Bonjour à tous,
Je partage ici mon avis sur la question, c’est une discussion que j’ai souvent eu en famille ou avec des proches : le terme "matelas de sécurité" étant très subjectif et très personnel, il est naturel que nous ayons tous une définition bien à nous.
A mon sens, le "matelas de sécurité" définit la capacité à faire face à une dépense imprévue ou un besoin/une envie non inscrits au budget. Cela s’applique que l’on fasse un budget bien carré sur papier à 12 mois ou un budget au doigt mouillé sur un mois dans sa tête. C’est ce que, j’imagine, certains définissent comme l’épargne de précaution.
En procédant méthodiquement, il me semble raisonnable d’essayer d’estimer :
- d’une part le potentiel maximum de ladite dépense imprévue
- mais également le délais avant le décaissement correspondant.
Cela permet de classer le potentiel d’urgence de la dépense et d’être préparé à celle-ci :
1. Les dépenses urgentes - à payer dans les prochains jours : réparation indispensable d’un véhicule nécessaire, dépense de santé ou avance avant remboursement, bonne affaire à saisir immédiatement sur une dépense prévue plus tard dans l’année, fond de roulement minimum en cas d’arrêt d’activité non compensé pour les dépenses quotidiennes (nourriture, entretien, etc), remplacement d’un chauffe-eau non-réparable…
2. Les dépenses imminentes - à payer dans les prochaines semaines : plus d’impôts que ce que l’on avait calculé, dépannage d’un proche, réparation d’un volet dans la chambre, départ en vacances avancé, paiement d’une amende…
3. Les dépenses de confort (qui peuvent attendre plusieurs mois à plusieurs années) : réparation de la pompe de la piscine, paiement des vacances planifiées, réparation de la carrosserie de la voiture…
Ces dépenses sont évidemment proportionnelles au style de vie que l’on mène. Si l’on a l’impression d’avoir absolument besoin de sa Ferrari pour se déplacer, on classera la réparation du moteur de celle-ci comme une dépense urgente, auquel cas il me semble indispensable de budgetter au moins 50’000 euros (selon le modèle et la rareté). A l’inverse, si on vit heureux et par choix avec 7’000 euros (comme Jacob le faisait en 2019, récit sur son blog anglophone EEE), il y a fort à parier que l’on ne voit pas de dépense de plus de 500 euros dans cette catégorie.
Une fois le montant de la dépense estimé et l’urgence classée dans sa catégorie, on peut maintenant définir le "plan de bataille" en fonction de :
- son patrimoine (on agit pas de la même manière avec 10k ou 2M en banque) ;
- sa capacité habituelle d’épargne (si l’on perçoit 50k mensuels mais que l’on a l’impression de ne pas pouvoir vivre sous 49k par mois, on ne pourra se permettre une dépense imprévue à court terme que de 1k -- à l’inverse, si l’on vit pour 7k par an et que l’on en perçoit 100, une grosse partie des problèmes potentiels à court terme seront résolus en fin de mois) ;
- son aversion au risque (c’est à dire la propension à vouloir garder de la marge sur la marge de manoeuvre que l’on a déjà calculée), d’où l’intérêt de définir le risque (la méthode ci-dessus) ;
- son aversion à la dette (puisque celle-ci peut-être levée en moins de 24h à quelque jours selon la méthode) ;
- sa tolérance aux coûts d’opportunités (l’épargne de précaution non placée rapporte 0, à comparer à l’inflation ou au taux sans risk (RFR - Risk Free Rate) ;
- son horizon d’investissement (si l’on investit dans le but de financer la voiture de ses rêves dans 2 ans, ou si l’on investit pour une rente pérenne dans 30 ans).
