Bonjour,
Après lecture du RA 2017, quelques points d’analyse :
Selon la valorisation du site des Minoritaires, à 70 € environ, outre un EV/EBITDA d’environ 9, les autres multiples implicites sont de :
PER de 29 : à première vue cela semble élevé, pour ce que vaut le PER et vu comment la société fait tout pour lester son résultat net, elle déprécie massivement créances, stocks, immobilisations, un bon cas d’école du PER qui ne veut rien dire.
P/B : 2.8 : c’est élevé aussi, mais conséquence directe des dépréciations massives (cela réduit les actifs courants et non courants d’un côté, et les capitaux propres de l’autre).
Analyse des créances clients
Les créances sont dépréciées de manière relativement "conservatrice" : par exemple 100% de dépréciation pour les créances de plus de 9 mois.
Malgré le fait que les comptes soient aux normes IFRS, qu’ils sont audités et validés par deux CAC, je trouve personnellement que c’est une politique très agressive.
A partir de deux notes voici ce que l’on peut reconstituer :
La société déprécie 28% de ces créances, c’est énorme. Cela représente 10.6% du CA.
La vérité c’est que les pertes réelles représentent en 2017, moins de 1% du CA, 2% des créances brutes et 8% des dépréciations.
En 2017 les pertes avérées sont 12 fois inférieures aux provisions pour risques associées, et 20x moindres en 2016.
La variation du REX de la SA (+2.5M€) est d’ailleurs majoritairement expliqué par des écritures :
Litiges
Autre exemple de prudence ? une provision d’1.3M€ passée uniquement sur 2017
RA 2017 a écrit :
La société Graines Voltz est mise en cause dans le cadre d’un litige concernant une société acquise à 100% et ayant fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine depuis. Le litige est intégralement provisionné au 30 septembre 2017 pour 1 300 k€.
Pas plus de détail sur le litige mais 100% de provision comme si le pire était déjà acté. Quelle prudence ! Cela plombe bien la rentabilité nette affichée, parfait pour rester sous les radars…
Analyse du tableau des flux de trésorerie
Le plus intéressant
a) Le Free Cash Flow Yield = 20%, c’est très très élevé, autrement dit l’action est encore très peu chère à ce cours.
(selon les sources, le FCFY est le rapport entre le FCF et la Valeur d’Entreprise ou la Market Cap, ce qui ne change pas grand chose pour GRVZ)
J’avais en tête l’analyse des Daubasses sur le sites de Minoritaires en 2017 qui avaient remarqué le transfert massif de la trésorerie chez les fournisseurs, donc il y a probablement dans ce haut FCF un retour à la moyenne du BFR.
Regardons ligne b) et les éléments suivants.
Variation de BFR 2016
On voit bien le transfert de trésorerie dans la dette courante qui avait baissée d’une proportion anormale (même en tenant compte de changements mineurs de périmètre).
A titre de comparaison, la variation de BFR 2017, beaucoup plus normale.
Le BFR augmente et c’est logique mais il n’explose pas (en 2014 & 2015 la variation de BFR était de 2.4M€ en comparaison).
c) CAF brute (avant coût de l’endettement et IS)
12.2% du CA et 9.5M€, la société a amélioré sa rentabilité opérationnelle
d) Cash-flow opérationnel net
Ici on tient compte de la variation de BFR et de l’impôt réellement versé.
Le CFO de 16.4% en 2017 est très élevé comparativement à 2016 (cf. analyse BFR plus haut) mais également plus élevé que 2014 & 2015.
On pourrait légitimement augmenter la variation de BFR, car elle représente 1.5% du CA 2017 contre 2.8% en 2014 & 2015, il y a donc peut-être encore un peu de cash caché ici.
Autre point qui a son importance, en 2017, la société a reçu un remboursement d’impôts, elle n’en a pas décaissé contrairement aux années antérieures.
Les 2.1M€ reçus sont composés de 1,05M€ de CIR 2016 (987K€ pour Graines Voltz SA et 68K€ pour Saulais), le solde étant majoritairement dû à des actifs d’impôts différés (d’après ce que j’ai pu en déduire de mon rapide échange mail avec la société). Un peu de CICE également.
Le sujet des impôts est très complexe, mais sans être expert, il me paraît imprudent de considérer ce flux créditeur comme normatif.
J’ai calculé un IS versé "normalisé" de -2 521 K€.
Calculé par le rapport entre la somme des 3 derniers IS versés, et la somme des 3 dernières CAF avant impôts (=23.4%). Ce mode de calcul approximatif est probablement discutable tellement c’est compliqué mais je pense que le résultat n’est pas totalement aberrant.
Flux de trésorerie normalisés
En normalisant la variation de BFR et l’impôt versé le tableau de flux ressemblerait à cela :
Le taux de cash-flow opérationnel est toujours relativement élevé, ainsi que le FCF Yield, on peut considérer ces estimations comme prudentes/normatives.
Je n’ai pas retraité les investissements car je n’en sais rien, en 2014 c’est ce qui a consommé entièrement le CFO, en 2016 au contraire, les désinvestissements ont augmenté la trésorerie.
Ligne f), on peut voir que les décaissements sur immobilisations sont historiquement élevés en 2017, compensés en partie par des remboursements de prêts consentis (g), le solde de -921K€ (h) me parait donc cohérent.
De plus vu les recentrages récents (et futurs cf. plus bas) des activités du Groupe il est peu probable d’assister prochainement à de la croissance externe et à des investissements à la rentabilité douteuse.
