Pour compléter les propos de philippe30 sur les locaux commerciaux, voici 2 autres difficultés à ce sujet :
1) notre incompétence à ce sujet (à moins d’avoir des parents commerçants).
Chacun habite quelque part depuis sa naissance, donc chacun a des dizaines d’années d’expérience d’habiter, donc chacun sait ce qu’est une bonne habitation. Il faut certes acquérir des compétences supplémentaires pour apprendre à juger des travaux nécessaires, etc, mais la base, chacun l’a, car chacun peut "sentir" si c’est une bonne habitation ou pas, en se référant à son expérience d’habitant.
Un local commercial, c’est terra incognita. Un bon local commercial, c’est celui dont vous ressortez en ayant acheté quelque chose ou un service, sans même vous rendre compte du dispositif qui vous a fait acheter. Le local commercial met en valeur la marrchandise et s’efface discrètement derrière cette marchandise. Donc le quidam moyen ne connaît pas les critères d’un local commercial, ne sait pas comment ça fonctionne.
Les critères sont notamment : le bon état des commerces alentours ; l’accessibilité en transports (en commun, en voiture, à pied), le parking facile (on est de plus en plus dans une logique "drive". Un stationnement "arrêt minute" peut changer énormément le chiffre d’affaires d’un commerce), la visibilité (TRES important. Par exemple un local avec 5 mètres de vitrine sur 20 mètres de profondeur vaut beaucoup moins cher qu’un de 20 mètres de vitrine sur 5 mètres de profondeur, pourtant ils font la même surface). S’y rajoutent des critères comme la facilité de livraison en camion (jusqu’à quel tonnage ?), la conformité aux normes ERP, l’accessibilité PMR, la présence de matériel spécifique au métier (dont il est bien difficile de juger la qualité et l’état. Vous vous y connaissez en chambres froides ? En panneaux rainurés ? En présentoirs ?).
2) L’autre gros point de vigilance que je veux rajouter, c’est les ravages que font la simple phrase "c’est le preneur qui fait tout". En effet, contrairement à l’habitation où le locataire n’a que très peu de travaux d’entretien locatif à sa charge, en locaux commerciaux, il est d’usage que ce soit le locataire qui fasse tout (sauf bien sûr les gros travaux au sens de l’article 606 du code civil). Exemples :
- c’est une boucherie, reprise par un jeune boucher qui déplore des équipements anciens et une devanture moche : il va renouveler les équipements et refaire la vitrine entièrement à ses frais.
- c’était une boucherie, un coiffeur veut reprendre : ok, mais les transformations nécessaires sont entièrement à ses frais.
Ca fonctionne avec les locataires soigneux et riches, qui savent qu’entretenir le bon état du commerce contribue à maintenir voire développer son chiffre d’affaires et la valeur du fond de commerce. Mais, les gens non soigneux, ou les gens dont le commerce bat de l’aile financièrement, vont appliquer "on s’en fout, c’est pas à nous". Et là, le bailleur voit la qualité de son bien se dégrader… ou ne la voit pas, car les bailleurs de locaux commerciaux sont souvent peu intéressés à leur bien, tellement ils sont persuadés que c’est une vache à lait dont il n’y a pas à s’occuper. Qu’il la voit ou pas, elle se dégrade.
Et c’est là qu’il faut parfois sortir de la phrase "c’est le preneur qui fait tout", et que le bailleur accepte de mettre la main à la poche, car c’est son intérêt bien compris. Selon la nature de la dépense, soit il paie à 100 %, soit il propose une participation (type 50/50), soit il propose de la franchise de loyer (quelques mois de loyer offerts). Il faut alors distinguer les améliorations qui donnent de la valeur durablement au local (tel que la pose d’une climatisation ou de portes automatiques) et celles qui sont spécifiques à ce preneur-là (tels que les équipements spécifiques métier, ou la mise aux couleurs de sa chaîne). Le bailleur peut avoir intérêt à contribuer à la première catégorie de travaux (ceux qui améliorent durablement le local), mais pas à la seconde (travaux spécifiques à ce preneur-là).
Enfin, j’ajoute que le commerce de proximité est sur un déclin de long terme. La vente sur internet est en train de lui filer un mauvais coup, qui n’est qu’une étape de plus sur un déclin amorcé depuis au moins le milieu du XXe siècle. La suite est difficile à imaginer. Par exemple, tout le monde croyait, il y a encore peu, que des choses qu’il faut essayer avant d’acheter, comme les vêtements et les chaussures, ne se vendraient pas sur internet. Et pourtant… Les commerces de vêtements et de chaussures tirent la langue, comme avant eux les disquaires, les libraires, les photographes, etc. Le prochain sur la liste pourrait bien être opticien, métier qui semble pourtant un locataire rassurant à Philippe30. Techniquement, tout est disponible pour vendre des lunettes sur internet et pour que cela remplace progressivement l’opticien "old school" d’ici 10 ans environ.
On en a déjà parlé, je sais qu’on m’a dit que j’exagérais… Je redis quand même : attention, quand on investit à l’encontre d’une tendance de long terme, ça finit rarement bien…
Dernière modification par Bernard2K (30/08/2019 09h00)