@IH : pas de souci, je défends juste un système (les classes prépa / grandes écoles & le concours anonyme et égalitaire) que je trouve juste, utile, et conforme à l’idéal républicain (même s’il est bien sûr très perfectible) - son alternative principale (la sélection par l’argent et les relations) étant infiniment pire.
Quand on a vraiment trimé pour réussir son parcours académique, on ressent comme assez injuste de s’entendre expliquer (pas par vous) que le mérite est une fable inventée par la bourgeoisie pour préserver ses privilèges. Vraiment : ce système permet l’ascension de nombreux enfants de classes moyennes, c’est un contre-sens de l’assimiler à la reproduction sociale ; en revanche il est clair qu’il peut être amélioré et plus ouvert aux classes populaires.
On est d’accord sur le fait que le contexte familial / social est important, c’est juste une question de proportion. Mon impression c’est que le contexte familial / social est essentiel surtout au début du parcours scolaire - beaucoup moins quand l’enfant prend plus d’autonomie et réussit (ou non) selon sa volonté, son ambition et son travail (mais évidemment, si on ne l’a pas "lancé" sur cette voie au début, le succès est beaucoup plus difficile). Au niveau de la prépa, en tout cas, le milieu familial / social joue très peu, à mon sens.
[Personnellement, je suis très reconnaissant à mes parents pour m’avoir aidé jusqu’au CE2 ; je prends entièrement pour moi les succès (Centrale, ScPo) et échecs (X, ENA) des années suivantes, car j’ai travaillé sans relâche ; et je donnerais bien à la chance 5%, mais -5% pour la malchance. Donc, pour moi (évidemment sans prétention universelle): famille / milieu social = 10%, travail / volonté = 85%, "talent" (si ça existe, je crois plutôt qu’un talent est du travail accumulé) = 5% (et encore…), chance "nette" = 0%. S’agissant des autres, difficile à dire, mais en tout cas je ne connais aucun X ou Normalien qui ait volé sa place.]
D’accord donc avec Stibbons et Roudoudou pour dire que les inégalités sociales dans le système éducatif se créent bien avant le bac (et aussi assez d’accord avec les priorités affirmées par le nouveau ministre).
D’accord aussi avec Roudoudou et PoliticalAnimal sur les effets de réseaux, très importants en France (même si je les connais moins bien, ayant travaillé pour l’essentiel à l’étranger), et liés au milieu social et au parcours académique. Dans la boîte de M&A (banque française) où j’ai fait mon stage de fin d’études d’ingénieur, j’ai été pris quasiment sans entretien comme centralien, car mon N+1, N+2 et N+3 étaient tous centraliens ; l’autre branche de la boîte était composée uniquement de HEC/ESSEC. Plus que d’un mécanisme de "solidarité", la grande école sert de marqueur : on sait à quoi s’attendre si on embauche quelqu’un de son école (et bien sûr le narcissisme joue aussi : on se trouve bien, on embauche quelqu’un avec le même profil).
Autant je trouve le mécanisme de sélection pour les grandes écoles sain et égalitaire, autant je reconnais que ces effets de réseau sont sous-optimaux pour les entreprises (diversité etc.), et injustes pour ce qui en sont exclus malgré leurs compétences.
Plus généralement, le lien entre réussite académique et réussite professionnelle est bien sûr instable. On a tous connu des gens au parcours académique brillant mais nuls professionnellement dont le rayonnement n’était plus le même dans l’univers professionnel.
Pas étonnant donc, TyrionLannister, que vous ayez rencontré des X ou Centraliens incompétents et arrogants. Comme dans le reste de la société, il y a de tout dans ce petit monde - il y a aussi des gens très compétents et modestes. Je choisirais donc "mauvaise rencontre" dans vos choix :-) Attention tout de même : aux USA, vous vous croyez peut-être à l’abri de la "gangrène" des mauvais X et Centraliens, ce n’est pas le cas ! Voyez, moi par exemple, j’agis au niveau mondial, comme un virus très contagieux :-) (je vous taquine)
@PoliticalAnimal : on a dû mal vous informer : Les meilleurs lycées - Louis-Le-Grand, Fermat à Toulouse, ou Le Parc à Lyon etc. - recrutent tous des bacheliers provinciaux prometteurs et les logent à peu de frais dans des internats. Pas par charité républicaine, mais parce qu’ils veulent les meilleurs étudiants pour avoir les meilleurs résultats 2 ans plus tard aux concours. [@Vauban, effectivement, pas sûr en revanche qu’ils recrutent en province au niveau seconde, ce qui serait effectivement une bonne idée.]
Je trouve bien dommage de jeter le bébé du "mérite républicain" avec l’eau du bain de la reproduction sociale et des effets néfastes des réseaux. Essayons plutôt de préserver ce qui marche dans notre modèle unique, et de corriger ses défauts !