Un bailleur m’ayant généreusement transmis sa convention Visale :
Sans faire une analyse exhaustive, je relève juste quelques points marquants (avant de passer à l’examen de la question "le bailleur peut-il lancer sa propre procédure de commandement de payer visant la clause résolutoire, afin d’aboutir à l’expulsion ?") :
- c’est une garantie de cautionnement simple (par opposition à cautionnement solidaire)
- loyer de 1500 € max à Paris, 1300 € ailleurs.
- garantie de 36 impayés de loyer (=36 mois) maximum. Soit une somme couverte maximale de 1500 x 36 = 54000 €
- "sur la durée totale du bail renouvellement éventuel inclus". Est-ce que "renouvellement", au singulier, veuille dire l’action de renouveler, qui peut arriver plusieurs fois (auquel cas la durée est infinie tant que le bail est renouvelé) ? Ou bien faut-il comprendre "la durée d’un renouvellement (et pas de deux)", auquel cas la durée de la garantie est de 6 ans pour une location nue consentie par une personne physique, mais seulement 2 ans pour un meublé (le bail initial + un renouvellement) ? Je n’ai pas trouvé la réponse à cette question sur une source fiable.
- pour les logements, ainsi que garage ou autre annexe si loué par le même bail.
- colocation possible si 3 colocataires et plus, à condition d’avoir des baux individuels.
- le bail doit contenir une clause résolutoire ! Ca paraît évident mais il vaut mieux le rappeler.
- sont éligibles les bailleurs personnes physiques et personnes morales (SCI familiales mais aussi autres personnes morales ; a priori une société commerciale n’est pas exclue !).
- exclusion des logements non décents ; ça semble logique, mais vu l’ensemble des conditions à remplir pour avoir un logement décent, il est assez facile d’être hors des clous. On pourrait donc se retrouver avec une caution inopérante, en particulier dans le cas du locataire qui dénonce un logement indécent, donc il peut d’avoir avoir lui-même provoqué le défaut (en bouchant les aérations, en massacrant la plomberie, etc).
- actualisation annuelle obligatoire des informations, sous peine de perdre le bénéfice de la caution 6 semaines après la demande d’actualisation.
La garantie sur les dégradations est limitée à 2 mois de loyer, à condition d’avoir EDL d’entrée et de sortie (contradictoires ou constat d’huissier), et des factures justifiant les réparations (alors que la loi dit qu’on peut faire une retenue au vu de factures ou de devis). La vétusté est celle prévue au bail, ou à défaut 6 % par an et 50 % maxi. Si pas de justification de l’âge de l’élément réparé ou remplacé, vétusté maxi (donc 50 %).
Or, les dégradations peuvent atteindre plusieurs dizaines de mois de loyer, d’autant plus si le locataire malfaisant s’incruste durablement car la procédure visant à obtenir l’expulsion a pris beaucoup de retard : il a alors beaucoup de temps devant lui pour dégrader le logement, que ce soit par manque d’hygiène et mode de vie déplorable, ou que ça soit par volonté délibérée de nuire.
La conclusion sur ce point précis est : la garantie Visale est quasiment inopérante sur les dégradations locatives. Le locataire reste redevable des dégradations, mais il faudra le poursuivre spécifiquement sur ce point ; il est possible de le poursuivre efficacement s’il a du revenu ou du patrimoine (jusqu’à la saisie de son patrimoine), mais ça demande du travail et de la rigueur.
Quand survient l’impayé de loyer :
- le bailleur s’engage à relancer le locataire par lettre simple "dès la survenance de l’impayé de loyer".
- si défaut de régularisation par le locataire sous 15 jours, le bailleur s’engage à envoyer une mise en demeure par LRAR sous huitaine.
- information de Visale sous 30 jours.
On voit que le bailleur ne doit pas rester passif. Il a à sa charge : un courrier simple, puis une LRAR, et en parallèle informer Visale.
A noter qu’ils distinguent date de survenance et date de constitution. En cas d’impayé partiel (le locataire ne paie qu’une partie de son loyer) :
survenance : date du 1er impayé. On est le 5 avril, j’aurais dû recevoir 1000 €, j’ai reçu 500 €, donc date survenance 5 avril.
constitution : montant total atteint 1 mois entier. Si le 5 mai, je reçois 600 €, et le 5 juin, je reçois 500 €, la date de constitution est seulement le 5 juin (puisqu’au 5 mai l’impayé atteint 900 € ce qui est inférieur aux 1000 € de loyer mensuel).
