Concernant la video postée par timiron : le monsieur est gentil de vanter les mérites du bois d’acacia, mais 1) cet arbre est classé officiellement comme espèce envahissante, donc préconiser de le replanter est un peu irresponsable à mon avis (comme le mimosa, qui est si joli et sent si bon, et le bambou, si joli et si pratique pour en faire des piquets ; ce sont néanmoins des envahisseurs ; personnellement, je n’implanterai jamais volontairement de telles espèces végétales). 2) les robiniers dont je parle n’ont rien à voir avec les gentils petits drageons que l’on voit à l’image.
Cela dit, la vidéo a au moins le mérite de montrer l’extraordinaire capacité d’envahissement du robinier : cet arbre a lancé tout exprès une très longue racine de 20 mètres, en surface, pour faire des drageons ! Multipliez cela par des dizaines d’arbres, laissez le temps aux drageons de devenir de vrais arbres, et vous aurez une idée de l’ampleur du problème.
Car le terrain dont je parle est envahi d’arbres qui font entre quelques cm de diamètre pour les plus petits et 20 cm de diamètre pour les plus gros. Le terrain est donc saturé de racines qui vont rejeter et drageonner à la première occasion. Or, ce terrain a vocation à redevenir un jardin potager et/ou d’agrément, ce qui est incompatible avec les acacias. Ceux-ci doivent être éliminés. Quelques arbres seront peut-être replantés quand le jardin aura repris forme humaine, mais ce seront des arbres fruitiers.
Je vais donc vous dire où j’en suis de mes réflexions, en supposant bien sûr qu’on commence par abattre les arbres et qu’on se retrouve donc avec un champ de souches de 10 à 20 cm de haut à dévitaliser :
- extraction mécanique : il faudrait retourner le terrain entièrement et profondément ce qui serait un travail de dingue, et on en oublierait encore. Donc hors de question.
Il faut donc empoisonner la souche pour la dévitaliser. il faut que la sève véhicule le poison pour aller dévitaliser jusqu’au bout des racines. Les solutions que j’ai pu identifier sont (je commence par les plus gentilles) :
- percer des trous, verser du lait entier, protéger de la pluie. Le lait entier accélère le pourrissement de la souche. Si ça peut être adapté pour des souches qui ne vont pas rejeter (notamment les résineux), je ne crois pas une seconde à cette solution pour des robiniers. Même si le coeur de la souche pourrit localement, ça ne va pas tuer les racines.
- percer des gros trous, y introduire des gousses d’ail pointes en haut, reboucher avec de la terre glaise. L’idée est que les gousses vont germer et empoisonner l’arbre par l’Allicine, composé anti-bactérien, anti-fongique, et prétendument phytotoxique. J’ai de gros doutes sur le fait que ça soit suffisant pour tuer des robiniers, mais je vais traiter quelques troncs ainsi et on verra bien.
- percer des trous, y introduire du gros sel (de déneigement, c’est le moins cher). Protéger de la pluie. Le sel est phytotoxique. Ce n’est pas très bon pour l’environnement, mais à comparer aux milliers de tonnes qui sont déversés sur les routes chaque année… Du point de vue de pouvoir récupérer le jardin pour un usage potager et/ou agrément, je pense que ça ne pose pas de problème. Les doses utilisées restent modestes, et seront lessivées par la pluie quand l’arbre sera mort et qu’on enlèvera donc la protection contre la pluie.
- en jardinerie, on vous vend comme destructeur de souche du nitrate de sodium. C’est une variété de salpêtre, dit "salpêtre du Chili", le salpêtre tout court étant du nitrate de potassium aux propriétés très similaires. Le mode d’emploi dit : percer des trous, y introduire la poudre. Ajouter du pétrole lampant. Mettre le feu. La souche se consume. Le mode d’emploi dit aussi : marche mieux sur des souches bien sèches. A mon humble avis, ce n’est pas adapté du tout : 1) ça contrevient à l’interdiction quasi généralisée de faire brûler les déchets végétaux dans les jardins. 2) ce n’est pas phytotoxique, ou faiblement phytotoxique. Sur des robiniers vivants, ça va donc brûler un petit peu la souche autour des trous, mais les racines vont rester vivantes et rejeter violemment. C’est vraiment complètement inadapté. Merci monsieur le vendeur de jardinerie, de m’avoir vendu un produit cher et inadapté.
