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ABO-Group Environment : micro cap belge de l'ingéniérie

Analyse financière d'Abo-Group Environnement : une étude de cas

Cette discussion porte sur l'analyse financière d'Abo-Group Environnement, une micro-cap belge du secteur de l'ingénierie environnementale. Le membre, Louis Pirson, détaille une analyse approfondie de la société, mettant l'accent sur sa solidité financière et sa rentabilité. Il examine plusieurs ratios clés, notamment le rapport actif courant/passif court terme (1,24), le ratio de solvabilité (41%), et le temps de remboursement des dettes (3 ans et 7 mois). Bien que certains ratios ne répondent pas totalement à ses critères, l'analyse suggère une situation financière globalement saine, même si le taux d'endettement reflète une stratégie de croissance externe par acquisitions.

L'analyse de la rentabilité est plus nuancée. Le rendement des fonds propres (8,4%) et le rendement des capitaux investis (7,72%) sont jugés inférieurs aux seuils souhaités par l'analyste. Toutefois, en tenant compte des investissements de croissance importants, et en utilisant une méthode de calcul du free cash flow redressé, la rentabilité apparaît significativement améliorée (14,94%). Cette approche souligne l'importance de considérer la stratégie de croissance externe lors de l'évaluation de la performance.

La croissance d'Abo-Group Environnement est un point fort de l'analyse. Le chiffre d'affaires, le bénéfice par action et le free cash flow redressé ont connu une forte croissance entre 2015 et 2021, sans dilution des actionnaires. Cette croissance soutenue est un facteur clé dans l'évaluation de la société. Cependant, l'analyse souligne aussi l'importance de considérer le potentiel impact de l'augmentation des coûts salariaux et de l'inflation sur la rentabilité future.

Enfin, la valorisation de la société est abordée en utilisant la formule de Bruce Greenwald pour les sociétés de croissance. L'analyste estime une valeur intrinsèque supérieure au cours de bourse, suggérant une marge de sécurité potentielle pour les investisseurs. Cependant, il met en garde contre l'aspect spéculatif lié à la faible liquidité du titre et à la forte concentration du capital détenu par le CEO. L'analyse prend également en compte le potentiel de révision à la baisse du bénéfice en raison d'une augmentation des coûts salariaux non anticipés.

Cette discussion met en évidence les défis et les opportunités liés à l'investissement dans les micro-caps. L'importance de la diversification, de la gestion du risque et d'une analyse financière approfondie sont des éléments clés qui ressortent de cette analyse de cas.


2    #1 12/09/2022 16h32

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ESTP

Les sociétés que je présente pour le moment sont toutes des minuscules capitalisations.  Ce n’est pas une volonté de ma part (je préfére des sociétés qui "tournent" entre 50 et 100 mio de capitalisation) mais comme je l’ai déjà écrit, je ne trouve rien de décoté dans les marchés un peu plus liquide.

Abo-Group Environnement est un groupe d’ingénierie spécialisée du secteur de l’environnement qui opère dans les activités de la géotechnique, de l’assainissement des sols, de l’énergie et de la gestion de l’eau et des déchets.

Le groupe est composé de 11 sociétés opérationnelles localisées en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Ces sociétés semblent fonctionner avec un certain degré d’autonomie. 

Le chiffre d’affaires se répartit donc essentiellement entre ces 3 pays : France (52 %), Belgique (29 %) et Pays-Bas (19 %).

L’histoire boursière de Abo-Group commence réellement en 2014 par le biais d’une prise de contrôle inversée sur Thenergo.

La société est détenue à 90 % par le CEO, Frank De Palmenaer.  Le flottant est donc très faible.

Dès le départ, la société s’est montrée volontariste quand à ses ambitions de croissance et a procédé à un nombre conséquent d’acquisition.

Un des principaux dangers qui guettent la société me semble consister en difficulté de recrutement de travailleurs qualifiés et l’augmentation des coûts salariaux qui en découle.

La dépendance, indirecte, de l’entreprise aux aides publiques est aussi un risque à prendre en compte dans un contexte d’appauvrissement des états dans lesquels la société déploie ses activités  (les clients d’Abo sont souvent dépendants de subsides pour payer les prestations de Abo). En outre, environs la moitié des clients sont issus du secteur public.

