Je fais le suivi de ce fil car il peut intéresser certaines personnes qui se retrouvent dans une situation similaire.
Ma mère est décédée à l’automne dernier. Même quand on s’y attend, c’est un sacré coup de massue sur la tête. Par ailleurs, il y a énormément de choses à gérer : l’enterrement, les formalités. J’ai l’impression seulement maintenant de sortir un peu de cette période.
Sur l’aspect financier, que peut-on en retenir ?
Déjà, le compte courant joint est devenu le compte personnel de mon père. Autant les comptes et livrets au nom du défunt sont bloqués, autant le compte joint devient "simplement" un compte personnel du conjoint survivant.
Par contre, c’est seulement en rédigeant ce message que je me rends compte que les livrets d’épargne de ma mère ont "disparu" ! ils n’apparaissaient que lorsqu’on se connectait au compte en ligne avec l’identifiant de ma mère, et évidemment on ne le fait plus depuis son décès. La banque postale n’a semble-t-il pas pris conscience qu’ils devaient les verser à mon père ! Je vais voir avec le clerc de notaire et avec la banque postale comment on doit procéder.
Les AV souscrites par ma mère ont fonctionné de façon simple : transmission à mon père. L’argent a été versé sur son compte. L’une a été nettement plus rapide que l’autre. On s’inquiétait de la fiscalité sur ces AV souscrites après 70 ans, mais vu que le bénéficiaire est le conjoint survivant, et qu’il y a exonération de droits de mutation sans limite en faveur du conjoint survivant, il n’y a aucune fiscalité à régler.
Sur la succession : du fait que mes parents avaient fait une donation au dernier vivant, mon père avait le choix entre trois options : la totalité en usufruit, le 1/4 en pleine propriété (ça c’est normal) et enfin, l’option ajoutée par la donation au dernier vivant : le 1/4 en pleine propriété et les 3/4 en usufruit, ce qui est l’option la plus avantageuse pour le survivant, car c’est là qu’il reçoit le maximum. Cette dernière option doit donc avoir l’accord des enfants car elle ne respecte pas la réserve (les enfants reçoivent moins que les 3/4 PP).
Du fait que les capacités de choix de mon père sont très altérées, le notaire nous a dit en substance : "votre père devrait être sous tutelle. Le juge des tutelles choisirait l’option la plus protectrice pour lui, 1/4 en pleine propriété et les 3/4 en usufruit. Je peux fermer les yeux sur le fait qu’il n’ait pas la capacité de choisir, à condition que le choix soit bien de 1/4 en pleine propriété et les 3/4 en usufruit. Si vous me dites qu’il choisit autre chose, alors qu’il est incapable de choisir, je vais être contraint de considérer que son état l’empêche d’être protégé au mieux, et donc de bloquer la succession jusqu’à ce que vous ayez demandé et obtenu la mise sous tutelle ; alors que si vous me dites que le choix est 1/4 en pleine propriété et les 3/4 en usufruit, ce qu’aurait de toute façon choisi le juge des tutelles, je peux être compréhensif."
Donc, pour ceux qui se demandent : peut-on gérer les affaires d’un parent qui n’a plus ses capacités mentales, sans mesure de curatelle ni de tutelle, ni même de mandat de protection future, mais juste avec la procuration sur le compte et la gestion par internet, la réponse est oui… jusqu’à la succession, où il devient difficile au survivant d’opter pour quelque chose quand il est incapable de choisir… voire incapable de signer ! Disons que les enfants ont été compréhensifs en choisissant l’option la plus protectrice pour le survivant (1/4 en pleine propriété et les 3/4 en usufruit), et que le notaire a été bien compréhensif aussi…
Quoi d’autre à dire ?
- pour les impôts, il faut déposer deux déclarations : celle du couple jusqu’à la date du décès ; celle de la personne seule après. Pas hyper simple, mais ça se fait.
- j’ai demandé et obtenu la pension de réversion pour mon père. En fait, on dépose un dossier en ligne sur le site du régime général de retraite ; il y a transmission automatique aux régimes complémentaires que touchaient le défunt. A noter : il faut un extrait de naissance complet pour le défunt et pour le survivant, datant tous deux de moins de 3 mois. Les demandes d’extrait de naissance se font en ligne, mais les démarches peuvent être différentes entre deux villes différentes. Ne pas traîner à déposer le dossier dès que les extraits sont reçus, car les 3 mois de validité sont vite dépassés. A noter aussi : il y a un niveau de revenus du survivant au-delà duquel il n’a pas droit à la réversion ! Heureusement, mon père était en-dessous. Bon, vu la faible retraite de ma mère, ça ne va pas chercher loin, mais il y a droit donc il aurait été dommage de ne pas la demander, et puis ça aide à payer l’ehpad (sans y parvenir ; le budget mensuel de mon père reste en déficit).
