Il y a une troisième possibilité, que nos politiciens n’ont évidemment pas prise en compte ni même imaginée : l’impossibilité technique et reglementaire de remplacer une chaudière gaz par une Pompe à Chaleur (PaC), puisque c’est de cela dont on parle. Et le cas n’est pas rare, notamment dans l’habitat collectif ancien équipé de chaudières individuelles.
Dans un appartement, installer une PaC air-eau en remplacement d’une chaudière gaz requiert des prérequis techniques et réglementaires très précis, qu’il est souvent impossible de reunir en immeuble et copropriété : un local interieur pour l’installation, un lieu où poser l’echangeur externe, et des emetteurs (radiateurs) adaptés à l’eau ’tiede’ ( # 40deg) produite par une PaC, c’est à dire de très grandes dimensions ou bien plancher chauffant. Inutile de dire que le plancher chauffant est dans 99 % des cas impossible, et doubler la surface des radiateur peut également être problématique. Bien sûr il est toujours possible d’envisager de réduire drastiquement les pertes du bâtiment pour s’accomoder d’une faible surface d’echange (de manière à conserver les radiateurs à ’haute température’), mais cela signifie quasi inévitablement une ITE (isolation par l’extérieur), donc projet (aléatoire) complexe de copropriété étalé sur 2 ou 3 ans - incompatible avec un changement de chaudière en urgence, par exemple -. Il existe également des PaC dites ’haute température’ qui produisent une température d’eau compatible avec des emetteurs classiques ( # 70deg), mais elles sont extrêmement chères et ont un COP (efficacité énergétique, pour faire simple) très mediocre. Je ne parle pas des PaC hybrides avec relève gaz ou electrique (lorsque la temperature exterieure est trop basse pour maintenir un confort suffisant, on apporte un complement de chaleur dans le circuit d’eau via une resistance electrique ou… Une chaudière gaz auxiliaire), très chères et qui ne procurent quasiment aucune économie.
L’installation de l’echangeur externe peut être un problème lorsqu’il n’existe ni balcon ni terrasse ou toit-terrasse (comme dans mon appartement). Dans la plupart des cas, il devra en outre être installé sur une surface appartenant à la copropriété, donc autorisation indispensable de la part du Syndic (donc nécessité de s’y prendre à l’avance pour inscrire la demande à l’ordre du jour de l’AG annuelle…). Ne pas oublier non plus l’autorisation des services de l’urbanisme, notamment si l’echangeur est visible depuis la rue (ils n’aiment pas trop, et si vous residez dans une zone protégée, préparez-vous à mettre votre ABF en PLS).
Mais le plus compliqué, c’est certainement de parvenir à installer l’echangeur de manière à respecter la réglementation en termes de bruit vis-à-vis des voisins. Ce n’est déjà pas toujours simple en maison individuelle avec de la place ou un jardin (et c’est d’ailleurs la source de pas mal de conflits de voisinage), mais en immeuble collectif, où vos voisins sont necessairement très proches et où le bâti commun va naturellement transmettre les ondes sonores et les vibrations aux appartements voisins, c’est souvent mission impossible.
Bref, la PaC, c’est sans aucun doute le mieux en neuf, à envisager fortement en renovation lourde pour l’habitat individuel, mais dans beaucoup de copropriétés anciennes, ça va être un casse-tête et souvent impossible (dixit le spécialiste que j’ai fait venir chez moi). D’ailleurs, il est frappant de constater que de très nombreux immeubles d’habitation construits ces toutes dernières années (donc conformes aux RT récentes) sont dotés… de chaudières gaz. Je vois venir la situation où des copropriétaires, confrontés à une panne de leur chaudière gaz nécessitant son remplacement, seront devant l’interdiction de la remplacer par un équivalent thermique, tout en étant dans l’impossibilité de la changer en urgence par une PaC, que ce soit pour des raisons réglementaires (accord de l’Urbanisme et de la copropriété) et/ou techniques (bruit, emetteurs haute température inadaptés etc). Lorsqu’ il s’agira d’un appartement en location dont la chaudière tombe en panne en periode froide, la situation risque d’être très intéressante pour le propriétaire-bailleur : appartement ne pouvant pas être chauffé -> classement insalubre ? Obligation de relogement ? Suis-je bête : nos enarques y ont certainement pensé ! Il y aura peut-être des cas réglementaires d’exemption (style ’exceptiontion B1’ dérogeant à l’obligation de chaudière à condensation sur conduit de fumées collectif maçonné ou shunt), qui nécessiteront un dossier technique détaillé rédigé à grands frais par un Homme de l’Art avant examen par une commission locale se reunissant 3 fois l’an… Pendant ce temps, il faudra réapprendre à vivre sans eau chaude et sans chauffage ; -). La ’sobriété volontaire’, en somme.
Je conseille à tous les proprietaires susceptibles de se retrouver dans cette situation de prendre les devants et de changer leur vieille chaudière gaz par un modèle récent basse température / low-NOx ou condensation tant qu’ils le peuvent, histoire de se donner un peu de temps pour envisager les choses plus sereinement (et, bien sûr, de brûler moins de gaz et de moins polluer).