Analyse Financière


1.    Solidité financière


a)    Rapport entre actif courant et passif court terme : 1,24  OK (j’exige 1,2)

b)    Ratio de solvabilité (fonds propres /(total de bilan – trésorerie du passif) ) 41 %  je préfère 50 % mini. , à surveiller
c)    Temps nécessaire pour le remboursement des dettes par la trésorerie excédentaire et le free cash flow : 3 ans et 7 mois  OK (j’exige moins de 6 ans)

Conclusion : le taux d’endettement reflète la volonté de croissance par acquisitions de la direction en évitant les dilutions pour les actionnaires (nombre d’actions en circulation stable  depuis 2014).  Néanmoins, fin 2021, la structure bilantaire d’Abo me semble saine.

2.    Rentabilité


a)    Rendement des fonds propres (bénéfice/fonds propres) : 8,4 % en moyenne depuis 2015  médiocre (j’exige 12 %)
b)    Rendement des capitaux investis (free cash flow / (fonds propres + dettes financières – trésorerie) : 7,72 % en moyenne depuis 2015  un peu léger (j’exige 8 %)

La vraie rentabilité de Abo me semble cachée par la politique de croissance externe. 

Ainsi, depuis 2014, le total des investissements (de maintien et de croissance), s’est élevé en moyenne à 0,20 euros par action par an, soit un montant supérieur au free cash flow moyen (0,15 euro par action par an).

Je vais tenter de distinguer les investissements de maintien des investissements de croissance.

Pour ce faire, je calcule la croissance du chiffre d’affaires de 2015 à 2021.  Elle est de 90 %.  J’admet donc que le montant des investissements correspondant à 90 % des actifs immobilisés de 2015 concerne la croissance et que le solde des investissements réalisés sont des investissements de maintien.

Je constate que cette hausse de 90 % est inférieur au total des investissements réalisés durant la période.  Je pourrais donc estimer que l’entièreté des investissements concerne la croissance et peuvent être ajouté au free cash flow mais ce ne serait pas réaliste. 

Par mesure de prudence, je considère que 20 % des investissements réalisés chaque année sont des investissements de maintien.

Le rendement sur capitaux investis de ce « free cash flow redressé » passe alors à 14,94 %.

Conclusion : lorsqu’on fait abstraction du coût de la politique d’acquisition, on peut considérer qu’Abo-Group Environnement est une société très rentable.

3.    Croissance


a)    De 2015 à 2021, le chiffre d’affaires par action a augmenté à un taux de 12 % par an
b)    De 2015 à 2021, le bénéfice par action a augmenté à un taux de 45 % par an
c)    De 2015 à 2021, le free cash flow « redressé » par action a augmenté à un taux de 35 % par an
d)    De 2015 à 2021, le nombre d’actions en circulation est resté stable
e)    De 2015 à 2021, le ratio de solvabilité est passé de 37 % à 41 %

Conclusion : je ne peux que constater qu’une forte croissance qui s’est faite sans dilution des actionnaires et sans augmentation de l’endettement global de la société.


4.    Création de valeur pour les actionnaires


Je calcule la création de valeur sur une période donnée en calculant l’augmentation des fonds propres à laquelle j’ajoute les dividendes distribués.  Abo ne distribuant pas de dividende, les fonds propres ont augmenté de 11 % par an entre 2015 et 2021. 

5.    Valorisation de la société


Evolution du cours de bourse du 31/12/2015 à ce jour : 6 % par an

… à comparer avec les taux de croissance mentionnés ci-dessus :

Chiffre d’affaires : 12 %
Bénéfice : 45 %
Free cash flow redressé : 38 %
Fonds propres : 11 %

Le cours n’a donc pas suivi l’évolution économique d’Abo.

A mon PRU de 5,05 euros, Abo se valorise à 27 fois ses bénéfices 2021 et 2,7 fois ses fonds propres. 
En apparence, cette valorisation semble élevée.

Mais comme on le sait, je n’aime pas trop le PER pour évaluer une entreprise : c’est généralement la première chose que le marché regarde.  Avec Abo, on a une société dont les bénéfices sont « artificiellement » mis sous pression par les amortissements élevés dus à la politique de croissance et d’acquisitions.

Je préfère donc partir du free cash flow redressé moyen de 2020 et 2021.  Pour rappel, pour calculer ce free cash flow redressé, je pars du résultat d’exploitation que j’ampute de 30 % à titre d’impôt forfaitaire sur le résultat auquel j’ajoute l’ensemble des charges non décaissées et duquel je soustraits 20 % des investissements (la partie des investissements que j’ai décidé intuitivement de qualifier « de maintien) ainsi qu’un intérêt forfaitaire de 3 % sur l’ensemble des capitaux investis (les capitaux investis, ce sont les fonds propres + les dettes financières – la trésorerie).

