Je crois que j’ai déjà écrit des messages sur le sujet.
Tout ce qui suit n’a rien d’une analyse financière, je n’ai pas les chiffres en mains, mais je pars de constats de tendances que je vois depuis quelques années.
L’immobilier de santé ça concerne en gros les murs de trois types d’activité :
- les cliniques proprement dites (activité MCO : médecine, chirurgie, obstétrique)
- les cliniques de santé mentale et les cliniques de SSR (je les mets ensemble pour des raisons que je vais élaborer de suite)
- les EHPAD
Les EHPAD :
Ils sont très décriés, jugés (à raison) très coûteux et ne sont de toutes façons pas la priorité des politiques publiques. Leur modèle est à bout de souffle (pénurie de personnel, etc.).
La priorité depuis 10 ans c’est le maintien à domicile à tout prix, jusqu’à envisager l’"EHPAD hors les murs" (maintien à domicile avec de forts moyens humains dédiés), des "tiers lieux" qui seraient des résidences services adaptées au grand âge (bref on refait un "tour complet" pour revenir vers ce qu’étaient les maisons de retraite non-médicalisées avant l’apparition des ehpad : des lieux de vie pour personnes âgées et non des lieux de soin, quasi hospitaliers), etc.
Une hypothèse donc quasi certaine à mon niveau : le nombre de places en ehpad n’augmentera pas aussi vite que le nombre de personnes de plus de 80 ans, comme certains le pensent. La France ne va se recouvrir d’un blanc manteau d’ehpads. Je me demande même, in fine, si on n’arrivera pas à une suppression de places, ou pire, à des taux d’inoccupation mettant en difficulté les exploitants.
Les cliniques MCO :
Le besoin en m² baisse tendanciellement du fait de la réduction des durées de séjour quelque soit l’activité.
Le privé (seul concerné par les murs transférés à des foncières) est moins touché par l’ambulatoire en chirurgie du fait qu’il est déjà à la pointe, mais même, il y a encore une progression possible. La chirurgie du XXIème siècle sera de moins en moins invasive (endoscopie, passage par "les voies naturelles", robotique, chir guidée par l’imagerie) ou carrément remplacée par des interventions non-chirurgicales par des radiologues. Moins invasif = zéro hospit, même de jour = moins de m²
Pour l’obstétrique aucune idée si la tendance se poursuivra, mais certaines femmes ne veulent plus accoucher en milieu hospitalier, même privé. et de toutes façons les durées de séjour baissent.
A ceci s’ajoute la grande restructuration du privé, avec une concentration de plus en plus importante autour de grands groupes comme Elsan. Plus de concentration = plus de services mutualisés = moins de m² dédiés aux services annexes.
Des beaux projets sortent de terre, mais ce ne sont pas des "nouveaux m²", ce sont des déménagements d’établissements - parfois des extensions, aussi, mais dans un contexte de restructuration de l’offre de soins "drivée" par les ARS.
Les cliniques de soins de suite et la santé mentale :
C’est à mes yeux l’exception puisque c’est là que se trouve la dynamique.
Pour le SSR : j’ai vu ces dernières années ce secteur se restructurer et se concentrer, et être investi par le privé lucratif. Il est surtout porté par le besoin de remettre sur pieds (au propre et au figuré) les personnes âgées fragiles justement parce qu’on ne veut plus que la moindre hospitalisation se finisse en admission en ehpad.
Pour la santé mentale : le privé se nourrit du déclin du public. Le quasi monopole de fait du public sur l’hospitalisation psy a sauté et il y a des projets de cliniques pour les troubles pouvant se soigner en hospit libre.
Mon exemple local est biaisé, en Alsace le privé lucratif a toujours été anémique voire anecdotique pour des raisons historiques mais peu importe, assimilons le privé non-lucratif au lucratif :
- le nombre de cliniques et autres établissements privés a fondu en 20 ans
- les 3 principales cliniques confessionnelles de Strasbourg ont fusionné et se sont regroupées, en réduisant leurs surfaces du coup
- elles ont arraché un pôle entier d’activité (cardio) à la seule clinique privée lucrative appartenant à Elsan… qui du coup s’est vue autorisée par l’ARS à faire de la psychiatrie, du jour au lendemain (autorisation pas encore concrétisée ce jour mais peu importe)
ca résume un peu tout.
Ce n’est que mon opinion perso mais pour moi cette dissociation des murs et de l’exploitation a peut être un intérêt économique via une optimisation financière (au même titre que pour Accor, ou que pour les foncières de galeries commerciales attenantes aux hypermarchés) mais elle n’est pas portée par un dynamisme exceptionnel du secteur, et encore moins un dynamisme auquel le propriétaire des murs serait magiquement associé dans l’avenir. Elsan vend ses murs de cliniques actuelles pour avoir du cash pour acheter les cliniques suivantes ici et ailleurs, et ainsi de suite, mais le jour où sa croissance s’arrête que se passe-t-il?
Autant je peux imaginer que le dynamisme du commerce se répercute dans les loyers d’une foncière de commerce, ou la rareté des bureaux prime dans ceux d’une foncière de bureaux, autant j’ai du mal à comprendre quels seraient les moteurs de croissance d’une foncière de santé, à part une restructuration du secteur (acquisition par LBO des dernières cliniques indépendantes, fusions..) qui prendra fin à un moment donné.
Icade Santé ne sera pas dans la même position vis à vis des exploitants que Klépierre ou URK vis à vis des commerçants : qu’est ce que vous faites d’un locataire exploitant comme Elsan qui ne veut pas de hausse de loyers alors qu’il y a de l’inflation, vous le virez? OK et vous faites quoi de l’établissement aménagé en clinique, vous en faites des logements? à quel prix?
Bref intellectuellement je ne me sens pas en état de payer une prime sur ANR pour des biens certes rares, mais surtout pour lesquels la demande est aussi régulée.
edit : une des réponses possibles pourraient être "ouais mais ce sont des locataires solides financièrement avec une activité pérenne etc etc"
je suis peut être un grand pessimiste mais j’y vois surtout un risque d’avoir dans 10 ou 15 ans des locataires-exploitants avec une marge rincée par les politiques publiques devenues de plus en plus restrictives, qui arriveront à échapper aux revalorisations de loyers, ou pire, négocieront à la baisse!
edit 2 : si vous n’avez pas la patience de tout lire, dites vous que je conçois (sans doute à tort) cette foncière comme ayant la position des particuliers qui ont investi dans des chambres d’ehpad ou dans des logements en résidences de tourisme… je n’arrive pas à me faire à l’idée d’avoir des locataires difficilement virables (ou en tout cas de payer une prime sur l’ANR pour les avoir)
Dernière modification par FXB67 (26/09/2021 22h55)