Bonjour à tous. Voici le résultat de mes recherches sur la société Schneider Electric.
Contexte
Travaillant actuellement chez un fabricant de matériels de raccordement, de protection et de distribution électrique basse tension, je côtoie et entends beaucoup parler du matériel produit par Schneider Electric. Il est reconnu pour sa grande qualité, au point que certains clients exigent cette marque spécifiquement. Ce point a attiré mon attention, il pourrait être le signe d’un avantage concurrentiel.
Combiné à la baisse des marchés (et du cours de l’action de 28 % depuis le point haut), j’ai trouvé pertinent de chercher à vérifier la présence, ou non, de l’opportunité d’acquérir une entreprise extraordinaire à bon prix.
Présentation générale
La société Schneider Electric est une société industrielle opérant sous le statut de société européenne. Elle est issue d’une longue histoire, remontant à sa fondation en 1836. Vous pouvez retrouver son parcours depuis ses débuts ici : Schneider Electric ? Wikipédia
Intervenant à l’origine dans la métallurgie, les chemins de fer et l’armement elle a au fil du temps évolué pour se concentrer aujourd’hui sur les domaines de la gestion de l’énergie et les automatismes industriels.
Les produits proposés couvrent la gamme classique de disjoncteurs, variateurs, contacteurs, composants de protection et autres relais.
D’autres produits, plus logiciels et portés sur la gestion, sont également disponibles. Nous y trouvons les solutions de gestion de flottes de véhicules électriques, de trading d’énergie renouvelable, de micro-réseaux, de contrôle prédictif, etc…
Ses perspectives sont prometteuses, ses produits répondant à des besoins croissants sur des mégatendances en croissance : bâtiment vert grâce à l’efficacité numérique, réseaux intelligents, industries agiles et résilientes …
L’accent est mis sur le développement de ces solutions intégrées, à forte composante logicielle, l’entreprise annonçant « de nouveaux modèles d’affaires intégrant intelligence artificielle, algorithmes et plateformes qui transforment de grandes quantités de données en informations utiles et en valeur. »
Je n’ai pas trouvé plus d’explications mais cet axe de développement dépassant les solutions non intégrées rend le mix produit plus rentable. Nous pouvons imaginer qu’il apporte plus de valeur ajouté (facturable) aux clients, un développement moyen moins coûteux en capital, une plus grande difficulté pour les clients à changer ou mixer les fournisseurs, des revenus récurrents via les mises à jour ou la maintenance, etc.
Chiffres
Au moment de rédiger cette présentation la capitalisation de Schneider Electric oscille autour de 75 milliards d’euros. Cette capitalisation et la cotation sur la Bourse de Paris (ISIN FR0000121972) lui donnent une présence dans de nombreux indices, comme le CAC40, le FTS Eurofirst 300, le MSCI Europe, ainsi que dans une flopée d’indices ESG.
Son chiffre d’affaires 2021 est de 28,9 milliards d’euros, en croissance ces dernières années hors crise sanitaire. Sa hausse estimée pour 2022 est comprise entre +9 % et +11 %. La répartition des ventes est de 76,7 % pour l’activité gestion de l’énergie et de 23,3 % pour l’activité automatismes Industriels.
Le chiffre d’affaires est géographiquement bien diversifié : 31 % dans la zone Asie-Pacifique, 29 % dans la zone Amérique du nord, 26 % dans la zone Europe et 14 % dans le reste du monde.
La marge d’EBITDA est de 17,3 %, également en hausse depuis 2017. Sa cible pour 2022 est comprise entre 17,7 % et 18,0 %.
Le ROE est bon pour une entreprise encore industrielle, supérieur à 10 % en moyenne même en incluant 2020. Cependant je m’imaginais mieux et cette valeur ne se détache pas de celle des concurrents.
Dette
Le ratio dette nette/EBITDA (en millions d’euros) est de 7127/5000 = 1,43.
