4 #1 03/01/2014 22h23
- spiny
- Membre (2010)
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Conduril est cotée sur la place de Lisbonne (groupe euronext) et a vu le jour en 1959.
L’action est assez peu liquide et sort un peu des sentiers battus. C’est bien pour cela que je vous en parle !
La société opère dans le génie civil et la construction d’infrastructures (ponts, routes et autoroutes, évacuations et assainissements, lignes ferroviaires, barrages, bâtiments). Elle emploie un peu moins de 2300 personnes.
Le chairman actuel détient 30% du capital et les autres administrateurs environ 15%.
La société opère principalement en Afrique : Maroc, Sénégal, Malawi, Cap vert, Angola, Mozambique, Zambie, Botswana…le chiffre d’affaires non-domestique monte à 93% au S1 2013 du fait de la conjoncture au Portugal.
Le groupe a un carnet de commande de 680M€ au 30 juin…pour une capitalisation légèrement inférieure à 100M€ !
Compte tenu de la crise en Europe et dans le marché domestique, la société a délibérément et intelligemment porté ses efforts sur son développement en Afrique.
Allocation du capital
Le nombre d’actions est stable et la société détient 10% du capital…mais nous n’avons aucune information sur ce qu’elle compte en faire…cela fait au moins 6 ans que la situation est ainsi.
Ce dernier point est assez épineux…et surtout source d’inefficience. En effet, classiquement pour les calculs de capitalisation on déduit le nombre d’actions auto-détenues. Ce qui, dans le cas de Conduril, fait alors une capitalisation de 84,6 M€ sur la base d’un cours de 47€ au moment de l’analyse.
Or, même sur le site d’euronext, la capitalisation affichée est de 94 M€, soit (47€ X 2M d’actions). Le marché ne semble donc pas prendre en compte ce point qui modifie quand même substantiellement la capitalisation et, par conséquent, la valeur d’entreprise.
Ceci dit, dans les rapports annuels de Conduril, le bénéfice par action est calculé sur la base de 1,8M d’actions….et il en sera de même pour moi.
Le versement d’un dividende est ininterrompu depuis 2005 et le pay out ratio est anémique : 8%. Sur la base du dernier dividende (1,50€) et du cours actuel (47€), le rendement affiché est de 3,2%.
On notera également qu’aucune acquisition hasardeuse n’a eu lieu. Un bon point de plus pour le management.
Structure du bilan
Solvabilité : 48%
Gearing : 9%
Current ratio : 1,7
Quick ratio : 1,6
Aucun Goodwill
Le niveau de dettes est à peu près couvert par le cash de l’entreprise et représente moins d’1 fois l’EBITDA (!) ce qui positionne extrêmement bien Conduril dans le contexte actuel. C’est un très bon point pour la société.
Les capitaux propres ont été multipliés par 4,9 depuis 2007, soit une augmentation annualisée de 33% !
La structure de l’actif à court terme montre une particularité à prendre en compte : une proportion de créances très importantes (environ 2/3 des actifs et surtout proche de 100% du CA) et qui ont surtout fortement évolué depuis 2008.
Ceci n’est pas étonnant compte tenu du caractère de l’activité. Les créances sont nombreuses et encaissées au fur et à mesure de l’évolution des différents chantiers.
Compte tenu du faible endettement de la société, on peut souligner que son activité est donc essentiellement financée par son BFR et plus précisément par la gestion des créances clients.
La gestion des créances clients me semble être le point crucial à surveiller au sujet de Conduril.
Compte résultat
Depuis 2007, quoique dise Mr le Marché au sujet de la crise en Europe et de l’état général du Portugal, peu réjouissant à vrai dire, Conduril, du fait de son positionnement géographique, a systématiquement gagné de l’argent, affichant un EBITDA moyen qui a triplé sur la période Le résultat net, quant à lui, a été multiplié par 3,3. Le CA, quant à lui demeure stable depuis 2008.
Au S1 2013, le résultat net a augmenté de 16% et l’EBITDA de 13%.
Flux de trésorerie
Les free cash-flows sont très volatiles à cause des variations de BFR. Si nous n’en tenions pas compte, il serait très largement positif…
Concrètement, si le BFR, et surtout son évolution, tendait, à minima, à se stabiliser, Conduril aurait une génération de FCF qui serait plus stable, et surtout à un niveau plus décent que lors des années 2008-2001.
L’augmentation notée en 2012 du capex est due à des acquisitions d’immobilisations financières, sinon, le capex « tangible » (acquisitions immobilisations corporelles) aurait été le plus bas de tout le cycle. Ceci peut s’expliquer par le fait que Conduril ménage ses efforts en période d’incertitudes économiques et essaie de naviguer « capex Light »… Attention toutefois car les actifs fixes sont bien amortis (70%) et il se pourrait que des investissements soient nécessaires dans les années à venir.
