1 #1 14/05/2020 18h32
- Caratheodory
- Membre (2019)
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Le but de cette file est de réfléchir à la notion de risque pour un investisseur en pensant de façon probabiliste.
C’est manifestement le mode de pensée sous-jacent aux modèles mathématiques utilisé par la finance moderne.
Je n’y ai jamais vraiment réfléchi, dissuadé par le coût d’entrée pour commencer à manipuler ces modèles en temps continu.
Les modèles en temps discret sont pourtant moins chers et je suis très à l’aise avec l’idée que leurs comportements qualitatifs ne sont pas fondamentalement différents.
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Il y a 3 ans, je recevais dans ma boite mail professionnelle un message d’un personne se présentant comme travaillant dans un projet de recherche à HEC. Il avait apparemment envoyé le même message à un échantillon statistiquement représentatif de mathématiciens universitaires.
Il décrivait 4 modeles aléatoires simplifiés (en temps discret) de marché et demandait une estimation du résultat final d’une stratégie lump-sum. Il fixait comme règle du jeu de lui répondre en 15 minutes.
Je pense que son message est allé à la poubelle chez la majorité des collègues mais je décidai de participer à son enquête.
Dans 3 cas, j’ai répondu que je connaissais une méthode de calcul de l’espérance mathématique du résultat mais que je n’avais pas le temps de faire les calculs en 15’. Pour le 4ème je répondis en disant que c’était un processus stochastique avec temps d’arrêt, que je n’étais pas sur de donner le résultat en moins de quelques jours car je n’ai pas les bons reflexes.
Enchanté d’avoir au moins une réponse, il me répondit que l’espérance mathématique n’est peut être pas la bonne façon de penser au problème en me donnant une caractéristique paradoxale d’un des modèles.
Intéressant.
J’ai eu l’occasion de réfléchir au problème sur lequel j’avais séché et j’ai trouvé la littérature adéquate.
J’ai simplifié encore le modèle au point de pouvoir essayer d’expliquer le résultat sur ce forum.
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Au temps 0 un investisseur commence avec une fortune de K euros.
Supposant qu’au temps N entier (c’est ça un temps discret) il a X Euros, au temps N+1 il a X+1 Euros avec probabilité p et X-1 avec proba 1-p sauf si X=0 auquel cas il reste à 0 Euros, puisqu’il est ruiné.
Ce qui se passe dans les transitions du temps N au temps N+1 est statistiquement indépendant de ce qui s’est passé avant N et de ce qui se passera après N+1 (le nom savant est: processus de Markov) .
Le nombre p est compris entre 0 et 1. p=0.21 correspond à 21% de chance.
Au temps 1, l’investisseur à K-1 avec proba 1-p, K+1 avec proba p.
Au temps 2 il a K-2 avec (1-p)^2, K avec
2p(1-p) K+2 avec p^2.
Etc….
J’ai supposé que K est plus grand que 1, bien sur: la ruine peut survenir en K coups.
Résultats:
Si p<0.5, avec probabilité 1, l’investisseur est ruiné rapidement.
SI p=0.5, avec probabilité 1, l’investisseur finit par être ruiné mais l’espérance mathématique de sa fortune est K. Le temps moyen de ruine est infini ce qui signifie qu’il survit assez longtemps.
Si p>0.5 c’est plus compliqué.
La probabilité de ruine est q^K avec
q= (1-p)÷p <1, c’est à dire qu’il qu’elle décroît exponentiellement vite en la fortune initiale.
SI la ruine ne se produit pas, l’espérance de fortune au bout de N coups est de l’ordre de (2p-1)N.
En fait le théorème central limite s’applique s’il n’est pas ruiné et la répartition de sa fortune est gaussienne avec écart type en N^(1/2) comme s’il n’y avait pas la clause de ruine et que les valeurs de portefeuille négatives étaient autorisées.
Mais il ne s’applique pas si la ruine survient.
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Le modèle est bien sur un peu ridicule (mais pas plus que les modèles gaussiens qui ont eu l’honneur des gazettes il y a 12-13 ans) toutefois il illustre bien certains phénomènes:
1) Si p<0.5 il ne faut pas entrer sur ce marché. Et si p=0.5 ce n’est pas une super idée.
2) Même si p>0.5, c’est à dire si le jeu vaut la peine d’être joué, il se crée une fracture sociale du seul fait du pas de bol.
3) Dans ce cas la probabilité de ruine décroît vite avec la mise initiale.
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Je ne suis pas tout à fait sur de mon coup mais je verrais bien une définition du risque d’un placement comme une fonction de la probabilité de ruine (ou de division par 2 de la fortune initiale en euros constants).
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L’investisseur ultra-conservateur que je suis est conforté par ce modèle dans son opinion que les bénéfices de la prise de risque ne vont vraiment qu’aux investisseurs ayant les reins solides.
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Mots-clés : maths financieres, probabilités, risque
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