L’échelonnement est régulier, sans échéance délicate à gérer. J’ai calculé un taux moyen des emprunts obligataires de 1 %. 84 % de la dette totale est à taux fixe.
La société est bien notée par Standard & Poor’s, avec depuis 2008 une évaluation A- associée à une perspective stable.
En résumé la dette est mesurée et bien gérée, il y a peu de craintes à avoir de la hausse des taux et la croissance ne devrait pas être bridée par un accès réduit au financement.
Valorisation
Essayons-nous à la recherche d’une valeur intrinsèque pour l’action. Pour cela je propose d’utiliser les 3 méthodes d’évaluation disponibles avec xlsValorisation.
- Estimation d’une moyenne à partir de l’historique :
Morningstar nous donne accès ici (SU - Schneider Electric SE Valuation - XPAR | Morningstar) à l’historique des ratios de la société.
Rentrons les valeurs dans les cellules prévues et notons le résultat.
- Comparaison avec les sociétés semblables :
j’ai considéré les sociétés ABB, Legrand et Eaton comme comparables. Je fais à nouveau confiance aux calculs de xlsValorisation pour obtenir un élément de valorisation.
- Calcul d’un DCF :
je tente d’affiner les valeurs préremplies avec les hypothèses (incertaines et discutables) suivantes :
résultat net/action : celui de 2021 multiplié par la croissance estimée = 6,13 x 1,1 = 6,74 €
chiffre d’affaires : celui de 2021 multiplié par la croissance estimée = 28900 x 1,1 = 31790 M€
EBITDA : milieu de la cible de marge d’EBITDA estimée multiplié par le milieu de la cible du chiffre d’affaires = 17,85 % x 28900 x 1,1 = 5 674,5 M€
taux sans risque : taux à dix ans des obligations du trésor américain
prime de risque du marché : prime de risque du marché donnée par le professeur Aswath Damodaran sur son site Internet
taux de croissance espéré : 2/3 du haut de la fourchette des objectifs 2022-2024 = 5+[(2/3)x(8-5)] = 7%
durée de la croissance : au vu de l’adossement de la croissance sur des mégatendances de long terme je propose une durée de la croissance de 20 ans
Nous obtenons un dernier résultat intermédiaire, étrangement incohérent avec les autres. Ces chiffres représenteraient-ils crûment la fin d’une période dorée pour les valeurs de croissance et/ou un ratage complet de ma part dans cet exercice ?
Peu confiant en mon habileté dans le maniement du DCF, je le sous-pondère dans la répartition finale.
Nous obtenons donc une estimation approximative de la valeur intrinsèque de 130 €.
Pour mettre tout ceci en perspective le magazine Le Revenu publie une estimation à 135 € et son confrère Investir vise pour sa part 150€.
Dividende
Au cours du jour le rendement est de 2,2 %, cohérent avec la qualité de la compagnie. Ce ratio peu excitant masque un dividende plutôt sûr, ayant peu à craindre des aléas économiques au vu des tendances lourdes sur lesquelles il se base, et destiné à progresser en parallèle du développement de la société.
L’historique est bon, avec une baisse de « seulement » 40 % en 2008, vite rattrapée, et un maintien en 2020.
Le ratio de distribution cible est un classique « 50 % du résultat net ».
Examen de la trappe à valeur :
Pour se faire un avis plus précis suivons le conseil de la newsletter Comment éviter le piège des actions "trappes à valeur" ? et passons en revue certains points.
- Les opérations d’initiés : en analysant les relevés disponibles sur le site de l’AMF nous constatons que les initiés ne sont pas à l’achat, hormis pour des montants symboliques cet été. Au moins ils n’ont pas l’air de vouloir vendre leurs positions.
- La notation de la dette : comme nous l’avons vu au paragraphe traitant de la dette, elle est de bonne qualité et ne devrait pas poser de problème. La notation de bon niveau par les agences de notation est un signal positif.
- La détention par les meilleurs gérants : je n’ai pas accès au rapport des meilleurs gérants et ne trouve pas trace de l’action sur dataroma.com.
