C’est fou tout ce que l’on peut faire avec le nom de quelqu’un d’autre. Aujourd’hui, la simple copie d’une carte d’identité suffit pour ouvrir un compte bancaire en ligne, louer une voiture et ne jamais la rapporter. Voiture qui pourrait servir à un trafic de stupéfiants… Et une palanquée de délits. « Il faut être clair : personne ne se fait délivrer un faux pour le plaisir. Un faux, c’est un outil pour commettre de futur délit », insiste Christian Jacques, brigadier coordinateur zonal en fraude documentaire de la Police aux frontières et expert toutes catégories.
Et une vraie galère peut s’enclencher. À tel point que, récemment, un homme originaire de Moselle a purement et simplement été obligé de changer de nom, face à des usurpateurs bien trop chevronnés.
Être sommé de payer une multitude d’amendes routières, se retrouver dans l’impossibilité de quitter le territoire français, devenir interdit bancaire, voire se retrouver dans l’impossibilité de se marier si quelqu’un a déjà épousé une autre personne avec votre identité font partie des autres conséquences envisageables. « La galère peut durer des années. Et c’est une bombe à retardement. Parfois, entre l’usurpation, l’usage et la découverte, il peut se passer plusieurs mois, voire plusieurs années avant de s’en rendre compte. » Et l’affaire n’est pas anodine : la fraude touche 1 500 victimes d’usurpation d’identité avérées en France chaque année. Le service zonal de la Paf a traité plus de 1 000 faux en 2016 (dont beaucoup de faux papiers, sans victime directe, si ce n’est l’administration française).
Bien sûr, il y a celui qui va se borner à dérober un passeport ou une carte d’identité. À l’ancienne. Donc, on fait attention à son portefeuille. Mais les fraudeurs d’aujourd’hui sont de plus en plus finauds. Outre le vol, l’usurpation d’identité se décline en deux types de faux. Le titre qui est faussement édité, de bout en bout. Et le plus dangereux : celui qui permet de se faire délivrer une véritable pièce d’identité, par l’administration française, au nom d’un tiers, le vrai-faux. « Il faut faire attention à tout ce que l’on donne. Quand on se porte caution, quand on achète quelque chose sur internet, quand on dépose un CV. Même sans mauvaise foi, les interlocuteurs scannent les documents, les mettent à la poubelle. Il suffit aux fraudeurs de fouiller les sacs. » Même des copies, en noir et blanc, peuvent suffire comme base de travail pour ensuite se faire délivrer un faux. « Il faut être très prudent. Vous laisseriez un billet de 500 € sans surveillance ? Ou un chèque sans le barrer ? Votre carte d’identité, c’est pareil. Je conseille de préciser, sur la copie du document qu’on donne, qu’on souhaite qu’elle soit détruite. C’est un geste simple qui peut éviter bien des problèmes. »
Il faut également faire attention à tous ces petits détails que l’on laisse sur la Toile ou les accès vers un ordinateur dans lequel un hacker pourrait s’engouffrer. « Certains ont une copie de leur passeport dans leur ordinateur. Où est l’intérêt ? En revanche, en cas d’intrusion, c’est tout bénéfice. » Car, pour le faussaire, le filon peut être juteux : un kit carte nationale d’identité, plutôt bien fait, peut valoir jusqu’au 4 500 €. Et le risque est nettement moins grand. Peine encourue : trois ans d’emprisonnement contre dix ans pour le trafic de stupéfiant.
Aujourd’hui, une simple copie de carte d’identité, en noir et blanc, suffit pour enclencher une usurpation d’identité. Et les dégâts, en cascades, peuvent être nombreux et désagréables.