- à propos d’ehpad : en fait, l’Ehpad où étaient mes parents n’était pas adapté à la situation de mon père (ce dont cet ehpad aurait mieux fait de se rendre compte dès avant l’admission, c’est quand même à ça que sert le dossier médical dans Viatrajectoire ! Mais bon, on ne va pas refaire l’histoire : mes parents avaient besoin d’un ehpad qui puisse accueillir les deux membres du couple d’un coup, celui-ci le pouvait ce qui est rare, donc on a choisi celui-là, et ma foi je pense que mes parents y ont été heureux, du fait de pouvoir rester ensemble, du fait des nombreuses animations… bref, l’Ehpad a joué son rôle un temps, mais est arrivé le moment où même un Ehpad se révèle inadapté à la situation médicale d’une personne). Cet Ehpad n’a pas d’UVP (unité de vie protégée, pour les patients souffrant d’Alzheimer ou de troubles apparentés). Pour les patients calmes, ça passe. Mais mon père est du genre remuant, et ça posait quelques problèmes. Peu de temps après le décès de ma mère, il a donc fallu rechercher, un peu en urgence, un Ehpad mieux adapté. Re-recherche d’un Ehpad, re-dossier Viatrajectoire, avec cette fois des critères bien différents (l’accueil d’un couple n’était plus nécessaire, par contre une UVP avec une bonne qualité de soins et d’encadrement, et la disponibilité d’une place rapidement était aussi un critère). Nous étions prêt à aller dans le secteur lucratif (et à payer cher pour avoir une bonne qualité de prise en charge). Nous avons eu la grande chance de trouver une place dans un Ehpad associatif, qui est quasiment un modèle du genre : construction récente, personnel nombreux, aux petits soins… Mais ça se paie ! Quasiment 60 % plus cher que l’Ehpad précédent. On sait que l’argent ne sert pas à engraisser les actionnaires, alors où vont les 60 % de plus ? Sans doute le coût de la construction à amortir, mais surtout : il y a enfin du personnel pour prendre soin de mon père ; du personnel formé aux spécificités de ces maladies. Les chambres sont nickel, tout est propre et fonctionnel. On voit que l’Ehpad précédent, même avec toute la bonne volonté des gens qui y travaillent et un vrai souci des résidents, faisait en fait avec des bouts de ficelle du fait d’un tarif bas, alors que celui-ci a vraiment les moyens de ses ambitions. Cela dit, même un tel Ehpad "modèle" a du mal à recruter. Ca doit être encore pire pour les autres.
Etonnamment, mon père a très facilement accepté le déménagement. Il s’est très bien intégré à son nouvel établissement. Il semble que même avec ses capacités diminuées, il a bien perçu qu’il était mieux logé et traité ici ; par ailleurs le fait de ne plus rester dans l’Ehpad qui lui rappelait l’absence de sa femme a sans doute été un soulagement.
Concrètement, le changement, c’est : je suis beaucoup moins inquiet, car je sais que mon père est bien entouré et bien soigné. Je me rends compte qu’il y avait pas mal de petites choses à gérer, et des coups de fil du genre "votre père a encore fait cela" ou "votre père est aux urgences depuis hier soir" (ma réponse : et vous m’appelez seulement maintenant ? Et pourquoi directement les urgences ? Ah oui, son médecin traitant était injoignable à 8 heures du soir, et votre ehpad n’a pas de médecin coordinateur, donc au moindre souci c’est direct les urgences, avec toute la désorientation que cela produit chez une personne âgée dans son état !). Tout cela a disparu du fait que l’établissement est mieux adapté. La situation est beaucoup plus calme et rassurante.
- mon père avait souscrit une assurance autonomie (une pour lui et une pour ma mère). Les deux assurances versaient des rentes depuis que mes parents sont dépendants (vers 2018). Au décès de ma mère, l’assurance autonomie de ma mère a bien sûr arrêté de payer. Mais je me suis rendu compte, en relisant des notes à ce sujet, que mon père avait désormais droit à une rente majorée, du fait qu’il est descendu d’un cran dans le GIR. Il a droit à 50 € de plus par mois environ. Donc demande d’un dossier à remplir, dossier transmis au médecin traitant, et après il faudra le renvoyer à l’assureur qui gère cette rente autonomie. Le dossier est complexe, on a vraiment l’impression que c’est fait pour dissuader les gens de demander ce à quoi ils ont droit.
- mon père se retrouve avec pas mal de liquidités (suite au versement des AV et bientôt des livrets d’épargne au nom de ma mère). La solution choisie a été le "super livret" à 4 % pour 3 mois puis 2,5%/an, gains fiscalisés.