- percer des trous, y introduire du chlorate de soude. Protéger de la pluie. Eventuellement, plusieurs mois plus tard, mettre le feu, et la souche va se consumer. Mais on peut aussi ne pas mettre le feu et garder la souche morte. Le plus important est que la souche aura été dévitalisée efficacement par le chlorate de soude. Attention, le chlorate de soude est interdit depuis 2009, donc c’est pas bien du tout ! Ah, quel méchant pollueur ! Pourtant, c’était une méthode préconisée encore récemment par le "petit guide du jardinage biologique" des éditions Terre Vivante, ce qui donne à réfléchir. On voit mal un auteur féru de jardinage biologique préconiser l’emploi d’un produit très polluant !
Alors, pourquoi le chlorate de soude a-t-il été interdit en Europe ? 1) Parce qu’aucun industriel de la chimie n’a voulu faire le dossier pour demander le renouvellement de son autorisation. Parce que ce n’était pas leur intérêt financier. Ils préféraient vendre des produits plus chers, et notamment le fameux glyphosate, donc ils étaient bien contents que le chlorate de soude, ce concurrent trop bon marché, disparaisse. 2) Parce que ça ne plaît pas beaucoup aux gouvernements, vu qu’on peut assez facilement en faire des explosifs (les terroristes ont un accès facile à des moyens de fabriquer des explosifs plus puissants ; il n’empêche que le chlorate de soude a mauvaise réputation). Il n’y a pas d’autre raison valable. Les autres herbicides qui sont restés en vente après 2009 étaient presque tous plus dangereux pour l’environnement que le chlorate de soude.
Et alors, sa fameuse toxicité ? En fait, il n’est pas rémanent, car il se décompose essentiellement en sel de cuisine (NaCl). Autant je ne préconiserais pas de l’utiliser en application sur de grandes surfaces (désherbant pulvérisé sur des allées, des orties, des ronces) car la quantité apportée au sol devient importante, autant, pour traiter les souches, on en met des petites quantités, et on protège de la pluie pour que la faible dose aille bien dans la sève au lieu d’être lessivée par la pluie, donc l’impact sur l’environnement est très faible. La dose préconisée par Terre Vivante est de 1 gramme par cm de diamètre de souche. Donc, à mon sens, c’était vraiment un excellent produit : efficace pour dévitaliser, puis il se transforme en sel de cuisine, qui est anodin à ces doses. Je ne remercie pas nos bienpensants qui ont ainsi mis hors la loi un produit aussi bien adapté à cet usage.
- idem chlorate de soude, mais avec un désherbant chimique plus costaud et/ou rémanent. Un agriculteur me disait "une croix tracé à la tronçonneuse sur la souche, et appliquer ce désherbant vigoureux et désormais interdit, mais dont j’ai encore des réserves". Mais là, j’objecte. Dans mon échelle de valeurs à moi, le sel de cuisine et le chlorate de soude sont les seuls désherbants qui me semblent acceptables, et encore, en emploi ponctuel et localisé sur des souches, et non pas épandus sur de grandes surfaces.
Donc, voilà, j’en suis rendu à devoir choisir le poison à utiliser, entre l’ail (efficacité incertaine), le sel de déneigement (efficacité probable, avantageux car bon marché, mais relativement grosses doses nécessaires), et le chlorate de soude, efficace dès les faibles doses, mais indisponible car interdit par nos bienpensants.
Dernière modification par Bernard2K (05/01/2023 21h56)