J’étais en train d’éditer mon message quand vous avez posté le votre. Si vous voulez bien lire ma dernière version… désolé pour ce "work in progress" !
Quelques réflexions complémentaires :
Effet d’une loi d’ordre public
Il est sain que certains lois rendent caducs les contrats conclus précédemment.
Premier exemple : dans un pays où l’esclavage est légal, un propriétaire conclut avec son esclave un contrat d’esclavage.
Puis, une loi paraît, qui abolit l’esclavage. Il est donc d’ordre public d’abolir l’esclavage, partout et instantanément.
L’alternative à cette interdiction immédiate serait : "il est interdit de conclure de nouveaux contrats d’esclavage ; en revanche, les contrats d’esclavage en cours vont continuer jusqu’à à leur terme (c’est à dire jusqu’à la mort de l’esclave)". On voit bien que c’est moralement inacceptable. Si l’esclavage a été aboli, c’est pour apporter un progrès social, à tous et instantanément.
Donc, les lois d’ordre public annulent des contrats entiers, ou des clauses à l’intérieur de contrats, même lorsque ces contrats ont été signés avant la promulgation de la loi.
Deuxième exemple, plus proche de nous et plus terre à terre : en 2007, une société prend en location une résidence de tourisme par un bail commercial. En 2013, au bout de 6 ans, elle souhaite donner son congé en application de la faculté de résiliation triennale. Mais la loi du 22/07/2009 a institué que les résidences de tourisme ont forcément un bail de 9 ans minimum, sans faculté de résiliation triennale. Cet article de loi, d’ordre public, bien qu’il soit postérieur au bail, l’emporte sur les conventions contraires du bail. Cour de cassation civile, arrêt du 9 février 2017 n° 16-10.350.
La loi peut-elle être rétroactive ?
Le fait qu’une loi d’ordre public annule des dispositions contractuelles antérieures à la loi peut sembler contraire à l’article 2 du code civil dit : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. ».
Mais :
Me Alain Bensoussan a écrit :
Ce principe de non rétroactivité connaît cependant un certain nombre de tempéraments, notamment pour les lois :
- que le législateur rend expressément rétroactives ;
- qui sont considérées par les juges comme étant d’ordre public ;
- interprétatives ;
- pénales plus douces ;
- confirmatives.
Cette notion d’ordre public avait par exemple pu être admise dans d’autres types de contrats à exécution successive :
- des lois nouvelles ayant pour objet d’améliorer la condition ou la protection des salariés (Cass. soc. 12 juillet 2000 n° 98-43.541) ;
- l’obligation d’information du consommateur en matière de crédit à la consommation (Cass. 1er civ. 13 mai 2003 n° 00-12.215) ;
- l’obligation de communication des conditions générales de vente entre professionnels résultant de l’article L. 441-6 du Code de commerce (Cass. com. 3 mars 2009 n° 07-16.527).
Source : Applicabilité d?une loi d?ordre public aux baux en cours - Lexing Alain Bensoussan Avocats
On voit donc que l’idée d’une loi d’ordre public, c’est qu’il est urgent de protéger tous les citoyens contre un danger, une exploitation, une situation inacceptable.
Est-ce que convoquer une AG de copropriété avec un délai de 15 jours est un danger inacceptable, qui nécessite de rendre caducs des millions de règlement de copropriété, alors même que ces 15 jours avaient paru parfaitement acceptables entre 1967 et 1986 ? Si je dis que les contrats de copropriété qui ont contractualisé entre tous les propriétaires un délai de prévenance de 15 jours, et qui fonctionnent très bien comme cela, doivent être respectés… est-ce que j’émets une opinion insensée ? Si je dis que le simple décret n°86-768 du 9 juin 1986, un décret du premier ministre, donc même pas une loi émanant des parlementaires élus, ne devrait pas avoir le pouvoir de rendre caducs des milliers de documents contractuels dont des syndicats de copropriétaires se sont dotés par une démarche parfaitement légitime et conforme à la loi en vigueur au moment où ils s’en sont dotés… suis-je un dangereux révolutionnaire ? Si je dis qu’une telle modification devrait s’appliquer aux futurs règlements de copropriétés, mais pas aux règlements déjà existants, est-ce vraiment trop pragmatique ? Si je dis que rendre ainsi caducs des milliers de règlements de copropriété sur de petits passages disséminés dans ces documents, cela apporte en fait de l’insécurité juridique, ce qui va à l’encontre de la notion même d’ordre public, suis-je dans l’erreur ? Enfin…
Dernière modification par Bernard2K (08/10/2021 14h26)