Korben, je vais tenter de vous faire un topo rapide et simple du secteur. Il s’agit uniquement de ma propre compréhension. Le point de vue d’autres intervenants est le bienvenu.
Types de jeux vidéos
- AAA (dit triple A) : Gros budget réservé aux majors du secteur. Il s’agit généralement de franchise, type FIFA, GTA. Coût de développement très onéreux mais succès quasi assuré, dû à l’image existant de la franchise. C’est un quasi-moat sur le segment du jeu (FIFA est leader sur la simulation de football, difficilement attaquable), le challenge étant de conserver son leadership. Acteur : Ubisoft, Rockstar.
- AA : Budget modéré. Inutile de faire une pâle copie d’un triple A, c’est perdu d’avance au vu de la différence de moyen. Du coup le but est de faire un bon jeu mais en s’attaquant à un marché ou gameplay inexploré. Hormis le succès le commercial immédiat, le rêve est de créer une franchise à long terme. Segment de FHI.
- A : Faible budget, petit jeu développé par des studios indépendants. Le but est de percer en étant très original. Bien souvent des one shoots.
Grossièrement c’est ça. Juste retenir que la notation (A, AA et AAA) dépend juste du budget développement alloué au jeu.
Business du secteur
Les majors (AAA) internalisent le développement des jeux. Il maitrise pratiquement toute la chaine de création de valeur.
FHI a un rôle d’éditeur, il ne développe rien. Son but est de dénicher des studios et de sous traiter le développement des jeux. La clé est de trouver les studios les plus talentueux. Une fois le jeu développé, c’est l’éditeur qui se charge de la commercialisation (diffusion, marketing et publicité).
Les éditeurs et les studios sont dépendants. En effet le développement d’un jeu vidéo est long, plusieurs mois voir une ou deux années. Un studio indépendant ne peut absolument pas prendre le risque financier tout seul, d’ailleurs aucune banque n’accepte de les aider. En cas d’échec commercial la perte est totale, aucun collatéral pour la banque.
Du coup le risque est partagé entre les deux acteurs (éditeur et studio). Voici comment cela se matérialise (les chiffres sont arbitraires, c’est le process qui est important) :
1. Le jeu est validé, le développement est lancé. L’éditeur avance 30% des couts de développement.
2. Le jeu est développé en 6 lots. A chaque livraison, l’éditeur paie 5%
3. Le jeu est terminé, l’éditeur règle les 40% restant
4. Le jeu est lancé sur le marché. L’éditeur et le studio se partage 50% des bénéfices. Il partage également la propriété intellectuelle du jeu pour X années
Si c’est un succès, le jackpot est partagé entre les deux acteurs. En cas d’échec, le studio ne coule pas mais les développeurs pourront dire adieu à leurs bonus.
Risque pour l’éditeur
L’échec commercial est un risque maitrisé, en effet l’éditeur lance une multitude de jeux, statistiquement il y aura des échecs, des jeux moyens et quelques pépites. Tout se joue au moment de sourcer les studios et de définir le segment cible du jeu vidéo.
Le plus gros risque provient d’un jeu à succès se transformant en franchise. Le studio peut changer d’éditeur en fin de droit ou se faire racheter. C’est ce qui est arrivé avec Farming Simulator pour FHI. Une magnifique vache à lait racheté par Giants Software. C’est la raison pour laquelle FHI s’échange à des multiples plus faibles que la concurrence, le marché sanctionne cette incertitude.
Enjeux pour les éditeurs
L’enjeu découle naturellement du risque. Acquérir des studios pour sécuriser les franchises. Le virage est en cours chez FHI avec la stratégie EEE (Enhance, Evolve, Explore). Achat récemment du studio Deck13 (auteur de The Surge) pour 7,1 millions d’euros. Il reste 40 millions d’euros de budget pour acheter des studios, de quoi faire.
Création de valeur long terme
La valeur réside dans le portefeuille de franchise. Plus l’éditeur possède de franchise prestigieuse, plus il s’assure de plantureux cash flow régulier. Il est impossible de prédire à l’avenir le succès commercial d’un jeu vidéo, impossible. En revanche le talent passé de FHI à sourcer d’excellents studio est indéniable. On peut donc espérer l’achat de bon studios à prix raisonnable et l’émergence de franchise.
Comparaison
On peut presque comparer le sourcing de studios aux maisons de disque recherchant des artistes prometteurs. Tandis que les franchises peuvent être comparées aux marques de grandes consommation, très difficile à concurrencer une fois bien installé (une ou deux marques phares par produit, pas plus).
Rappel: Il s’agit uniquement de ma propre compréhension, j’ai un peu simplifié pour être simple et clair.
Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.