Ce free cash flow moyen pour les années 2020-2021 s’élève à 0,53 euros par action.

Je décide de valoriser la société en tenant compte de la croissance, je reprends l’objectif de la direction qui est d’atteindre 100 millions de CA d’ici 2025.

Historiquement, le free cash flow « redressé » a représenté 7,8 % du chiffre d’affaires.  Sur cette base, on peut estimer le FCF 2025 à 0,74 euros par action. 

Je valorise Abo Group selon la formule de calcul pour les sociétés de croissance telle que préconisée par Bruce Greenwald dans son ouvrage « Investir dans la valeur » que je recommande comme étant peut-être le meilleur livre traitant d’analyse financière.

Les jalons pour valoriser Abo Group sont donc :

Capitaux investis au 31/12/2021 par action (les capitaux investis, ce sont les fonds propres + les dettes financières – la trésorerie et les placements de trésorerie) : 2,73 euros par action

Coût du capital (CC) : 10  % (c’est le rendement minimum que j’attends pour des capitaux à risque)

Rendement sur les capitaux investis (RCI) : 14,94 % (cfr infra) que j’arrondi à 15 %

Taux de croissance future (G) : je choisis le taux de croissance du chiffre d’affaires (soit le plus bas parmi les taux de croissance calculés) soit 12 % (mais nous verrons que dans la formule de Greenwald, un taux de croissance stratosphérique n’est pas nécessaire)

Tout d’abord, la Valeur de la Capacité Bénéficiaire sans croissance = capitaux investi X RCI / CC soit 2,73 X 15 / 10 soit 4,10 euros.

Passons à la Valeur de la société en fonction de sa croissance = capitaux investi X (RCI-G) / (CC – G) . 

Comme on peut le voir, la formule de calcul n’est possible que si le taux de croissance (G) est inférieur au coût du capital (CC).

Dans le cas contraire, la société a une valeur infinie (ce qui est, forcément, impossible).

Je décide donc de tabler sur un taux de croissance à long terme de 8 %.
2,73 X (15 – 8)/ (10 – 8) = 9,56 euros.

Pour confirmer cette valeur, j’utilise une 2e formule de calcul.  Je capitalise la capacité bénéficiaire de 2025 (0,74 euros) au coût du capital et j’actualise la valeur 2025 en 2022 toujours au coût du capital.
J’obtiens : 0,74 / 10 % / 1,1³ et j’obtiens 5,56 euros, ce qui serait la juste valeur de Abo si la croissance s’arrêtait net en 2025.

A mon PRU de 5,05 euros, j’ai donc obtenu une petite marge de sécurité sur la valeur de la société si celle-ci voyait sa croissance stopper net (9 %) mais si j’anticipe une poursuite (modérée) de la croissance avec la même rentabilité sur les capitaux investis, la marge de sécurité s’élève à 47 %.

Enfin, la société présente un certain aspect spéculatif : le CEO achète régulièrement des actions sur le marché et on peut supposer que, tôt ou tard, la société soit retirée de la cote avec, je l’espère, une bonne prime par rapport à mon PRU.

Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.

Mots-clés : abo group, belgique, small cap, value


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#2 29/09/2022 14h45

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Petit point suite à la publication des résultats S2

Chiffre d’affaires en hausse de 16 %
Bénéfice par action en hausse de 140 %

En apparence, on est en ligne avec le tableau de marche.  2 points d’attention malgré tout :

1. le fait que le poste "actif contractuel" soit en forte augmentation : il s’agit de travaux exécutés dans le cadre de contrats qui n’ont pas encore été réceptionnés et donc facturés.  Si, lors de la réception, le client met en avant des défauts, l’intégralité des montants dûs dans ce poste pourrait ne pas être facturé par la suite.  Or, ce poste a augmenté de 60 % entre les deux semestres.

2. la direction indique "la Société parvient à répercuter une partie des
augmentations de coûts et à contrer la forte inflation par une efficacité interne accrue."  Fort logiquement pour une société de service, les coûts salariaux représentent la principale charge.  Or, à tout le moins en Belgique, l’indexation automatique et obligatoire des salaires a lieu en janvier.  Elle n’est pas automatique en France et aux Pays-Bas.  Si je pars du principe que les coûts salariaux vont, à terme, suivre l’inflation, et applique donc l’inflation sur la masse salariale du 1er semestre, le bénéfice descendrait à  0,05 euros par action, soit +/- le niveau de l’année dernière.  C’est évidemment une vision pessimiste parce que rien ne dit que la société ne pourrait pas répercuter au moins partiellement ces coûts.


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