C’est effectivement LE grand dilemme actuel de l’investisseur: absolument TOUTES les catégories d’actifs sont survalorisées : les obligations, l’immobilier, les actions, les actifs tangibles (terres, forêts)… tout, sauf peut-être l’énergie et les matières premiers (mais il faudrait que l’activité rebondisse un jour pour que leurs cours redécollent; avec la Chine qui a fini sa révolution industrielle, pas sûr qu’il y ait autant besoin de produire autant de pétrole et d’acier qu’il y a 10 ans). Aux USA, les PER et les indices ont dépassés leur sommet de la bulle internet de 2001, en Europe on n’y est pas encore tout-à-fait mais on s’en approche alors même que les profits des entreprises et les PIB sont encore loin d’avoir retrouvé leurs niveaux de 2008, en Chine même après le mini-crack de la fin 2015 les valorisations des entreprises et de l’immobilier sont encore stratosphériques etc. Si un jour les taux remontent, ça risque effectivement de faire mal.
Maintenant, 3 questions fondamentales :
1) les taux vont-t-ils remonter un jour ?
Si oui : 2) quand ?
et 3) à quelle vitesse ?
Mes sentiments (qui n’engagent que moi) :
1) oui, à mon sens, les taux remonteront probablement un jour, ne serait-ce que parce qu’en économie, les statuquos ne durent pas éternellement. Mais c’est plus une intuition qu’une conviction ou une évidence économique : de la même manière que la croissance du PIB mondial a été de l’ordre de 0.05% annuel pendant 10 000 ans (entre le néolithique et la Renaissance), il n’est pas impossible d’imaginer que nous soyons revenus à un stade de l’évolution humaine où croissance et taux d’intérêts resteront très faibles pendant quelques siècles, inférieurs à 1%.
2) Quand : probablement pas avant 10 ans. Peut-être plus. C’est bien le cas au Japon, grand pays aux caractéristique socio-économiques très proches des nôtres (population vieillissante, PIB et gains de productivités stagnants, dette élevée…). La crise japonaise a commencé en 1990. Les taux de la BOJ sont tombés à 0.5% dès 1996, cela fait donc 20 ANS, et pourtant le Japon n’est toujours pas sorti de la spirale déflationniste. Une simple transposition de cette situation, avec un QE européen réellement lancé en 2012, nous donne un horizon qui dépasse 2030… Pour que les taux augmentent en Europe, il faudrait que l’économie reparte, que nos entreprises se remettent à exporter (alors que les grosses structures exportatrices ferment massivement et sont remplacées par des autoentrepreneurs dans les services à faible valeur ajoutée), que le temps de travail réel des actifs augmente (il baisse partout, y compris aux USA, en GB et en Allemagne), que les salaires augmentent (mêmes aux USA, malgré 2.5% de croissance en 2015, la hausse des salaires est quasi nulle, phénomène totalement inédit)…
Je suis persuadé que nous sommes rentrés dans un monde fondamentalement déflationniste (et là, c’est une conviction). L’inflation ne viendra pas de la monnaie injectée par les Banques centrales – elle nourrit surtout l’économie de bulle, peu l’activité réelle – mais de la hausse des salaires. Or, avec la mise en concurrence généralisée entre salariés au niveau mondial, la facilité à sous-traiter les tâches voire à transférer des activités à l’autre bout du monde en quelques clics, avec internet qui élimine des professions entières basées sur des activités d’intermédiaire, avec l’inévitable hausse de la fiscalité pour financer le vieillissement et le remboursement de la dette, avec les exodes de populations qui nourrissent les cohortes de tous ceux qui sont prêts à travailler pour 4 sous, je suis très pessimiste sur la hausse des revenus réels. Et sans hausse significative des revenus, pas d’inflation ni de hausse des taux.
3) à quelle vitesse remonteront les taux : quelle qu’en soit la date, je pense que ce sera très très progressif. Même la Fed a commencé sa hausse à dose très homéopathique (et il n’est pas dit que le rythme ne ralentisse pas encore, JY marche sur des œufs). Notre seule chance, c’est que nos grands argentiers sont parfaitement conscients que la finance mondiale danse sur un volcan et qu’une hausse trop brutale des taux déclencherait une catastrophe sans précédent.
Bref, ceux qui pensent que les taux pourraient remonter d’ici à quelques années ont tout intérêt à patienter un peu, acheter de l’or, stocker des billets de 500 euros et attendre tranquillement l’effondrement pour racheter à la casse de l’immo et des actions. Dans 6 ans, ils seront riches. Réellement riches. C’est une possibilité.
Mais si cette situation est amenée à se prolonger pour encore 10 ans ou plus, ce qui est à mon sens le plus probable, alors cette stratégie n’est plus une option : même si l’inflation – officielle – est très faible, peu de monde peut se permettre de laisser son capital dormir pendant autant de temps.
Le risque est de faire comme moi : persuadé depuis le début des années 2000 que l’immobilier résidentiel était entré en phase de bulle déconnectée des revenus, je n’ai pas acheté mon logement. J’ai attendu l’inévitable baisse. J’ai accueilli le dégonflement des bulles espagnole et irlandaise en 2010 par un « je l’avais bien dit ». Et pourtant, en 15 ans, la bulle française a encore gonflé (un peu moins depuis 4 ans, c’est vrai, mais elle semble repartie). Bilan, à 40 ans passé, je ne suis toujours pas propriétaire. Cela dit, je me suis assez largement rattrapé en investissant tôt mon épargne (conséquente) en actifs diversifiés (actions, obligations, SCPI) qui se sont très fortement appréciés (merci la baisse des taux !), et aussi parce-que… j’ai épousé une propriétaire qui a eu l’intelligence d’acheter un grand logement au début des années 2000 (d’où la forte capacité d’épargne : ni loyer ni emprunt). Et j’ai besoin d’un minimum de rendement (on va dire 3% net minimum) pour me constituer le capital nécessaire pour « lever le pied » d’ici une petite dizaine d’années, et compléter la fabuleuse retraite que me promet la sécu (autour de 1200 euros mensuel à partir de 68 ans 1/2, et encore, si tout va bien). Donc, je continue à investir sur des actifs surévalués – par défaut -, prudemment, sans m’endetter (l’effet de levier pouvant jouer dans les deux sens… je privilégie la nue-propriété qui offre un coussin de sécurité à la baisse), en diversifiant beaucoup (trop pour réellement devenir "riche"), en gardant du cash et quelques placements peu rémunérateurs mais relativement décorrélés des marchés financiers (PEL à 2.5%, un peu de terres agricoles) « au cas où »… en espérant que la musique ne s’arrête jamais, ou bien que j’aurai encore une chaise sur laquelle m’asseoir lorsqu’elle s’arrêtera !
Message édité par l’équipe de modération (20/04/2016 00h39) :
- aération du texte qui était présenté (en un seul gros pavé) de façon assez indigeste