2 1 #1 10/11/2023 18h19
- Tchouikov
- Membre (2015)
Top 50 Immobilier locatif - Réputation : 85
Bonjour,
Je suis propriétaire de trois appartements que je donne en location à usage de résidence principale dans le cadre de baux régis par la loi de 89.
Lors des prochaines rotations de mes locataires, je devrai faire passer ces logements sous les fourches caudines d’un diagnostiqueur et je suis sans grande illusion sur le résultat de mes DPE.
Sur le principe, je suis parfaitement disposé à entreprendre les travaux nécessaires pour améliorer les performances de ces logements mais, compte tenu de contraintes techniques et/ou juridiques, je risque malgré tout de me trouver dans l’impossibilité d’atteindre une étiquette permettant d’échapper aux futures interdictions de louer posées par la loi « Climat & Résilience ».
Il y a bien eu des annonces, faites par les pouvoirs publics, selon lesquelles ces interdictions ne s’appliqueraient pas dans une telle situation. J’observe néanmoins que le décret sur le logement décent ne fait pas état de cette dérogation qui, dès lors, ne paraît pas opposable à un locataire (voir à cet égard la rédaction de l’art. 3 bis du décret n°2002-120 qui ne laisse aucune place au doute : si le logement est affublé d’une étiquette E/F/G au DPE, il sera considéré comme indécent respectivement en 2034/2028/2025). Dans les zones où le permis de louer se pratique, j’ajoute qu’un DPE non conforme devrait, en toute logique, conduire les services municipaux à refuser l’autorisation de mise en location.
A con, con et demi et je sollicite vos avis sur la solution légale de contournement à laquelle je songe en ce moment.
L’idée est de sortir ces logements du marché de la location à usage de résidence principale pour les donner, à l’avenir, en location non meublée de longue durée à usage de résidence secondaire dans le cadre d’un bail régi par le code civil.
A l’occasion de mes réflexions, je me suis posé plusieurs questions et y ai apporté les réponses suivantes :
Y-a-t-il de la demande pour la location à usage de résidence secondaire régie par le code civil ?
Compte tenu de la tension du marché immobilier dans mon coin (Paris et sa proche banlieue), la réponse est clairement affirmative et je sais que je n’aurai aucun mal à imposer ce type de contrats aux candidats locataires, même si cela les pénalise.
L’interdiction de mise en location pour cause de DPE non conforme ne vise-t-elle pas aussi la location non meublée de longue durée de résidences secondaires ?
Je me suis demandé à un moment si un locataire ne pourrait pas invoquer un manquement du bailleur à son obligation de délivrance pour cause de DPE non conforme, quand bien même le logement serait à usage de résidence secondaire. Une réponse ministérielle est opportunément venue préciser que le niveau de performance minimal pour caractériser la décence d’un logement ne s’applique que pour les logements constituant la résidence principale du locataire (cf. réponse Bourgeaux n°43224, JO AN 19/04/2022, p. 2592). Un DPE pourri n’est donc pas bloquant pour mettre en location un bien à usage de résidence secondaire.
La mise en location à usage de résidence secondaire d’un bien précédemment affecté à l’usage de résidence principale est-elle soumise à la réglementation sur le changement d’usage ?
La réponse à cette question est d’importance compte tenu des sanctions applicables en cas d’infraction.
Il est de notoriété publique que les locations de courte durée type AirBnB sont dans le collimateur et la lecture de la réglementation relative au changement d’usage le confirme (cf. article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation : « Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article. »).
Pour éviter de tomber dans les prévisions de ce texte, j’envisage la mise en place de baux de longue durée (avec toutefois la possibilité, pour le locataire, de se dédire moyennant le respect d’un préavis aligné sur celui prévu par la loi de 89) et de ne pas meubler les logements.
Quels sont les avantages/inconvénients pour le bailleur ?
Le bilan, pour le bailleur, est clairement positif.
Déjà, les logements ne seront plus soumis à l’encadrement des loyers qui s’applique là où j’ai eu la bonne idée d’investir. Bon, l’objectif de la manœuvre n’est pas forcément d’augmenter mes loyers (d’autant que le locataire est pénalisé par ailleurs – voir infra) mais simplement de pouvoir continuer à exploiter mes biens sans avoir à les vendre à prix bradé ou à les laisser vacants.
Ensuite, ces mêmes logements ne seront plus soumis au permis de louer qui s’applique aussi là où j’ai investi (je sais, je les cumule…) mais ne concerne que les seuls baux régis par la loi de 89.
Parmi les inconvénients pour le bailleur, qui me paraissent relativement mineurs en comparaison de ces avantages, j’ai identifié :
- un choix plus restreint parmi les candidats locataires qui ne devront pas être rebutés par le bail que je leur proposerai et devront disposer par ailleurs d’une résidence principale (en pratique, je serai donc sans doute amené à retenir les dossiers d’étudiants qui vivent encore chez leurs parents et seront en mesure de me le justifier) ;
- une inéligibilité à la garantie « Visale » que je privilégie habituellement et que je trouve bien pratique (ce n’est pas bien grave : il me suffira d’exiger à la place un garant solvable) ;
- un turnover potentiellement plus important des locataires.
Quels sont les avantages/inconvénients pour le locataire ?
C’est là que le ciel s’obscurcit puisque, pour être clair, je n’ai identifié aucun avantage pour lui.
Parmi les inconvénients, j’ai recensé :
- l’inéligibilité aux aides au logement de la CAF (cela peut pénaliser fortement certains mais je constate que de nombreux étudiants privilégient le rattachement au foyer fiscal de leurs parents plutôt que ces aides) ;
- l’assujettissement à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (quoique j’ai pu lire que les services fiscaux acceptent parfois de prononcer le dégrèvement de la taxe lorsque le locataire justifie de la nécessité de disposer d’une résidence secondaire à proximité de son lieu de travail ou d’étude : je creuserai le point et, le cas échéant, suggérerai à mes locataires de formuler une demande de remise gracieuse auprès de l’administration).
En conclusion, j’ai bien conscience que la solution de contournement que j’envisage n’est pas idéale pour le locataire mais je suis bien obligé d’envisager des scénarios alternatifs pour éviter la spoliation en règle organisée par le législateur (comme je l’écrivais plus haut : « à con, con et demi »). J’ai aussi conscience que cette solution n’est reproductible que dans les zones tendues où le bailleur se trouve en position de force pour imposer ses conditions. Bref, ce n’est pas la panacée mais comme le dit le vieil adage : « faute de grives, on mange des merles »…
Pour ceux qui auront eu la patience de lire ce post jusqu’à la fin (et je les en remercie), je serais intéressé par vos réflexions et avis :
- Certains ont-ils déjà songé à cette solution de repli ?
- Y-a-t-il des points auxquels je n’aurais pas pensé qui rendraient cette solution impraticable ?
- …
Merci d’avance pour vos contributions.
Mots-clés : dpe, interdiction de louer, loi climat et résilience, passoire thermique
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