quelques remarques :
- le fondement de la déduction est le principe général "bénéfice imposable = produits - charges". Cf articles 38 et 39 du CGI.
- pour qu’une charge soit bien une charge déductible, il faut qu’elle ait été engagée dans l’intérêt de la société, c’est à dire dans la poursuite de son objet social. C’est à la fois très large (TOUT ce qui sert à la société), et avec des limites évidentes (ce qui vous est utile à vous perso, et non pas à la société, ce n’est pas une charge déductible). Il y a quelques exceptions sur les dépenses somptuaires (par exemple, l’achat d’un yacht n’est jamais déductible fiscalement, même s’il sert à promener les clients donc à augmenter les ventes de l’entreprise). Dans le cas d’une société patrimoniale, objet du présent fil, on voit bien que les charges réellement liées à l’objet social sont assez réduites. Le risque d’y coller des charges n’ayant qu’un vague rapport avec la poursuite de l’objet social est donc élevé.
Faire payer ses dépenses perso par l’entreprise/la société, c’est une des bases de l’optimisation fiscale, tendance fraude fiscale… Exemple : les enfants du dirigeant ont pour consigne de s’approvisionner dans les magasins où l’entreprise a un compte pro : l’essence du scooter passe sur le même compte que le carburant des véhicules pro ; tandis que les fournitures scolaires, livres et autres achats de loisir sont pris dans le magasin qui fournit la papeterie du bureau de l’entreprise ; etc. A éviter évidemment, sous peine de redressement fiscal.
- Ca ne fait pas une différence fondamentale si c’est payé directement par la société (quand on a pris une carte bancaire pro) ou si c’est payé par un salarié ou dirigeant, puis répercuté à la société via une note de frais. Dans tous les cas, la question principale est : "cette dépense est-elle bien dans l’intérêt de la société ?".
Cela dit, on considère généralement que c’est plus "propre" si la société paie en direct la majorité des dépenses, sauf les menues dépenses liées aux déplacements ou à des besoins urgents. Pour autant, si, parce qu’il n’a pas de moyen de paiement au nom de la société, le dirigeant paie beaucoup lui-même avant de répercuter par note de frais, ce n’est pas répréhensible si tout est fait dans les règles et dans les formes (c’est juste un peu suspect quand même, du point de vue du contrôleur fiscal, d’où le fait que, en pratique, plus les notes de frais sont grosses, plus il faut qu’elles soient inattaquables).
- la note de frais repose sur le fait que la personne (salarié ou dirigeant) a engagé des frais qu’il a payés personnellement, mais dans l’intérêt de la société. Alors que quand il fait ses courses au supermarché, il paie personnellement, mais dans son intérêt propre. Avant qu’il réalise sa note de frais, les différentes facturettes sont des justificatifs de dépenses personnelles. Lorsqu’il établit sa note de frais, il certifie (de façon implicite ou explicite) qu’il a réalisé ces dépenses dans l’intérêt de la société.
A mon avis, il est plus correct de réaliser une note de frais (on trouve des modèles sur l’internet) et que cette note de frais finisse par :
Salarié ou dirigeant ayant engagé les frais : prénom, nom, qualité
Je soussigné, certifie avoir payé personnellement les frais ci-dessus, dans l’intérêt de la société Nom_société. Je fournis ci-joint les justificatifs.
Date, signature.
A mon sens, c’est par sa signature que la personne certifie qu’il s’agit bien de frais utiles à la société ; et c’est cela qui en fait des charges de la société et non pas des dépenses perso. Certes, 99% des entreprises ne vont pas jusque là (certification que c’est dans l’intérêt de la société + date + signature) et ne se font pas redresser pour autant. Pour être plus léger, le document pourrait s’appeler "note des frais engagés dans l’intérêt de la société", + date et signature à la fin, et ça permet de se dispenser de "je soussigné(..) à la fin. Néanmoins, les notes de frais des dirigeants étant le sujet préférés des contrôleurs fiscaux lorsqu’ils n’ont rien trouvé d’autre à se mettre sous la dent, je considère qu’on n’est jamais trop prudent.
A noter que la période d’une note de frais n’est pas définie : ça peut être à chaque déplacement, ou par mois, ou par an. En pratique, le meilleur compromis me semble le mois.
Encore un détail à ce sujet : d’après ma compréhension, la pièce comptable est la note de frais. Les facturettes ne sont que des annexes de la pièce comptable. Du coup, on a intérêt à dater la note du frais du dernier jour du mois, de façon à ce qu’elle soit bien rattachée au même mois et à la même année que les dépenses, vu que l’usage est d’inscrire en compta la date de la pièce comptable.
(EDIT : encore un détail : idéalement, la note de frais est signée d’une part par la personne qui l’établit, et d’autre part par la personne qui la contrôle et la paie (le trésorier ; ou le comptable ; ou le dirigeant). Si l’on veut pousser le raffinement plus loin, une pratique recommandée consiste à séparer le contrôle d’une part et le paiement effectif d’autre part. C’est le principe de séparation des tâches : https://www.sefico-nexia.com/wp-content … Sefico.pdf (une source au hasard). On pourrait avoir par exemple : contrôle = le dirigeant ; paiement = le comptable ou le trésorier ; ce qui ferait 3 signatures, ce qui commence à faire beaucoup).
Sur les indemnités kilométriques elles-mêmes, j’ai commis un long fil que vous pouvez lire si le cœur vous en dit. Note de frais du dirigeant d’une société à l’IS et barème kilométrique?
Le seul conseil que je peux rajouter, c’est : ne négligez aucun déplacement.
Vous faites 7 kilomètres pour aller acheter de la papeterie pour votre société : vous l’ajoutez sur votre note de frais. Vous faites 8 kilomètres pour aller à la poste expédier un recommandé pour votre société : idem. A la fin du mois, ça fait toujours ça de plus sur votre CCA, donc ça de plus que votre société pourra vous verser sans aucune fiscalité.
Concernant les repas d’affaires :
- noter impérativement les personnes invitées. Si possible, montrer le lien avec l’intérêt de la société. Par exemple : "Xavier Dupont, Directeur Commercial, FournisseurB (négociation avec un potentiel futur fournisseur)".
Concernant les cadeaux d’entreprise (car il serait tentant d’acheter quelques caisses de très bon vin par an et de prétendre que c’est pour des cadeaux, mais de les garder pour soi) :
Pour être déductibles du résultat imposable, ces cadeaux doivent être :
- faits à des clients nommément désignés (donc, les énumérer sur la facture),
- en lien avec l’intérêt et la bonne marche de l’entreprise
- valeur pas exagérée par rapport à la taille de l’entreprise, son CA, et les usages de la profession.
- Ne doit pas être prohibée par une disposition légale ou réglementaire.
Si >3000 €/an, le relevé de frais généraux devient obligatoire
Qui plus est, pour que la TVA soit récupérable (dans le cas des entreprises qui récupèrent la TVA), il y a encore un critère différent :le montant unitaire ne doit pas dépasser un montant, qui est réévalué annuellement, actuellement 73 € TTC. C’est le plafond pour le coût total du cadeau. Par exemple 60 € TTC d’achat + 3 € de FDP sur l’achat + 11 € de FDP sur la réexpédition à la personne = 74 € : ça dépasse.
Je ne cite pas les références des textes applicables ; les personnes intéressées les trouveront facilement.
Dernière modification par Bernard2K (24/07/2022 23h41)