Sur Morningstar.com nous trouvons quelques fonds bien notés mais à part MFS Investment Management leur conviction ne semble pas très forte.
- L’IH score : l’IH score est de 6,5 sur ces dernières années, et même de 7,3 en faisant abstraction des circonstances exceptionnelles de 2020. Ce bon score correspond bien à la solidité de la société, même si nous remarquons que les points manquants pour obtenir le score maximum concernent la rentabilité.
- Les aristocrates des dividendes : la société vers un dividende solide, avec une baisse seulement à cause de la terrible crise des subprimes. Même en 2020 le versement prévu a pu avoir lieu, au prix d’une hausse temporaire du ratio de distribution.
- L’évolution du cours de bourse : le bêta indiqué par xlsValorisation est de 0,98. Le cours suit les tendances du CAC40, sans mouvement isolé laissant entrevoir un problème spécifique.
- Répartition du capital : le capital est détenu par divers fonds et ETF, sans actionnaire majoritaire qui pourrait dicter sans concertation la conduite des opérations. Le premier fonds est aux environs de 7 %, les salariés autour de 3,6 % et les fonds suivants vers 2,5 % et moins.
Bien que les fonds et les initiés ne se précipitent pas à l’achat il semble que nous ne soyons pas en présence d’une trappe à valeur.
Conclusion
Schneider Electric est une bonne entreprise, solide, bien gérée et avec des perspectives séduisantes, surfant avec brio sur les mégatendances de la transition écologique et des smart cities. Cependant, même si nous pouvons estimer qu’elle s’en approche au rythme de l’évolution de ses produits, je ne la classe pas dans les sociétés extraordinaires à cause de sa rentabilité non différenciante. A ce titre, je ne souhaite pas être acheteur sans la présence d’une marge de sécurité.
Aux cours constatés durant les jours de rédaction de ce panorama (entre 123 € et 133 €) elle me semble être à son prix et ne pas représenter un investissement plus attractif qu’un autre, comme en témoignent les initiés et les fonds avec leur absence d’achat. En cherchant à obtenir une marge de sécurité entre 25 % et 30 % un cours alléchant ne se présenterait que vers respectivement 98 € et 90 €.
Avertissements
Je suis actionnaire de Schneider Electric uniquement de façon indirecte et passive via des ETF.
D’une part, cette présentation peut naturellement contenir des erreurs comme une mauvaise compréhension de la documentation (que j’ai trouvé confuse) de ma part, des erreurs de calcul, une recherche maladroite sur le site de l’AMF, une maîtrise douteuse du DCF, etc…
D’autre part, j’ai ressenti un écart, ayant pu fausser mon objectivité, entre mon vécu vis-à-vis de l’entreprise (dureté avec les clients, expérience professionnelle mitigée, etc…) et son insistance appuyée, presque suspecte, à se présenter à longueur de publications comme un parangon de développement durable, d’éthique et de bienveillance.
Remerciements
A InvestisseurHeureux pour son travail sur ce forum ainsi que pour la création du formidable outil qu’est xlsValorisation.
Aux courageux lecteurs qui sont arrivés au bout de cette présentation.
Sources
Document d’enregistrement universel 2021 : https://www.se.com/ww/fr/assets/342/doc … versel.pdf
Résultats semestriels 2022 : https://www.se.com/ww/fr/Images/present … 342834.pdf
Page AMF : https://bdif.amf-france.org/fr?societes … rmation=DD
Boursorama : https://www.boursorama.com/cours/1rPSU/
Taux sur Bloomberg : https://www.bloomberg.com/markets/rates … t-bonds/us
Site Internet d’Aswath Damodaran : https://pages.stern.nyu.edu/~adamodar/
Site Internet Financial Times : https://markets.ft.com/data/equities/te … e?s=SU:PAR
Xlsvalorisation : https://www.investisseurs-heureux.fr/t2349