Vous êtes désolé, mais vous ne posez pas de question pour autant. Faut-il interpréter que votre "désolé" signifie en fait : "Auriez-vous l’obligeance de m’expliquer s’il vous plaît ?" ? Supposons que c’est bien cela.
Donc, sur ce forum, ça fait des années que des dizaines de personnes se posent la même question, et que des réponses y sont apportées, comme vous l’auriez aisément constaté si vous aviez fait une recherche sérieuse sur le sujet. Les réponses apportées au fil du temps sont celles qui vont ont bien aimablement été réécrites, juste pour vous, par lemouz, Tchouikov, creusois, et TurboTurtle.
Ce à quoi, vous répondez bien abruptement :
"Désolé mais c’est faux.
Si on signe un nouveau bail automatiquement il résilie le bail précédent.
L’ADIL vient de me le confirmer."
Moi, j’applaudis des deux mains ! Voilà un nouveau qui apporte une solution nouvelle, créative, audacieuse, différente de ce tout ce qui était fait depuis 10 ans ! Bravo !
Voilà, vous comprenez désormais ma réaction, maintenant que je l’ai expliquée.
Pour autant, je suppute que vous restez curieux de connaître mon analyse sur sujet. Je sens que vous vous demandez "est-ce que l’ADIL a raison ?". Ce à quoi je réponds : "bien sûr, puisque c’est l’ADIL !".
Pour autant, si l’on voulait tenter une petite analyse du problème, on pourrait tenir les raisonnements suivants :
- un bail est un contrat.
- Le code civil dispose, de façon très générale "“Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties (…)" (article 1193). Donc, un contrat pourrait être modifié ou résilié par accord des parties.
- si l’on veut résilier, on pourrait donc écrire sur une feuille blanche "accord de résiliation : entre … et …, il est convenu bla bla le bail est résilié", les deux parties signent en bas, et le bail est résilié.
- pour autant, pour économiser le papier, on peut aussi établir directement le nouveau bail en y écrivant comme vous le proposez "le présent contrat de location annule et remplace toute convention antérieurement conclue", ou autre formule équivalente. De fait, la résiliation du bail précédent est incluse dans le bail suivant ; les deux parties signent, ce qui constitue donc une résiliation par accord amiable des parties. Ca fonctionne. Bravo ! Encore bravo !
Pour autant, le très modeste juriste amateur que je suis s’étonne : pourquoi est-ce que tout le monde veut résilier ce contrat, alors que la volonté des parties est de continuer à louer ce logement ? Le premier contrat consistait à louer un appartement ; le second aussi, avec la seule nuance qu’il rajoute la location des meubles. Quand on veut modifier un contrat en cours, on ne le résilie pas, on signe un avenant. Et c’est là que je suis tout de même très étonné que les éminents juristes professionnels de l’ADIL n’aient pas proposé cette solution : l’avenant.
En tout cas, que l’on fasse un nouveau bail qui annule l’ancien, ou que l’on établisse un avenant, ce qu’il y a de sûr c’est que c’est possible : l’article 1193 du code civil le dit, l’ADIL le dit !
Mais mais mais… Le bail d’une habitation louée nue à usage de résidence principale est un contrat très particulier. Il est encadré très étroitement par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Il y a même un modèle de bail, duquel on n’a pas le droit de déroger. Cela limite fortement la liberté contractuelle. Ce n’est pas un contrat comme les autres.
L’article 15 de cette loi s’intéresse aux façons dont on peut mettre fin au bail. Pas un mot sur la résiliation par consentement mutuel. Faut-il en conclure que le consentement mutuel est interdit ? Ou bien, tout ce qui n’est pas expressément interdit étant autorisé, faut-il plutôt conclure que c’est l’article 1193 du code civil qui s’applique, et que le consentement mutuel est possible ?
Contrat encadré très étroitement par la loi… Tiens, ça me fait penser au contrat de travail. Il existe une possibilité de rupture par consentement mutuel, ça s’appelle la rupture conventionnelle. Elle a été mise en place en 2008, et elle est, elle aussi, très encadrée par la loi : formalisme, délais. Comment faisait-on avant ? Pouvait-on appliquer le raisonnement : "tout ce qui n’est pas expressément interdit étant autorisé, c’est l’article 1193 qui s’applique" ? En conséquence, on prenait une feuille blanche, on écrivait "rupture amiable du contrat de travail par consentement mutuel", puis on signait en bas, et c’était bon ? Hum, heu…
D’ailleurs, le cas n’est pas identique. Car, encore une fois, en passant en meublé, on ne rompt pas vraiment le bail, on le modifie. Or, le contrat de location meublé est considéré, à juste titre, comme moins protecteur du locataire. La bonne analogie avec le contrat de travail serait donc "mon patron me propose de passer d’un CDI à un CDD, parce que l’arrange. Il me propose de me verser 8000 € à l’occasion (équivalent du rachat des meubles). Il dit qu’il n’y a même pas besoin de rompre le CDI : on signe le CDD, on écrit "le présent contrat de travail annule et remplace toute convention antérieurement conclue", et voilà. Il dit que c’est l’article 1193 du code civil qui permet de modifier librement un contrat par accord des parties".
Là aussi, j’applaudis des deux mains. C’est très créatif. Et si le salarié est assez bonne poire pour s’en contenter, ça passera très bien et personne ne s’en inquiétera… Ca peut très bien fonctionner ! Pour autant, est-ce que c’est sans risque ? Est-ce que, si le salarié porte l’affaire aux prud’hommes, il ne va pas gagner haut la main ?
Cette analyse me fait dire que, peut-être, si le locataire se sentait lésé d’être passé en meublé, et qu’il aille voir le juge en lui disant "le propriétaire m’a contraint à passer en meublé pour son avantage fiscal, mais moi je n’ai rien demandé, je m’estime floué, je demande la requalification en contrat de location nue" (ou bien : "je demande la nullité du second bail, ce qui nous fait revenir au bail précédent qui n’a jamais cessé d’être valable"), à votre avis, que va faire le juge ? A combien évaluez-vous la probabilité que le juge donne raison au locataire ?
Vous voilà maintenant avec quelques éléments de réflexion complémentaires. Je vous ai présenté une analyse, disons, alternative. C’était distrayant de réfléchir différemment quelques instants. Je vous remercie de m’avoir ainsi permis de m’ébrouer dans des sujets aussi rafraîchissants. Un vrai bonheur.
Même s’il ne fait aucun doute que vous ayez raison avec votre solution nouvelle et créative, et aucun doute que l’ADIL ait raison car ce sont tout de même des juristes professionnels, c’était quand même intéressant de réfléchir un peu différemment, pendant quelques instants.
Dernière modification par Bernard2K (20/05/2021 11h06)