17 16 #1 08/09/2015 11h41
- stephane
- Membre (2010)
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Je vous propose, au travers de ce post, de faire :
- un récapitulatif de l’intérêt et des limites de cette forme d’investissement pour les personnes concernées par un fort « taux marginal d’imposition » qui souhaitent préparer efficacement un complément de retraite ou percevoir une « rente différée »,
- et de donner quelques repères chiffrés sur les meilleures stratégies à suivre, au travers d’un cas pratique (Cas Nard).
La constitution d’une société civile, comme réceptacle pour l’investissement immobilier ou financier, est « un grand classique » de la planification patrimoniale !
* Au plan civil, cet outil patrimonial permet d’organiser la propriété à plusieurs, en répondant à de nombreux objectifs tels que, par exemple :
. éviter les inconvénients de l’indivision notamment concernant essentiellement les règles relatives aux incapables (les décisions collectives sont en principe considérées comme des actes d’administration et ne nécessitent pas l’autorisation du juge des tutelles), à la durée (la durée de la société civile peut être de 99 ans alors que l’indivision est un état précaire);
. préserver l’unité du patrimoine successoral en cas de succession comprenant des biens difficilement partageables en nature;
. isoler un bien par rapport à l’exercice d’une activité professionnelle. Par exemple lorsque le professionnel souhaite séparer les biens utilisés pour l’exercice de son activité des locaux dans lesquels il exerce ;
. mettre en commun les moyens nécessaires à l’élaboration d’un projet d’investissement immobilier locatif, au comptant ou à crédit ;
. gérer un portefeuille de titres initialement détenu en indivision.
. etc..
* Au plan fiscal, la société civile offre également plusieurs choix intéressants, et notamment la possibilité d’opter, lors de la constitution ou en cours de vie sociale, pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés (article 206-3 et 239 du Code Général des Impôts).
C’est ce dernier aspect qui retient spécifiquement notre attention, aujourd’hui.
- Quel intérêt peut-on avoir à choisir, dans le cadre d’un investissement en parts de scpi, le régime fiscal de l’impôt sur les sociétés ?
- A qui ce montage s’adresse-t-il ?
- Quels résultats financiers peut-on en attendre ?
- Quelles sont les limites d’une telle formule ?
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Cas « NARD » : Monsieur et Madame Nard sont mariés sous le régime de la communauté. Ils ont 40 ans et deux enfants à charge. Les revenus de Monsieur et Madame Nard sont de 200.000 euros par an (salariés, cadres supérieurs). Leur taux marginal d’imposition est de 41%.
Après paiement des échéances de leur résidence principale, ils disposent d’une capacité d’épargne résiduelle de 1200 euros environ par mois, qu’ils souhaitent affecter à la préparation de leur retraite.
En complément de leur patrimoine financier (400.000 euros en assurances-vie en « fonds euros », un PEA et des livrets bancaires), ils envisagent d’investir dans l’immobilier locatif à crédit, en parts de scpi dans le but d’obtenir un complément de revenus, à 60 ans, d’environ 2500 euros brut par mois.
Si l’on suppose un taux de distribution de 5%, cet objectif implique l’acquisition d’un portefeuille de parts de scpi de 600.000 euros. (600.000 x 5%/12 = 2500 euros).
Que peut-on conseiller pour servir cet objectif ? _____________________________________________________________________________
I – L’option pour l’impôt sur les sociétés en phase de constitution de patrimoine
A. La constitution de la société civile
Pour ce type d’opération, la société civile est constituée avec un faible apport en numéraire (1000 euros) par deux associés, au minimum (l’un des deux associés pouvant ne détenir qu’une seule part). Les besoins de liquidités de la société sont essentiellement assurés par des apports en compte courant d’associé réalisés au fur et à mesure des besoins de la société, au moyen de la capacité d’épargne des époux.
Si la société civile opte, dès sa création, pour l’impôt sur les sociétés, elle bénéfice, chaque année, d’un taux réduit d’imposition à l’impôt sur les sociétés, actuellement fixé à 15% jusqu’à 38.120 euros de bénéfices. Au delà, l’impôt sur les sociétés s’élève à 33,33%.
