Les résultats 2022 sont sortis. De mon point de vue, ils sont solides mais pas excellents.
Communiqué
Coté positif, le chiffre d’affaires dépasse désormais 20 Mds€, le résultat opérationnel s’établit à 5,58 Mds€, le cash flow à 3,2 Mds€ et le résultat net à 3,6 Mds€.
Coté négatif, ces chiffres sont impressionnants en valeur absolue mais ils reflètent une progression modeste en 2022 : croissance organique de +9% (+17% pour LVMH), tirée vers le bas par la très médiocre progression de Gucci : + 1% en organique. Tout comme LVMH, mais encore davantage, le Q4 fut mauvais aux Etats-Unis: -15% pour le chiffre d’affaires dans la zone. On relève que concernant la Chine, Kering a encore plus souffert que LVMH des confinements : CA -7% sur l’année contre 0% pour LVMH.
Par pôles d’activité ("maisons") :
Gucci : le narratif pour 2022 est resté constant, Gucci traîne la patte, il a fallu apporter du sang neuf, se débarrasser du directeur artistique Alessandro Michele pour le remplacer par Sandro de Santo, un illustre inconnu venu de chez Valentino. Avec tout cela, Gucci dépasse les 10 Mds€ de chiffre d’affaires (20 Mds€ pour Vuitton) et génère un résultat opérationnel de 3,7 Mds€, soit une marge plus que sympathique de 35,6%. Pour ma part, je considère qu’on est dans le domaine de la mode, donc que des hauts et des bas font partie du business. La marque est trop forte et génère trop de cash pour ne pas être en mesure de se ressaisir, et reprendre une forte croissance.
Saint Laurent : comme je m’y attendais (plus haut), Saint Laurent dépasse les 3 Mds€ de chiffre d’affaires (+23% organique) et produit un résultat opérationnel de 1 Md€. C’est désormais la locomotive de Kering avec une contribution de +300 m€ à la croissance du résultat opérationnel L’objectif de Kering pour Saint Laurent est de 5 Mds€ en fin de décennie et cela me semble très réaliste.
Autres maisons : traditionnellement seule Bottega Veneta est détaillée par rapport au reste des marques. Ses résultats sont très solides (1,7 Mds€ de CA - +11% organique - EBIT : 366 m€, marge de 21%). Kering Eyewear récemment développé atteint 1 Md€, mais n’est encore que faiblement rentable. On note l’annonce de la création d’une branche Parfums, qui n’est pas encore incluse dans les comptes 2022.
A titre personnel, j’ai toujours l’impression qu’assister aux présentations de Kering en étant actionnaire de LVMH est comme assister à une réunion d’une coopérative laitière de village en étant actionnaire de Nestlé. On comprend parfaitement où ils veulent aller, mais on sait qu’ils en sont encore loin.
Selon moi, les points à suivre pour la croissance à long terme de Kering sont :
- Le développement d’un nouveau moteur de croissance en plus de Gucci et désormais Saint Laurent. Pour moi cela passe par la montée en puissance de Balenciaga et non Bottega Veneta, marque trop spécialisée. Les marques qui explosent dans le luxe sont marquées par leur ADN « couture » : Christian Dior, Gabrielle Chanel, Yves Saint-Laurent, Heidi Slimane (Celine). Cristobal Balenciaga était l’un des plus grands couturiers du XXe siècle. Il est temps que la marque arrête de faire des sneakers fluos et des sacs poubelle de luxe pour faire le buzz mais se concentre sur une offre classique et extrêmement exclusive (curieusement un analyste financier s’est intéressé à cette question lors de la présentation).
- Les diversifications ciblées à travers Kering Eyewear et la branche Parfums ont du sens, même si elles impliquent des marges inférieures à celle de la mode-maroquinerie. Il serait judicieux que Kering développe une offre Haute joaillerie très exclusive non seulement à travers Boucheron (Pommelato et Qeelin sont moyen de gamme) mais aussi Gucci et Saint Laurent, à la façon de ce que fait LVMH chez Dior et Vuitton. Le pôle joaillerie a dépassé le 1Md€ de CA en 2022, avec une croissance à deux chiffres pour Boucheron. Tout cela représente un défi pour le management de Kering, qui a enfin clôturé en 2022 sa calamiteuse et coûteuse diversification dans l’horlogerie, branche cédée faute de mieux au management pour une bouchée de pain alors qu’elle avait été constituée d’achats à des prix stratosphériques.
Au total, j’estime qu’il continue d’être sensé d’être actionnaire aux côtés de la famille pour accompagner tous ces développements, alors que la valorisation reste plutôt raisonnable et que le dividende devient de plus en plus sympathique (14€ au titre de 2022). Je reste néanmoins méfiant sur les attentes exagérées au sujet de la réouverture de la Chine, même si F.H. Pinault qui en revient a donné un témoignage extrêmement positif sur le souhait des autorités de voir repartir la consommation.
Je signale enfin la qualité de la présentation (en anglais), avec beaucoup de modestie affichée par F.H. Pinault, se disant peu satisfait des résultats, notamment de Gucci, et s’excusant platement de l’affaire de la publicité controversée de Balenciaga, mettant en scène des enfants, fin 2022, ce qui en effet n’était pas très malin dans l’idée de renforcer la désirabilité de cette marque.
Présentation résultats 2022
Webcast
Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.
Dernière modification par vidame (17/02/2023 10h42)