Donc bien lire cette définition de la date de survenance et date de constitution, et bien distinguer si on est dans un impayé partiel ou total.
Si nouvel impayé, nouvelle information à Visale sous 30 jours. Donc, si les impayés se suivent chaque mois, il faut faire une nouvelle déclaration chaque mois.
Et de plus, il faut faire une actualisation de la dette trimestriellement, au plus tard 105 jours après date du dernier impayé (soit 15 jours après qu’un trimestre se soit écoulé).
On voit que le bailleur doit informer Visale très régulièrement : à chaque impayé (donc chaque mois si impayé répétitif) + actualisation trimestrielle de la dette du locataire.
La mise en jeu de la garantie survient :
- au 2e impayé de loyer total, consécutif ou non (aides au logement déduites : donc si des aides au logement diminuent le montant de l’impayé, il peut falloir 3 mois pour faire 2 mois)
- ou à l’impayé partiel qui atteint 1 mois de loyer entier.
Les délais d’action de Visale :
"
Dès la déclaration de l’Impayé de loyer, la Caution s’engage à :
Instruire la demande de prise en charge des Impayés
de loyer déclarés.
Verser au Bailleur le montant des Impayés de loyer
déclarés.
Informer les Locataires des déclarations d’Impayés
de loyer, ainsi que des conséquences de cette
déclaration et notamment de la possibilité pour le
Locataire de proposer un plan de remboursement par
le biais du Site.
Etudier des solutions permettant au Locataire de
rester dans les lieux ou de trouver un logement plus
adapté à ses ressources.
Procéder aux actions contentieuses de recouvrement
et/ou d’expulsion.
Informer régulièrement le Bailleur des procédures
contentieuses en cours par le biais du Site.
"Dès la déclaration d’impayé" : il n’y a donc pas de délai indiqué pour le lancement des actions contentieuses de recouvrement et/ou d’expulsion. C’est un avantage : ils sont censés agir très vite… mais c’est surtout un inconvénient : sans délai précis, on ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir respecté le délai indiqué.
Durée de la garantie :
Le processus de mise en jeu de la Caution s’applique
jusqu’à la date de récupération effective du logement
dans la limite de la durée de couverture des impayés de
Loyer prévu à l’article 4 du Contrat de cautionnement.
Dans le respect des termes du bail, la récupération
effective du logement est caractérisée par l’une des
situations suivantes :
Remise des clés par le Locataire ou un mandataire ;
Etat des lieux de sortie contradictoire ;
Constat d’huissier d’état des lieux de sortie ;
Procès-verbal de reprise par huissier ;
Décès du locataire dans les cas où ce décès met fin
au bail en application de la législation
Donc, si la procédure va à son terme et que le locataire part, par expulsion ou par départ volontaire, c’est la récupération du logement qui signe la fin de la procédure et de l’indemnisation. Mais si le locataire ne part pas, c’est la fin des 36 mois d’indemnisation qui signe la fin d’intervention de la caution.
Concernant la possibilité que le bailleur lance une procédure de commandement de payer visant la clause résolutoire, afin d’aboutir à l’expulsion :
- déjà, par une quittance subrogative, la Caution est subrogée au bailleur. Donc c’est la Caution qui peut agir, pas le bailleur.
C’est bien écrit plus loin dans le contrat (article 12) :
Le Bailleur déclare avoir pris connaissance du fait que la
Caution bénéficie d’une subrogation en vertu de l’article
2309 du Code civil pour le recouvrement amiable et
judiciaire des créances issues du présent Contrat et la
résiliation du bail.
S’agissant des actions contentieuses engagées à
l’encontre du Locataire par la Caution pour le
recouvrement de sa dette, et/ou la résiliation/constatation
éventuelle de l’acquisition de la clause résolutoire, et/ou
en résiliation judiciaire du bail, le Bailleur aura la
possibilité de s’adjoindre à la procédure engagée par la
Caution
S’adjoindre, ce n’est pas se substituer à. Ca confirme que c’est la Caution qui lance les procédures.
Et aussi :
Le Bailleur renonce par ailleurs à se
prévaloir des dispositions de l’article 1346-3 du Code
civil instituant un droit de préférence au profit du
subrogeant.