Le FCF (normalisé ou pas) couvre largement les flux de financement annuels 2017 (i) : environ 4.5M€ dont :
0.4M€ d’intérêts
4.1M€ de remboursement d’emprunt
A noter qu’il n’y a que 7.5M€ à rembourser sur les 5 prochaines années (dont un pic à 3.4M€ en 2018 tout de même).
En tenant compte de flux de financement lissés sur 5 ans on obtient :
6.3M€ de FCF pour les actionnaires, sans tenir compte de la croissance.
Largement de quoi verser un bon dividende sans taper dans la caisse (encore faut-il que ce soit un réel souhait de la société).
Ca reste une estimation "pour le fun", avec les informations connues à date.
Eléments complémentaires
Tests de dépréciations
La valeur recouvrable a été déterminée par la direction sur la base de la quote-part de situation nette de l’UGT ajustée d’un montant déterminé selon la méthode des multiples d’entrée. Ces multiples sont ceux qui ont été retenus lors de l’acquisition initiale des sociétés et s’appliquent à la moyenne des résultats nets normalisés de l’exercice audité et du précédent exercice.
…/… Par ailleurs, une comparaison a été effectuée avec la valeur d’utilité des UGT selon IAS 36. Celle-ci a été déterminée selon des projections de flux de trésorerie sur une période de 3 ans puis extrapolés sur les années suivantes et permet de conclure à un niveau de dépréciation comparable avec la méthode de dépréciation retenue par le groupe exposée ci-dessus.
Le calcul selon IAS 36 prend en compte une valeur terminale correspondant à la capitalisation des flux de trésorerie générés la dernière année de prévision. Les hypothèses retenues en matière d’évolution des ventes et des dépenses sont déterminées par la direction en fonction des résultats passés et des tendances de développement des marchés concernés. Les évaluations de flux de trésorerie actualisés sont sensibles à ces hypothèses ainsi qu’aux modes de consommation et aux facteurs économiques.
Le taux d’actualisation retenu pour ces calculs est un taux après impôt, appliqué à des flux de trésorerie après impôt et correspond au coût moyen pondéré du capital. Ce taux est la résultante de taux spécifiques pour chaque marché ou zone géographique en fonction des risques qu’ils représentent. Les hypothèses retenues en termes d’évolution du chiffre d’affaires et de valeurs terminales sont raisonnables et conformes aux données de marché disponibles pour chacune des UGT.
En gros si je comprends bien ils revalorisent leurs acquisitions selon l’actif net à date + ajoutent le produit d’un multiple de RN (PER) utilisé lors de l’acquisition. Puis comparent le résultat avec une valorisation DCF avec une période de 3 ans détaillée + une valeur terminale extrapolée.
Même si la dépréciation n’est pas une charge cash, donc sans importance puisque le mal est déjà fait (déjà décaissé) je trouve cette explication méthodologique intéressante, je ne l’avais jamais lu dans les quelques rapports que j’ai pu lire. Il y a probablement plusieurs méthodes pour les tests de dépréciation, en tout cas ce n’est pas expliqué si clairement dans d’autres rapports.
Au début cela m’a étonné de lire une telle qualité d’information, mais dans le rapport des commissaires aux comptes, il y a deux pages consacrées à ce sujet aux méthodes très sensibles et ce sont les CAC qui ont imposés les explications précitées. D’ailleurs toute la politique de provisions de l’entreprise est identifié en risque et a fait l’objet d’un audit approfondi…
Hors bilan
9.8M€ d’engagements données, dont 5M€ associés à des emprunts bancaires de 3.3M€. Vu le bilan de la société, rien à craindre de ces engagements.
Stocks options
Actuellement sur les 1 370 000 actions composant le capital, 105 266 sont auto-détenues, et 93 351 sont déjà attribuées à 2 plan de stocks options à un prix de 20.07 €.
33 111 options sont exercables jusqu’au 12/07/2018
63 897 options sont exercables jusqu’au 19/12/2018
Donc vu le prix de l’option et le cours actuel elles seront probablement exercées cette année, pas de souci de dilution puisqu’auto-détenues, elles comptent déjà dans les résultats dilués.
Par contre vu leur nombre par rapport au flottant et aux volumes du titre il ne faudrait pas qu’elles soient vendues aussitôt exercées au risque d’entraîner le cours à la baisse.
Immobilisations financières
Les participations d’entreprises associées pour 269K€ au bilan représentent l’actif net de la société Phytosem, selon la méthode de la mise en équivalence (au prorata du taux de détention). Cette participation représente 0.20€ par action et son RN 2017, 25M€ en part de groupe. Elle a été cédé entièrement post clôture (nov-2017). Pas d’info sur le montant cash.
D’ailleurs l’écrémage/recentrage du Groupe n’est peut-être pas terminé :
Rapport du Conseil d’Administration a écrit :
Ibéria Seeds – Topsem – Graines Voltz Turquie – Semapro – Phytosem
Les aléas de la recherche de produits adaptés à l’activité de nos filiales du bassin méditerranéen liés aux prévisions, particulièrement aléatoire en raison des circonstances économiques et politiques des pays concernés nous incitent à une réflexion sur la rationalisation de nos débouchés commerciaux dans ces pays, et d’une façon générale sur nos participations.
Edit : pour info les calculs ont été fait dans la semaine, sur un cours de 40.80 €.
Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.