela peut avoir un intérêt si on a d’autres projets professionnels : nouvelle activité, investir dans l’immobilier, business angel, etc… nécessitant de la trésorerie.
Car on aura un capital disponible bien plus important à avoir conservé cette trésorerie dans la société plutôt qu’à la sortir. Environ le double du fait de la réduction des frottements fiscaux et sociaux.
- On est pénalisé par le fait d’être en EURL ce qui augmente les charges sociales (RSI) par rapport à une autre forme sociale comme la SAS par exemple.
Raisonnement et calculs :
Prenons un montant de 30000€ que l’on choisit soit
- de se verser immédiatement en rémunération
- de reporter à nouveau
Et voyons ce qu’il devient après 10ans d’investissement puis une sortie.
Hypothèses :
IR à 41%
IS à 15%
RSI à 43% de la rémunération nette
Cas n°1 : Sortie en rémunération et investissement sur PEA pendant 10ans à 8%/an
Bénéfice à distribuer : 30000€
RSI (43%) = 30000 / 1.43 * 43% = 9021€
Rémunération nette = 30000 - 9021 = 20979€
IR (41% après abattement de 10%) = 20979 x 90% x 41% = 7741 €
Net après IR = 20979 - 7741 = 13238€
Placement sur PEA pendant 10ans :
Montant après 10ans = 13238 x 1.08^10 = 28580€
Frais de sortie PEA (17.2% CSG avec exonération d’IR) = (28580 - 13238) x 17.2% = 2639€
Montant net après 10ans = 28580 - 2639 = 25941€
Cas n°2 : Investissement trésorerie entreprise via CTO à 5%/an pendant 10ans
Bénéfice à reporter : 30000€
IS (15% au taux réduit): 30000 x 15% = 4500€
Report à nouveau = 30000 - 4500 = 25500€
Investissement sur CTO pendant 10ans :
Attention : Il faut probablement souscrire à des produits jugés "trop risqués" pour une entreprise pour arriver à un rendement de 8%/an comme pour un PEA.
Ce qui peut être jugé comme une faute de gestion si ce n’est pas l’activité principale de notre société.
Il me parait du coup moins risqué de viser plutôt des fonds monétaires/obligataires/diversifiés à faibles risques avec un rendement cible autour de 3-5%. Soyons optimistes, partons sur 5%.
Montant après 10ans = 25500 x 1.05^10 = 41537€
IS sur les gains (taux réduit 15%) = (41537 - 25500) * 15% = 2406€
[nb: l’IS sera probablement au taux de 25/28% à un moment donné sur une partie du montant d’autant plus si on répète le même schéma chaque année pendant 10ans.
On peut donc s’attendre à un IS beaucoup plus élevé et donc à un gain net bien plus faible.
Soyons optimistes et négligeons la part d’IS à 25/28%.]
Montant net dans la société après 10ans = 41537 - 2406 = 39131€
Comment on sort l’argent maintenant ?
Rémunération ? Dividendes ?
Si le taux d’IR est supérieur ou égal à 30% c’est plus intéressant en dividendes vu qu’on s’est déjà acquitté de l’IS.
Dividendes EURL (PFU) = 43% RSI (les 17.2% de CSG du PFU sont remplacés par le RSI en EURL) puis 12.8% IR
Rémunération en EURL = 43% RSI puis tranche IR (30 ou 41%) après abattement de 10%.
Dividendes à verser = 39131€
RSI = 39131 / 1.43 * 43% = 11767€
Economie d’IS sur prochain bilan = 11767 * 15% = 1765€
Dividendes versés après IR PFU (12.8%) = (39131 - 11767) x (1 - 12.8%) = 23861€
Mon analyse :
Avantages
On remarque que tant que l’argent reste dans la société, la trésorerie disponible peut s’avérer conséquente (le double !) comparé à l’argent qui aurait été sorti de la société du fait de la limitation des frottements fiscaux et sociaux.
Ce qui peut s’avérer très intéressant pour financer de nouveaux projets pour effectuer d’autres investissements, développer son patrimoine et se préparer à devenir rentier.
Limitations
Cependant, selon ses objectifs à long terme, l’intérêt de laisser dans la société n’est pas évident sauf si une ou plusieurs de ces conditions est remplie :
- on a déjà rempli son PEA à titre personnel jusqu’au seuil
- on accepte d’investir dans des produits plus risqués potentiellement incompatibles avec l’objet de la société ce qui peut entraîner des risques (faute de gestion, etc…) pour faire fructifier cette trésorerie
- on prévoit de faire des investissements : développer une nouvelle activité, investir dans l’immobilier, business angel, etc…
Et sous réserve que la majorité des bénéfices soit soumise au taux d’IS réduit, sinon au taux plein l’intérêt est encore réduit.
Alternative d’optimisation ?
On remarque également qu’on est pénalisé par le RSI car on est en EURL, ce qui n’aurait pas été le cas en SAS.
Le statut TNS est certes confortable mais passé un certain seuil de cotisations, ce sont principalement des cotisations de solidarité peu productives de droits sociaux donc on a pas vraiment d’intérêt à cotiser plus passé un certain point.
Est-ce qu’on ne peut pas améliorer ce point-là ?
Pour favoriser les investissements futurs et réduire les frottements sociaux inhérents au statut TNS, cela me paraît bien plus efficace de structurer l’ensemble par le biais d’une holding, probablement une holding SAS vu que la loi finance 2019 permet de s’affranchir du CAC sous certaines conditions.
L’intérêt étant de pouvoir séparer efficacement les différentes activités et mettre en place des mécanismes d’optimisation fiscale :
- Régime mère/fille voire intégration fiscale
- Versement de dividendes sans RSI au niveau de la holding (annuler l’inconvénient de l’EURL)
- Transferts de trésorerie entre les différentes structures
- Limiter les frottements fiscaux de l’ensemble tant qu’on est en phase "investissement" et que le capital reste dans la holding ou ses filles.
Et bien entendu prévoir dans l’objet de la holding la détention de titres et autre opérations boursières pour faire fructifier la trésorerie.
Dernière modification par lael (16/11/2020 15h33)