Ce taux d’imposition réduit se compare favorablement au taux marginal d’imposition des contribuables les plus fortement imposés qui peut atteindre, 45% au delà de 151.956 euros de revenus imposables (pour chaque part de quotient familial), majoré de 15,5% de prélèvements sociaux, ce qui représente (tout de même) plus de 60% du revenu marginal.
Ce taux d’imposition réduit permet de mettre en place une stratégie de capitalisation à des conditions financières particulièrement avantageuses.
En l’état actuel du droit fiscal et social, aucun autre prélèvement obligatoire n’est dû par la société, qui n’exerce pas d’activité professionnelle, mais assure la gestion d’un patrimoine privé (holding patrimonial à objet strictement civil) : pas de contribution économique territoriale, pas de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, non assujettissement aux charges sociales (gérance bénévole), pas de TVA, pas de taxe sur les salaires (en l’absence de salarié et de gérance rémunérée).
La constitution d’une société civile familiale soumise à l’impôt sur les sociétés implique la tenue d’une comptabilité dans les formes commerciales. L’intervention d’un expert-comptable est donc requise pour la mise en forme des comptes annuels et l’établissement de la déclaration annuelle cerfa 2065, ce qui représente un surcoût annuel d’environ 1000 euros par an.
B. - La mise en place d’un investissement en parts de SCPI, à crédit et en pleine propriété
Tenant compte d’une capacité d’épargne de 1200 euros par mois, et des taux actuellement applicables, il est possible d’envisager, dans ce cadre, un investissement en pleine propriété et à crédit, pour un montant de 600.000 euros, financé au moyen d’un crédit amortissable à taux fixe d’une durée de 20 ans.
L’objectif poursuivi est de tirer partie de l’effet de levier du crédit immobilier. Chaque euro emprunté doit rapporter plus qu’il ne coûte, et le surplus doit être mis à profit pour rembourser tout ou partie du capital de l’emprunt souscrit. La conjoncture actuelle des taux, qui n’ont jamais été aussi bas depuis 60 ans, permet de réaliser des opérations à effet de levier, à des conditions intéressantes.
Les conditions actuellement appliquées par les banques permettre d’obtenir un prêt à taux fixe à un taux d’environ 2,7% hors assurances et hors frais de dossier, pour un bon dossier présenté au Crédit Foncier de France (taux applicable en juillet 2015).
C. Calcul de la rentabilité prévisionnelle :
Les tableaux prévisionnels portés en annexe retiennent des hypothèses prudentes (DVM : 5,20%). Le raisonnement est établi « à flux de loyers constants », bien que l’indexation des loyers permet d’espérer une revalorisation des loyers et de la valeur des parts, à long terme. Selon ce prévisionnel, la réalisation de cette opération au travers d’une société civile à l’impôt sur les sociétés, implique un effort d’épargne d’environ 13.959,12 euros par an (1163,26 euros par mois).
% Taux de rendement interne (TRI) prévisionnel net d’IS sur 20 ans : 7,25%
A titre de comparaison, la même opération réalisée au sein du patrimoine des époux Nard, avec le même effort d’épargne, conduit à la constitution d’un patrimoine de 399.790,22 euros. Dans ce cas, la rentabilité tombe à seulement de 3,68% l’an.
Les simulations et taux de rendement prévisionnels sont fournis à titre purement indicatif, et supposent que le rendement et la valeur des parts de scpi seront constants dans le temps (CF : le fichier PDF joint).
II – La perception de revenus complémentaires (dans une optique de « rente » ou de « complément de retraite »
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« Suite du Cas Nard : Monsieur et Madame Nard disposent d’une retraite annuelle de 53.000 euros. Leur taux marginal d’imposition tombe à 30% lors de leur départ en retraite… »
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A. L’adéquation avec les objectifs poursuivis
En constituant une société civile à l’impôt sur les sociétés, nous développons une sorte de « fonds de retraite privé » qui va avoir pour vocation de verser aux époux Nard, dans une vingtaine d’années, un complément de retraite à partir d’un patrimoine développé à des conditions particulièrement privilégiées. L’efficacité de ce montage sera d’autant plus grande que la phase de capitalisation sera longue et que les parts de scpi seront conservées longtemps, y compris pendant toute la retraite.
