2 #1 28/09/2010 20h25
- parisien
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Même pour quelqu’un voulant à terme vivre de ses rentes, il est réconfortant de penser qu’il disposera aussi jusqu’à son décès de retraites de la Sécu, de l’Arrco et de l’Agirc (pour l’ex-salarié cadre) ou des caisses des indépendants/professions libérales. Ce sera un complément utile, même si ce ne sera versé qu’à 62 ans, voire 67 ans, voire bien au delà, et même si les retraites vont sensiblement baisser d’ici là.
Dans cette optique, il est bon de noter que si quelqu’un arrête complètement son activité professionnelle avant 60-62 ans, il n’aura pas cotisé le nombre de trimestres nécessaires pour avoir la retraite à taux plein dès 60 ans (âge porté à 62 ans d’ici 2020). Il devra soit accepter une décote définitive e -22% sur sa retraite, soit devoir attendre l’âge de la retraite sans décote (65 ans, devant être porté à 67 ans d’ici 2020).
En d’autres termes, cette personne sera soumise à la double peine:
- une retraite d’un montant moindre (logique, car elle aura cotisé moins d’années)
- et une retraite perçue 5 années de moins, à partir de 67 ans, et non de 62 ans (pas logique).
Personne à part moi ne semble s’être rendu compte que cette situation est illégale et que la France, au besoin après avoir été condamnée par la cour de justice européenne, devra tôt ou tard permettre à tous de bénéficier de la retraite à 62 ans sans décote.
Voici mon argumentaire, accessible à tous, même aux non juristes:
Certains critiquent le projet de réforme des retraites, et en particulier un point (porter l’âge de retraite sans décote de 65 ans à 67 ans), au motif que cela défavoriserait les femmes et les personnes modestes ayant eu un parcours professionnel incomplet. Bref, ceux qui critiquent se placent sur le terrain de l’iniquité supposée d’une telle mesure.
Or, avant d’être équitable ou pas, ce changement est surtout illégal, car contraire aux principes constitutionnels d’égalité des citoyens.
En fait, ce qui est illégal est que les deux âges suivants soient différents :
- l’âge de la retraite à taux plein, accordé si on a cotisé 168 trimestres (42) ans. Cet âge, aujourd’hui de 60 ans, sera porté à 62 ans
- l’âge de la retraite sans décote, quel que soit le nombre e trimestres cotisés. Cet âge, aujourd’hui à 65 ans, sera porté à 67 ans.
Ces deux âges, différents de 5 ans depuis la réforme Mitterrand de 1983, doivent être en fait identiques, pour ne pas rompre l’égalité entre citoyens.
Ce point peut surprendre. Après tout, la loi aurait le droit de récompenser les salariés qui ont cotisé suffisamment longtemps, 168 trimestres (42 ans), en leur permettant de toucher leur retraite 5 ans plus tôt, 62 ans au lieu de 67 ans.
En fait, c’est un raisonnement faux, comme le montre cette comparaison de deux personnes A et B, nées la même année, qui commencent à travailler chacune à l’âge de 20 ans :
- A a une carrière complète, est toujours rémunérée au SMIC, et aura donc cotisé 42 ans à 62 ans et pourra alors toucher un certain montant de retraite, sans décote
- B a une carrière incomplète, en ne travaillant qu’un an sur deux, peu importe si les années travaillées sont en début de carrière (de 20 à 41 ans), en fin de carrière (de 41 à 62 ans) ou une année tous les deux ans. En revanche, B, quand elle travaille, est payée le double du SMIC.
Ayant cotisé autant que A (deux fois plus les années travaillées, mais ces années sont deux fois moins nombreuses que celles de A), B va toucher le même montant de retraite annuelle. Sauf que n’ayant pas le nombre de trimestres requis :
- B ne pourra toucher sa retraite qu’à 67 ans, donc la toucher cinq années en moins,
- ou alors demander à la percevoir dès 62 ans comme A, mais subir alors une décote de 22% définitive, qui va s’appliquer non pas d’ailleurs pendant 5 ans seulement, mais jusqu’à son décès.
Le point crucial est que B née la même année que A et cotisant le même montant global que A sur l’ensemble de sa carrière, doit pouvoir bénéficier de la même retraite (cela découle du principe constitutionnel d’égalité entre les citoyens : à cotisation égale, retraite égale; exactement comme à travail égal, rémunération égale et retraite égale). Or B va toucher moins, 5 années en moins, OU 22% en moins. Je vois mal ce que l’Etat peut invoquer comme motif légitime pour justifier la rupture de l’égalité entre ces deux personnes :
- Elles sont nées la même année, donc pas de différence statistique d’espérance de vie pouvant justifier une retraite moins élevée ou plus tardive à quelqu’un de plus jeune au motif que ce dernier la toucherait plus longtemps.
- L’Etat voudrait favoriser ceux qui travaillent la totalité de la carrière par rapport à ceux qui volontairement ou involontairement auraient des carrières incomplètes ? mais en quoi est-ce important pour la société ? Déjà le premier groupe (ceux à carrière complète) va disposer d’une retraite annuelle plus élevée pour avoir travaillé et cotisé un nombre d’années supérieur . Il ne semble pas du tout justifié qu’en plus de la retraite annuelle plus élevée, on verse cette retraite cinq années de plus.
Autre argument pour réfuter ce dernier point : comparons B et C, deux personnes nées la même année et ayant travaillé chacune une année tous les deux ans, entre l’âge de 20 ans et l’âge de 62 ans.
B travaille du premier janvier au 31 décembre, donc valide 4 trimestres tous les deux ans, et ne pourra donc pas bénéficier d’une retraite à taux plein à 62 ans.
C travaille pour le même salaire que B (donc cotisera pareil sur l’ensemble de sa carrière et aura la même retraite annuelle), sauf que C travaille du 1er juillet de l’année N au 30 juin de l’année N+1. Les règles particulières de la Sécu font que C valide ainsi à la fois les 4 trimestres de l’année N et les 4 de l’année N+1, donc 8 trimestres sur 8. C aura donc validé la totalité des 42 années à 62 ans et pourra ainsi, contrairement à B, toucher sa retraite à taux plein à 62 ans.
Ainsi, B et C, nées la même année, ayant chacune travaillé et cotisé 21 ans au total, avec le même salaire , se retrouvent avec deux retraites différentes, ce qui est choquant et surtout illégal.
Conclusion : depuis 1983 la France est dans l’illégalité et l’actuel projet de réforme persiste dans cette illégalité au lieu de l’atténuer. La seule manière de s’en sortir est d’aligner l’âge de la retraite sans décote (65 ans, plus tard 67 ans) sur l’âge de la retraite à taux plein (60 ans, plus tard 62 ans). Et si le coût devient insupportable, il reste la solution parfaitement logique d’accélérer la remontée de l’âge de la retraite à taux plein de 60 à 62 ans et pourquoi pas 64 ans. Tout le monde aura donc sa retraite à taux plein au même âge, 64 ans à terme, quel que soit le nombre de trimestres validés; mais bien sûr celui aura moins longtemps travaillé aura une retraite annuelle proportionnellement moins élevée. Le mot clé étant ici « proportionnellement » alors que dans le système actuel, c’est « plus que proportionnellement ».
N’importe quel retraité dont la pension, liquidée à 60 ans ou 62 ans, aurait été réduite d’une décote du fait d’un nombre de trimestres validé insuffisant, peutaller devant les tribunaux pour obtenir la suppression de cette décote. Et il gagnera certainement, quitte à aller devant les tribunaux de l’UE (CJCE).
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