Quelques enseignements à en retenir :
- demander et obtenir, pour ses parents, ce à quoi ils ont droit, est un gros boulot. Il faut lire tous leurs papiers, comprendre comment fonctionnent les choses, faire des dossiers. Les assurances autonomie, tant qu’on ne leur signale pas la baisse d’autonomie (à partir de GIR 4 en général), on continue à payer la souscription au lieu de percevoir la rente. La pension de réversion, mon père y a droit, mais encore faut-il la demander (avec un dossier bien complexe). Etc.
- trouver le bon ehpad et y faire admettre son ou ses parents est aussi un gros boulot.
- en pratique, comme je l’ai déjà dit, il faut absolument tout passer en gestion en ligne. Mes parents géraient tout en papier, on a tout passé en ligne, ça simplifie énormément. Même les organismes de retraite ont de la gestion en ligne. Soit dit en passant, c’est un peu flippant de voir comment on peut prendre totalement le contrôle des affaires d’une autre personne, sans aucun garde-fou. En plus de l’identifiant + mot de passe, tous ces sites nous font désormais chier avec de la "sécurisation"… sauf que cette sécurisation consiste à entrer des codes reçus sur smartphone… mais on leur donne bien le numéro de téléphone portable que l’on veut, et ils ne vérifient jamais que ce smartphone appartient à la bonne personne ! Donc tous ces sites sécurisent les accès M. 2Kpère en envoyant des codes sur le smartphone de M. 2Kfils, sans problème ! Et si, au lieu de M. 2K-fils, c’était M. Escroc-qui-a-trouvé-le-papier-où M2Kpère-notait-ses-codes secrets, et que cet escroc se connecte à ces sites pour y mettre son numéro de smartphone pour tout pirater, ça fonctionnerait aussi. On peine à voir en quoi ça sécurise quoi que ce soit !
- remarque en passant, que toutes les démarches se fassent en ligne, même pour des formalités qui doivent être faites par une personne âgée, c’est quand même une grosse blague. "M. 2K père, à 89 ans, vous êtes bénéficiaire d’une AV, veuillez vous connecter à ce site pour confirmer, et y scanner tels et tels documents". "M. 2K père, à 89 ans, vous avez droit à une pension de réversion, mais seulement si vous remplissez en ligne un dossier très complexe et scannez toute une série de justificatifs". Quelle blague ! Les personnes âgées ont vraiment intérêts à avoir des enfants qui maitrisent les outils numériques. Pour les personnes âgées qui n’ont pas d’enfants pour les aider, ça doit être l’horreur. Dans les pays pauvres, on fait des enfants pour qu’ils veillent financièrement sur vous quand vous vieillissez. Dans les pays riches aussi, il faut faire des enfants, pour qu’ils puissent faire vos démarches en ligne, sinon vous êtes foutu !
Toutes ces démarches à faire pour ses parents âgés et dépendants, ce sont des connaissances qu’une personne normalement constituée ne connaît pas du tout. Il y a 6 ans, j’ignorais encore ce qu’était un GIR et une UVP !
Il y a une sorte de "science de la gestion de ses parents dont la dépendance est croissante", qui n’est enseignée nulle part alors qu’elle est complexe et pluridisciplinaire. Quand j’en parle autour de moi, je me rends compte qu’il y a des gens, minoritaires, qui connaissent car ils ont eu à gérer cela, et la plus grande partie des gens qui ne connaissent pas, soit car ils n’ont pas eu à gérer cela (leurs parents sont toujours vivants ou ont été autonomes jusqu’à leur décès). Les "jeunes", disons jusqu’à 40 ans, n’ont souvent pas eu à le gérer en direct et disent quelque chose du genre "je sais que ça a été compliqué pour mes grands-parents, mais comme mes parents géraient alors que moi j’avais autre chose à faire, je n’ai suivi que de très loin".
Sur les placements financiers, je retiens :
- les AV ont fait leur taf. Rendement pitoyable : en 4 ans environ, ce qui a été versé au final est très proche pour les deux AV (moins de 100 € d’écart), et par rapport au versement initial, le versement final n’est supérieur que de 1,75 %. ca fait un rendement annuel de 0,4 % annuel environ. C’est pitoyable.
- aujourd’hui, les "super livrets" sont vraiment attractifs comme solution d’attente, voire comme solution durable, vu les faibles rendements de l’assurance-vie. Certes, ça ne compense pas l’inflation, mais si le critère est "simple, sans risque donc bien acceptable par la famille, et disponible très rapidement en cas de besoin", il n’y a pas trop le choix : il n’y a que les AV et les super-livrets, une fois que les livrets d’épargne sont pleins.
- je regrette de ne pas avoir souscrit pour mes parents un ETF monde sur PEA. Mais mes frères n’auraient pas été d’accord, ou en tout cas auraient désapprouvé. Donc ne pas le souscrire était le bon choix, quand on intègre le critère de la concorde familiale. On a sacrifié la performance en choisissant le plus petit dénominateur commun.
Dernière modification par Bernard2K (12/07/2023 09h18)