L’objectif poursuivi est clairement de doter les époux Nard de revenus complémentaires pour la retraite et non d’assurer la constitution d’un capital pour soutenir un projet personnel tel que l’achat d’une résidence principale ou secondaire. En effet, la liquidation « ex abrupto » de cette société civile, pour servir un tel projet, serait coûteuse au plan fiscal, car elle entraînerait la perception d’un important boni de liquidation imposable à l’impôt sur le revenu (barème progressif) ainsi qu’aux prélèvements sociaux, sans faveur particulière.
Nous verrons toutefois qu’il est possible de récupérer, sans impôt, une partie du capital constitué sous forme de remboursement de compte courant d’associé, en numéraire ou en nature, ce qui donne, quand même, une certaine souplesse au schéma.
B. Une grande souplesse dans la distribution des dividendes et la perception d’un complément de revenus
* Les aspects juridiques, fiscaux et comptables du remboursement du compte courant d’associés
Pendant toute la phase d’amortissement de l’emprunt, les associés apportent à la société, les sommes nécessaires pour assurer, en complément des loyers versés par les scpi, le remboursement de la banque.
Au bout de 20 ans, les apports en compte courant d’associés représentent une créance d’un montant significatif, que les époux peuvent faire valoir sur la société à tout moment. Au plan comptable, cette créance est portée au crédit du compte 455000. Nous la chiffrons, au cas présent, à 279.183 euros. Cette créance est remboursable par la société aux associés, selon différentes modalités :
- soit de manière progressive, en utilisant les revenus des parts de scpi versés à la société. Cela sera le cas, notamment, si les époux sont encore en activité ou sont encore concernés par un fort taux marginal d’imposition, et qu’ils souhaitent percevoir, un complément de revenus sans impôt, pendant un certain temps, pour financer un besoin spécifique (études supérieures des enfants, etc…) ;
- soit après revente d’une partie du portefeuille de SCPI par la société civile. Cela sera le cas, notamment, si les époux souhaitent pouvoir disposer de liquidités pour mener à bien un projet patrimonial (résidence secondaire, autre investissement, donation aux enfants en numéraire) ;
soit en une ou plusieurs fois, en revendant tout ou partie du portefeuille de parts de SCPI aux époux Nard (mécanisme de la dation en paiement) en pleine propriété ou, mieux, en nue-propriété grevé d’un usufruit temporaire, constitué au profit de la société civile.
Cette dernière option est certainement la plus intéressante, même si elle entraîne un surcoût lié à la perception de droits d’enregistrement au taux de 5% sur le prix de cession. C’est celle que nous retenons dans la suite de nos développements.
Elle permet de sortir les scpi du champ d’application de l’impôt sur les sociétés. Elle est intéressante, si les époux souhaitent pouvoir transmettre des parts de scpi en dehors de toute société civile, en nue-propriété, à leurs enfants, par donation, ou récupérer les parts de SCPI dans leur patrimoine personnel pour pouvoir les transmettre par succession, le moment venu.
A ce propos, il est parfaitement possible de faire correspondre la valeur de la nue-propriété cédée avec le montant du compte courant d’associé à rembourser. Il suffit, pour cela, de jouer sur la durée du démembrement. A titre d’exemple, une durée, pour l’usufruit ainsi constitué, d’environ 25 ans, donne une valeur d’environ 43% pour la nue-propriété (43% x 600.000 € = 258.000 euros). Le montant du compte courant d’associés est suffisant pour permettre cette cession !
L’usufruit constitué « per retentionem » au profit de la société civile, est amortissable à partir du jour de sa constitution. En effet, l’option à l’impôt sur les sociétés permet de considérer les usufruits, ainsi constitués, comme des immobilisations incorporelles amortissables de manière linéaire. L’amortissement permet de passer en charge du bénéfice imposable, une fraction annuelle du prix d’acquisition de l’usufruit correspondant à la durée contractuelle de celui-ci (par exemple 1/25ème par année sur 25 ans).
En effet, constituent des éléments amortissables, les immobilisations incorporelles, inscrites à l’actif de l’entreprise et effectivement soumises à dépréciation, par l’usage et par le temps. S’agissant des éléments incorporels, la jurisprudence considère qu’ils sont amortissables s’il est normalement prévisible, dès leur création ou leur acquisition, que l’avantage qu’en tire l’entreprise prendra fin à une date déterminée. Une décision du Conseil d’Etat en date du 1er octobre 1999 est ainsi venue affirmer qu’un élément d’actif incorporel peut faire l’objet d’amortissements, sous réserve de satisfaire aux deux conditions suivantes :
il doit être prévisible, dès la création ou l’acquisition de l’immobilisation, que ses effets bénéfiques prendront fin nécessairement à une date déterminée,
il doit être établi que cette immobilisation est un élément dissociable du fonds de commerce et fait l’objet d’une comptabilisation séparée au bilan.
