@zeno
Oui, on revient souvent à un problème moral, un problème de motivation. Plus je réfléchis à la question, plus j’estime que c’est le principal déterminant du choix de vie que représente soit la recherche de l’indépendance financière, soit la volonté d’être réellement rentier, soit, entre les deux, celle de réduire le temps passé au travail… C’est l’alpha et l’omega du problème. Après, les problématiques d’investissements, si elles sont importantes (car si on est incapable de dégager un quelconque rendement de son patrimoine, les perspectives sont noires…), ne sont que des moyens d’arriver à l’objectif. Et souvent, l’objectif profond n’est pas celui que l’on formule au début du chemin.
Mais je vous trouve dur avec vous-même quand vous parlez de faiblesse de caractère. Vous avez bâti un système qui vous assure des revenus plus confortables que 98% de la population : même si vous n’avez pas envie de mener grand train, il est rassurant d’en être capable, et toujours plus prudent de partir de la vie active avec un capital initial ayant une plus grande marge de tolérance à un accident…. Alors oui, vous ne "respectez" pas complètement votre objectif initial… Mais de là à se flageller, non. La décision est tellement radicale (il s’agit de changement de vie, ni plus ni moins) qu’il est naturel de l’envisager avec une certaine crainte. L’esprit humain aime bien ses habitudes !
Aussi curieux que cela puisse paraître, les philosophes qui ont réfléchi à l’état de rentier --- à l’époque classique, donc ils n’utilisaient bien sûr pas ce terme --- ont généralement beaucoup écrit sur la difficulté qu’il y a à atteindre l’état mental nécessaire pour cela. Je trouve amusante la parenthèse de quelques millénaires qui nous sépare d’eux, alors que la réflexion conserve toute sa pertinence.
Sénèque comme Cicéron ont écrit sur l’oisiveté (sans connotation négative) : pour eux, c’est un état extrêmement bénéfique et productif, c’est l’activité sans divertissement et sans agitation. Une tranquillité de l’âme qu’il faut rechercher pour s’accomplir réellement en tant qu’homme. Du coup, leur oisiveté ne rejette pas forcément le travail (et compte tenu de leur classe sociale, ce n’est que du travail intellectuel dont on parle, il ne leur serait pas venu à l’esprit qu’on puisse avoir besoin de travailler pour manger tout en se posant les mêmes questions qu’eux…) pas plus que certains ici ne veulent totalement abandonner l’activité qui était la leur durant la phase d’accumulation. Le parallèle est frappant. En gros, ce n’est pas tant l’activité en soi qui les répugne, c’est le fait d’être obligé de la faire pour maintenir son train de vie. La faire détaché des contraintes matérielles ne gêne pas nécessairement. L’état recherché n’est alors pas celui de rentier. Mais il n’est pas non plus celui d’oisif au sens des philosophes classiques, car l’activité qu’elle s’envisage maintenant est toujours plus ou moins accompagnée d’un lien de subordination. Ce qui est notable dans votre choix (l’enseignement à haut niveau) c’est que c’est un des domaines où il n’y a pas de contrainte hiérarchique. La liberté est grande, alors que par exemple, un consultant qui fera son travail sera toujours soumis, d’une certaine manière, à l’entreprise qui le mandate. Même si cette dernière fait appel à ses conseils, donc à son expérience, elle attendra un retour immédiat sur la dépense qu’elle fait. J’y vois une forme de liberté moindre, mais rares sont les métiers qui permettent cette indépendance d’esprit.
En fait, il y a une file sur les métiers qui permettent d’être rentier avant 40 ans, je me demande s’il n’en faudrait pas une sur les métiers que l’on peut réellement exercer librement… Mais bon, je dérive, je ne veux pas saouler tout le monde avec ça.
Quel est le résultat aujourd’hui? De septembre à février, je n’ai pas avancé mon projet, non que j’y ai renoncé, simplement de fil en aiguille, les exigences du système ont grignoté la part qui aurait du être consacré à cette tache.
Je voudrais quand même répondre à cela. Vous parlez d’exigence du système… C’est à dire que globalement, l’écriture de votre livre, ce que vous considérez comme le but premier, n’impose pas d’exigences. Tant que vous le considérez comme secondaire, pas au sens où cela ne vous tient pas à coeur mais au sens où sa réalisation est subordonnées à d’autres choses, jugées impératives, je pense que vous n’arriverez pas à dégager beaucoup de temps pour ce projet. Est-ce que dans votre esprit, le maintien du statu quo n’est pas la priorité ? C’est peut-être là-dessus qu’il faudrait concentrer votre préparation mentale si vous voulez rendre possible à brève échéance votre envie. Sans que cela soit une obligation, bien sûr : si l’idée de réaliser votre livre est une motivation profonde pour vous, c’est peut-être comme un fantasme, bien plus agréable à cet état qu’une fois qu’on l’a réalisé… et si vous en tirez une motivation pour être efficace et performant dans votre activité, c’est déjà un gros bénéfice!
Mon message avait un ton un peu négatif a posteriori: or finalement je ne me vois pas mener une autre vie. pas de patron, aucun ordre à recevoir, liberté totale de manoeuvre, du temps libre… le système que j’ai mis en place me permet et m’a permis de réaliser un certain nombre de mes rêves: obtenir une licence d’histoire, écrire des livres, passer beaucoup de temps avec mes enfants, ma femme… donc il ne doit pas être si mauvais.
Voilà. S’il vous mène à une vie qui vous convient, votre système est bon. Peu importe, à la limite, si ce mode de vie a comme béquille la poursuite d’un état idéal et un peu chimérique. Ce n’est pas grave, au contraire, c’est très bien d’avoir un but… si la situation dans laquelle vous êtes vous comble, il n’y a pas forcément de nécessité d’atteindre ce but.
Mon post avait pour but de passer un message un peu philosophique sur ce site (que j’aime beaucoup): dire qu’on pouvait aussi marcher sur les voies du ’rentier libéré’ en suivant les forces de son esprit.
Je pense que la démarche intellectuelle (sur soi) est indispensable pour se fixer un cap, que la démarche intellectuelle sur son environnement (pour monétiser ses compétences, ce n’est pas le travail ouvrier qui permettra de constituer un travail d’amorçage..) et envie la démarche intellectuelle sur son patrimoine sont indispensables
merci en tout cas pour votre réponse: êtes-vous dans une recherche similaire à la mienne si je ne suis pas trop indiscret?
J’ai atteint le seuil où je peux arrêter de travailler et vivre de mes revenus quasi-passif, grâce il faut le dire à une vie frugale. Le travail ne m’attire pas, car j’ai accompli un but professionnel et je n’y retrouve plus l’excitation des débuts. Je suis actuellement en phase de transition : je me consacre à des études pour mon développement personnel. Si cela aboutit à des opportunités nouvelles d’emploi, pourquoi pas ? Mais ce n’est pas le but a priori : mon objectif était de trouver le temps de lire et d’apprendre… sans apprendre nécessairement dans le but de produire quelque chose à la fin. Je suis trop tôt dans mon parcours pour savoir si cela ne va pas me lasser, d’où l’importance que j’accorde à la recherche d’occupation et à la réflexion sur le mode de vie…
Dernière modification par Hermann (19/02/2013 16h11)