Cette affaire m’a longtemps intéressé en tant que (modeste!) collectionneur de livres anciens; j’ai mis du temps à comprendre les raisons pour lesquelles on pouvait faire confiance au promoteur d’une arnaque si grossière et cet article l’explique bien.
Quoi qu’il en soit, il était visible pour les simples acheteurs un peu habitués (sans même parler des experts) de livres anciens et de manuscrits que ce système était intenable (cela a été dénoncé courageusement depuis très longtemps par le "blog du bibliophile" et par l’expert Frédéric Castaing, qui en a subi les conséquences: sur un marché très étroit, Aristophil faisait les prix et a décidé de ne plus enchérir dans les ventes qu’il organisait, ce qui lui a évidemment fait perdre des clients). Plus révélateur encore peut-être: le rôle joué par certains personnages périphériques qui aimaient à se présenter comme de purs intellectuels/poètes alors que le goût du lucre leur est visiblement plus chevillé au corps que celui des Belles lettres. Mais là encore, nil novi sub sole.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la remarque pessimiste de Philippe: ce Monsieur finira probablement par être condamné, mais le dossier est si complexe que l’instruction prendra nécessairement du temps! Les cent soixante dix millions ne couvriront pas les pertes et peut-être sera-t-il aussi poursuivi pour avoir organisé son insolvabilité (?).
Les conclusions (désolé pour leur caractère banal):
a) Sur un marché "exotique" il est indispensable d’être un tant soit peu connaisseur - et cela ne suffit pas toujours puisque les modes font et défont les prix (voir par exemple la cote descendante en flèche d’un André Maurois, d’un Sainte-Beuve vs Céline ou Rimbaud; dans un autre domaine, la dégringolade du mobilier XVIIIe vs le design italien de l’après-guerre)! La meilleure règle est peut-être d’acheter ce qu’on aime (cela offre toujours une consolation); d’une manière générale sur le marché de l’art il ne faut pas oublier les frais énormes que prennent les SVV ainsi que le coût de l’entretien (certes modique pour des manuscrits) et de l’assurance.
b) Il est néfaste de s’engager dans une affaire pour des raisons en grande partie fiscales.
c) Il vaut mieux ne pas croire des gens qui ont des intérêts divergents des vôtres (Aristophil avait intérêt à revendre à ses indivisaires les manuscrits au prix le plus élevé possible).
Dernière modification par Cornelius (05/11/2018 15h35)