Or, dans la mesure où le droit d’usufruit est un élément incorporel, il est possible d’en déduire la possibilité d’amortir le droit d’usufruit, sous réserve bien entendu de satisfaire aux deux conditions précédentes. Une position jurisprudentielle le confirme explicitement : Poitier, 21 novembre 1996, RJF 1/97, n° 7.
L’impôt sur les sociétés n’est donc perçu que sur le bénéfice réellement dégagé, après prise en compte de l’amortissement annuel. Au plan comptable, les usufruits de SCPI sont donc portés au compte 208000 (immobilisation incorporelle). Ils sont amortis, linéairement, en tenant compte de leur date d’entrée en jouissance et de leur durée contractuelle, par le compte 280800.
Dans une telle configuration, après extinction des usufruits ainsi constitués, la société pourra être dissoute à moindre frais.
* Les aspects juridiques, fiscaux et comptables de la distribution d’un dividende
Pendant toute la période d’amortissement de l’emprunt, la société a accumulé des bénéfices sociaux. Ces bénéfices sociaux ne reçoivent généralement aucune affectation particulière : ils sont portés au crédit du compte « report à nouveau ». En phase de distribution, les associés peuvent décider la distribution d’un dividende prélevé sur le compte « report à nouveau » ou sur le bénéfice de l’année. Le montant de cette distribution sera librement défini, chaque année, par les époux Nard, en tenant compte de la situation fiscale des époux, et de la nécessité de percevoir ou non un revenu complémentaire dans l’année considérée.
Ce versement supporte les prélèvements sociaux (actuellement fixés à 15,5%) et l’impôt sur le revenu selon le barème progressif, (après application d’un abattement actuellement fixé à 40%.)
Dans les tableaux qui suivent, nous supposons que les époux "Nard" distribuent, chaque année, les loyers encaissés, sous déduction de l’impôt sur les sociétés du.
III – Tableaux récapitulatifs
PHASE DE CAPITALISATION (TMI 41%)
(capacité d’épargne de 1163,26 euros par mois, crédit amortissable sur 20 ans)
Modalités Investissement à crédit (patrimoine privé) Investissement à crédit (SCI à l’IS)
Effort d’épargne 279. 183 € 279. 183 €
(sur 20 ans)
Capital constitué 399.790 € 600.000 €
(valeur de reconstitution)
%TRI 3,68% 7,25%
PHASE DE DISTRIBUTION (TMI 30%)
(pour les calculs qui suivent, nous supposerons que la nue-propriété a été cédée aux associés pour 258.000 euros). De ce fait, l’usufruit est amortissable pour sa durée contractuelle
(ici, sur 25 ans).
Modalités Investissement à crédit (patrimoine privé) Investissement à crédit (SCI à l’IS)
Loyers encaissés 19.989,50 € 30.000 €
A déduire, amortissement
de l’usufruit NA - 13.680 €
(1/25ème x 57% x 600K€)
Assiette de l’IS NA 16.320 €
Impôt sur les sociétés (15%)) NA -2 448,00 €
Assiette de l’IR/prélèvt soc 19 989,50 € 27 552,00 €
Impôt sur le revenu (TMI 30%) - 5 996,85 € - 4 959,36 €
Prélèvements sociaux (15,5%) - 3 098,37 € - 4 270,56 €
Incidence « CSG déductible » + 305,84 € 421,55 €
Revenu complémentaire
net d’impôts 11.200,12 € (56% des loyers) 18.743,63 € (62% des loyers)
Possibilité de tirage sans impôt sur le revenu NEANT 279.183 € (utilisé en partie)
(remboursement de compte courant d’associé
en numéraire ou en nature de pleine ou de
nue-propriété de parts de scpi)
chiffrage_scpi_au_travers_dune_sci_a_lis.pdf
Mots-clés : impôt sur les sociétés, revenus complémentaires, scpi, société civile
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