Ce que dit cet article 1346-3 du code civil : supposons que vous ayez subrogé 3000 € de dettes (=3 mois de loyer). Survient un nouvel impayé, vous vous dites : "celui-là, je me le garde, comme ça ça me fait une dette non subrogée, et je peux donc agir en justice pour exercer mes droits, par préférence à la Caution." Eh bien non, puisque vous avez renoncé à ce droit de préférence dans le contrat de cautionnement. Edit : Vous pourriez peut-être agir, mais non prioritaire par rapport à la caution, cf message de durand18 ci-dessous.
Enfin :
Le Contrat prend fin automatiquement à l’issue du
règlement du 36ème Impayé de Loyer, telle que visé à
l’article 4.1 ci-dessus.
Ca confirme que, si les actions judiciaires visant à obtenir le recouvrement et l’expulsion n’ont pas abouti au bout des 36 mois, la suite, c’est pour votre pomme.
Dernier point utile (article 15) : si vous n’êtes pas satisfait (notamment du manque de célérité pour obtenir les actions de recouvrement et d’expulsion), vous pouvez déposer une réclamation au service réclamation. La Caution accuse réception dans les 10 jours et s’engage à répondre à la réclamation dans un délai de 60 jours après réception.
En cas de non conciliation, c’est le tribunal d’instance territorialement compétent.
Au total, il apparaît que :
- D’après le contrat de cautionnement, le bailleur ne peut pas agir pour obtenir le paiement, la résolution du bail puis l’expulsion. C’est la Caution qui doit agir. Edit : pour autant, durand18 pense que le bailleur peut agir en résolution du bail (cf message ci-dessous).
- si les procédures pour obtenir le paiement, la résolution du bail puis l’expulsion traînent au-delà des 36 mois d’indemnisation, elles reviennent de la responsabilité du bailleur et à sa charge financière.
- si le bailleur est mécontent de l’inaction de Visale pour obtenir le paiement, la résolution du bail puis l’expulsion, il peut déposer réclamation (réponse sous 60 jours) puis aller au tribunal d’instance.
Donc, il ne faut pas se leurrer : d’après la convention de cautionnement, le bailleur ne peut pas agir pour obtenir le paiement, la résolution du bail puis l’expulsion. Si Visale traîne les pieds et qu’on arrive au bout des 36 mois avec le locataire toujours en place, il devra reprendre toutes les actions à son nom et à ses frais.
S’il y a vraiment eu inaction caractérisée de Visale, il pourrait demander des dommages à Visale. Mais pour cela, il faut aller au tribunal d’instance, donc il faut un avocat. Ca fait des coûts et des délais, pour un résultat incertain. Et il faut être bien droit dans ses bottes. Si Visale prouve que le bailleur ne l’a pas informé à temps, ou a tardé à transmettre un justificatif, le juge pourrait considérer que le délai est la faute du bailleur.
Edit pour actualisation : Pour autant, durand18 dit que le bailleur garde la possibilité d’agir en résolution du bail (cf. messages ci-dessous). Si j’étais un bailleur utilisateur de Visale, je serais tenté de suivre cette voie. Par exemple, au bout de 3 mois d’impayés, LRAR à Visale lui enjoignant d’agir sous 30 jours en commandement de payer visant la clause résolutoire et de m’en tenir au courant, sans quoi je serai obligé d’initier ma propre action. Si au bout de 2 mois de plus, il n’y a toujours rien, je lance ma propre action visant la résolution judiciaire, avec l’aide d’un bon avocat. Ca coûte, mais toujours moins que d’arriver au bout des 36 mois (ce qui ne coûte rien), se prendre 2 ans de procédure quand on récupère le dossier (ça coûte en avocat et en 2 ans d’impayés non indemnisés), et finir par récupérer un logement détruit au bout de 5 ans (ça coûte très cher en rénovation, et l’on peut certes chercher à faire payer le locataire ces dégradations ainsi que les 2 ans d’impayés à notre charge, mais il est probablement insolvable). Donc, même si la convention de cautionnement n’y est guère favorable, je pense que je chercherais à agir par moi-même, avec un bon avocat, pour obtenir la résolution judiciaire puis obtenir l’expulsion, si je me retrouvais dans la situation d’inaction de Visale décrite par certains témoignages.
Dernière modification par Bernard2K (04/09/2024 09h30)