Rentabilité
Il y a relativement peu de dettes donc le ROE conviendra bien dans ce cas. Celui a été impacté par la crise mais reste de bonne facture autour de 14% depuis 2011. Sur un temps un peu plus long la moyenne ressort très légèrement en deçà de 25% :
La marge opérationnelle se tient bien et est en hausse en 2012 et au 30 juin 2013 (glissant), atteignant un niveau record de 28%.
ROIC = 22%.
Valorisation
* La capitalisation est de 84M€ et la VE proche de 100M€.
* Par les actifs
Au cours de 47€ au moment de mon analyse, Conduril cote à :
- 60% de sa valeur d’actifs courants nets de dettes, la NCAV (74€ / action).
- 50% de sa valeur comptable ( 95€).
En prenant le ROE 2012 de 14% on se retrouve avec un rendement attendu de 28% !
* Par les multiples de bénéfices
Sur la base des résultats connus au 30 juin 2013, on est sur un PER de 3,4.
En affinant avec l’Earning Yield = (Ebitda - Capex de maintenance) / VE = 38%.
« Il est inutile de connaître précisément le poids d’un homme pour savoir qu’il est obèse » ,
dixit Benjamin Graham
…et je suis bien d’accord avec lui.
Dans ce cas de figure, l’obésité de Conduril est manifeste !
Pourquoi cette valorisation ?
- Une illiquidité importante qui fait peur à beaucoup de monde, çà c’est un point important à prendre en considération dans ce dossier.
- L’étiquette « Portugal » = crise, dette, déprime panique.
- D’autant plus que le BTP est relativement dépendant d’investissements publics, un grand nombre ayant été coupés au Portugal.
- L’étiquette Afrique = dangereux…et faisant rêver à la fois, là est toute l’ambiguïté.
- Ce qui est tout à fait paradoxal est la vérité contraire que nous offre les chiffres de Conduril : « Une crise ? Quelle crise ? » pourraient répondre en chœur les dirigeants.
Certes il y a un tassement de l’activité mais les mesures appropriées du management semblent aller dans la bonne direction, le niveau de profitabilité est tout de même conséquent.
Quels catalyseurs possibles ?
- Tout simplement une annulation des 200 000 actions que la société détient depuis plusieurs années…cela serait extrêmement relutif, immédiatement et à moindre frais. Celait permettrait à Mr le Marché de se rendre qu’il a fait une grosse faute de calcul !
- Un rachat d’actions ? Ce serait particulièrement relutif mais cela n’a pas l’air de faire partie de lADN de l’entreprise…et c’est bien dommage vu le prix.
- Une augmentation du dividende est une solution plus probable. En revenant à un niveau de 2€ (2008-2009), le rendement serait de de 4,2%…mais le payout est tellement bas que l’on pourrait atteindre un niveau 2 fois plus important sans que cela ne mette en péril la société.
- Un retrait de la cote. Ce serait une bonne idée, d’autant plus que l’idée était dans les tuyaux en 2009 (écrit noir sur blanc dans le rapport annuel 2009 !) mais le projet a capoté.
- La bonne continuation des opérations africaines et la croissance à venir dans ce continent qui a sans nul doute besoin de nombreuses infrastructures.
En somme, pour que Mr Market reconnaisse la valeur de Conduril, puisque, visiblement, les résultats brillants ne suffisent pas, la société a deux options :
-soit elle modifie la situation actuelle par le biais d’une allocation de capital intelligente : retrait de la cote, dividende, annulation des 10% d’actions auto-détenues, rachats….ce qu’elle peut aisément ce permettre sans problème.
-soit elle améliore sa visibilité : marketing, croissance, amélioration de la liquidité, etc..
Autant dire que je préfère largement la 1ère solution qui sera sans doute moins coûteuse.
Conclusion :
En 2010, la Banque Mondiale a estimé que le continent Africain aurait besoin d’investir à 93Mds€ par an pour développer les infrastructures, contre environ la moitié de cette somme aujourd’hui. Nul doute que la croissance du continent Africain (5%/an sur la décennie 2000) saura apporter des nouveaux marchés aux entreprises bien implantés localement et bénéficiant d’un historique solide. Il semble en effet plutôt compliqué pour une entreprise "nouvelle" dans un pays où Conduril intervient s’implanter et tout de suite prendre des parts de marché en lien avec les autorités gouvernementales. J’aurais envie de penser qu’il y a une sorte de "prime" au premier entrant et à celui qui a établi des relations longues durées (cf les investissements de Bolloré en Afrique par exemple).
Nous pouvons légitimement penser, sans trop nous avancer, que Conduril fait partie de celles-là.
De plus, la valorisation extrêmement basse de la société permet d’investir avec une marge de sécurité importante dans une société dont la quasi-totalité du business dépend de l’Afrique….la croissance réalisée par l’entreprise étant bien entendu offerte pour ce prix là.
Pour les articles complets, je vous renvoie vers :
- L’Investisseur Français - Investir en Bourse
- L’Investisseur Français - Investir en Bourse
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Déontologie : je suis actionnaire de Conduril.
Mots-clés : afrique, croissance, portugal
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