A mon avis, l’acceptabilité sociale d’un vaccin dépend principalement (a) de la dangerosité perçue du virus, (b) de l’efficacité perçue du vaccin (l’efficacité "nette", c’est-à-dire corrigée des éventuels effets secondaires), (c) du QI moyen de la population, et (d) du degré de discipline sociale de la population.
Dans le cas d’espèce, en France :
(a) malgré plus de 62k morts, beaucoup de gens en France considèrent encore que c’est une maladie "pour les vieux" : pour dire les choses brutalement, nous n’avons pas eu encore assez de morts pour convaincre tout le monde que ce virus présente un risque réel ;
(b) le vaccin, qui par définition est nouveau (sinon il n’y aurait pas eu de pandémie, hein), est largement perçu comme une dangereuse expérimentation médicale, malgré son efficacité totale et l’absence d’effets secondaires sur des dizaines/centaines de milliers de personnes désormais vaccinées ;
(c) le QI moyen en France s’affaisse rapidement, on le voit dans toutes les études sur les compétences scolaires, et aussi à chaque élection ;
(d) nous avons toujours été réputés comme un peuple indiscipliné et individualiste (ce qui a de bons et de mauvais côtés).
Donc malheureusement, il me semble probable qu’il faille quelques dizaines de milliers de morts de plus en France pour promouvoir efficacement le vaccin. C’est le prix de notre stupidité, mais la meilleure promotion pour ce vaccin, c’est le virus qui la fait, en continuant chaque jour à tuer, et bien sûr le vaccin lui-même, en protégeant ceux qui ont la comprenette un peu plus rapide.
En tout cas, la mise à disposition du vaccin pour la population générale (a priori en mars/avril en France, bien avant au Royaume-Uni ou aux USA, qui visent 100 millions de personnes vaccinées d’ici fin mars) change complètement l’équation politique et économique du virus :
1) A partir de ce moment-là, les personnes qui mourront du COVID-19 seront davantage victimes de leur choix individuel que du virus lui-même. La "qualité" de ces morts ne sera pas la même qu’aujourd’hui ; la perte pour la société d’une mort touchant une victime innocente (comme c’est toujours le cas actuellement) et une personne victime de sa propre bêtise n’est pas comparable. "Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain." (Schiller) On ne peut pas protéger les gens contre eux-mêmes : si M. Michu, pilier de bar PMU, pense qu’il est plus à même de juger du rapport risques/bénéfices du vaccin face à un virus très meurtrier, c’est son choix. Sur sa pierre tombale, on pourrait écrire "Ci-gît M. Michu, épidémiologiste amateur, plus compétent en la matière que les autorités médicales de son pays. Tellement compétent qu’il en est mort".
2) A partir de mars/avril, la protection contre le virus ne sera donc plus à proprement parler la responsabilité des autorités, mais strictement une responsabilité individuelle - de même qu’il est de la responsabilité de chacun de se protéger pour éviter le SIDA.
Perso, je n’aurais rien contre une vaccination obligatoire, mais chez nous cela semble illusoire. La solution libérale logique serait de réduire la prise en charge par la collectivité des dépenses d’hospitalisation des personnes non vaccinées, après une certaine date permettant la vaccination de toute la population. On pourrait peut-être renvoyer les personnes non vaccinées et malades chez elles, éventuellement avec une plaquette d’hydroxychloroquine (puisque Youtube dit que ça marche) ou un autre placebo. Malheureusement, en France nous sommes de grands enfants, très attachés à nos libertés, mais très enclins à courir en pleurnichant dans les jupons de l’État au moindre souci (alors qu’une société réellement libérale devrait constamment équilibrer la liberté avec la responsabilité).
Une voie médiane sans doute efficace (en complément de la démonstration par les faits de la dangerosité du virus et de l’efficacité du vaccin) serait de prendre des mesures de restriction pour les personnes non vaccinées. Pas évident en France, mais ces restrictions semblent probables pour les déplacements à l’international, donc ça va forcer naturellement beaucoup de gens à se faire vacciner, nolens volens.
3) En tout cas (et c’est le sujet principal de la file), à partir du moment où le vaccin deviendra largement disponible pour la population générale, l’argument principal pour les restrictions de libertés (confinements, limitations des déplacements, fermetures de commerces etc.) disparaîtra, à mon sens. Perso je suis très favorable à ces restrictions tant que le virus est un problème de santé publique frappant des personnes innocentes ; mais à partir du moment où il deviendra un problème de responsabilité strictement individuelle, je voudrai reprendre le plein contrôle de mes libertés. Je ne devrai subir dans mes activités aucune restriction liée à la bêtise d’une minorité. Ils jouent avec leur vie, c’est leur choix.
Donc je pense que la mise à disposition du vaccin pour la population générale marquera un tournant majeur quant à l’impact économique de la pandémie, au-delà des incertitudes sur son efficacité sur la transmission du virus et son acceptabilité sociale.