Estimons, pour l’exemple, les montants et échéances d’un individu qui vit confortablement :
1. Dépense urgente : 2’000 EUR, à payer sous 3 jours (problème moteur sur son véhicule - si la dépense excède 2’000 EUR, on peut choisir de louer une voiture le temps de dégager l’argent nécessaire pour payer)
2. Dépense imminente : 5’000 EUR, à payer sous 15 jours (un proche dans le besoin doit réparer sa voiture et l’employeur demande à avancer nos vacances)
3. Dépense de confort : 10’000 EUR, à payer sous 2 mois (un dégât des eaux nous contraignant à refaire le plafond, les peintures et à changer les marches des escaliers (pour un propriétaire))
Solutions aux différents scénarios :
1. Dépense urgente :
- Piocher dans l’épargne de précaution ;
- Lever de la dette à travers un broker qui permet le leverage (IBKR, DeGiro…). C’est à dire, traiter sur marge, ou en d’autres termes, emprunter au broker pour placer de l’argent sur les marchés. Attention, faire cela avec un levier inadapté (par exemple 500:1) est extrêmement risqué. On court le risque de subir un appel de marge et une énorme perte en capital. Mais dans le cas d’un effet de levier raisonnable et adapté au niveau de risque du portefeuille, cela revient simplement à investir avec de la marge, ou d’augmenter son niveau de marge et de se virer le montant dégagé grâce à cela. Une fois les 2’000 euros reconstitués en épargne, on les remettra sur le compte du broker en réduisant de nouveau son effet de levier ou en le supprimant, si l’on en avait pas auparavant ;
- Vendre des titres sur un compte-titre (en profiter pour optimiser sa plus-value taxable sur l’année) et les racheter une fois l’épargne reconstituée ;
Note : Voici comment MMM, un blogger bien connu du monde de l’indépendance financière, a pu acheter une maison en quelques jours grâce à ce procédé lui ayant permis de lever 400’000 USD auprès de son broker. The Margin Loan: How to Make a $400,000 Impulse Purchase
2. Dépense imminente :
- Piocher dans l’épargne de précaution ;
- Lever de la dette à travers un broker et la supprimer une fois l’épargne reconstituée ;
- Vendre des titres sur un compte-titre (en profiter pour optimiser sa plus-value taxable sur l’année) et les racheter une fois l’épargne reconstituée ;
- Contracter un crédit à la consommation si les taux semblent acceptables ;
- Débloquer des contrats déblocables à court terme ;
3. Dépense de confort :
- Piocher dans l’épargne de précaution ;
- Lever de la dette à travers un broker et la supprimer une fois l’épargne reconstituée ;
- Vendre des titres sur un compte-titre (en profiter pour optimiser sa plus-value taxable sur l’année) et les racheter une fois l’épargne reconstituée ;
- Contracter un crédit à la consommation si les taux semblent acceptables ;
- Débloquer des contrats déblocables à court terme ;
- Débloquer des contrats déblocables à moyen terme ;
Dans cet exemple, qui me semble applicable à bon nombre d’entre nous, je ne pense pas qu’une épargne de précaution de 50’000 euros soit raisonnable. Le coût d’opportunité sur 10 ans d’une telle épargne est en moyenne de 53’000 euros hors inflation en considérant un rendement moyen de 7.5% sur un indice type monde, et de 80’000 euros en considérant 10% sur indice S&P500.
La crainte classique, et compréhensible, est d’avoir à vendre ses titres au pire moment. Ceci étant dit, c’est la capacité d’épargne, qui est souvent modulable en cas d’urgence, qui viendra reconstituer ladite "épargne de précaution". Si celle dernière est reconstituée en 3 mois, la perte d’opportunité d’une petite partie des titres sur 3 mois, et cela à plusieurs reprises sur 10 ans, sera sans nul doute bien moins faible que le manque à gagner cité ci-dessus sur 10 ans.
Par ailleurs, lever de la dette sur une courte période coûtera quelques % du montant levé, coût statistiquement entièrement compensé, et avec excédent, par la somme restée sur les marchés pendant cette même période.
Encore une fois, cela dépend de la situation de chacun, et il est important de bien estimer son aversion au risque et ses besoins futurs.
A vous lire !
Amicalement,
Ursule