Bonjour Sergio,
Tout d’abord, vous savez combien j’apprécie vos capacités d’analyse, vos facultés d’engagement, d’initiative, de consistance et de travail. Soyez assuré que mes commentaires n’ont pas pour objectif de remettre cela en cause. Cela dit, cela ne m’empêche pas, dans le détail de l’analyse de ce dossier de ne pas voir les mêmes éléments que vous.
Etude de l’immobilier
Je ne vois pas ce en quoi mon raisonnement sur l’immobilier était smart (mais je n’ai pas compris pour ma part celui de Baker Street). Il me semble que vous avez déjà échafaudé des raisonnements bien plus complexes: prendre un échantillon aléatoire de 200 surfaces commerciales équivalentes à celles de SHLD et calculer leur prix moyen (sans focaliser sur les supercentres de type Kmart; encore une fois, ils sont ressortis par hasard de mon analyse - l’échantillon était aléatoire) me semble tout à fait à votre portée. Je précise que le prix du terrain associé était compris dans les prix de l’immobilier considérés dans mon étude.
sergio8000 a écrit :
Vauban, je ne suis pas aussi smart que vous ni que Baker Street, je ne sais faire que des raisonnements simples. Je vous propose donc les suivants :
J’aime bien la simplicité mais il ne faut pas tomber dans le simpliste sur un sujet difficile (ou laisser entendre qu’un raisonnement simple comme celui figurant ci-dessus est complexe).
Prix de l’immobilier
sergio8000 a écrit :
1) Sears et Kmart ont plus de 250 millions de sq ft, et à 40$ le sq ft pour l’immobilier + le terrain, on est déjà à plus de 10 milliards. Je pense que cette hypothèse n’est pas agressive car les baux de 20 ou 30 ans ont des loyers extrêmement faibles par rapport aux prix du marché actuels.
Cette assertion me semble inexacte pour plusieurs raisons:
* Est-ce que SHLD possède plus de 250 millions de ft2 ? Non, il en possède en propre environ un tiers. Nous passons donc à 3 milliards + droits au bail sur ce seul point !
* Est-ce que le prix de 40$ / ft2 est une hypothèse agressive ? Oui et non. Pour de l’immobilier en pleine propriété: non (en moyenne, j’avais pour ma part trouvé du $ 715/m2 donc $ 66/ft2; pour les anciennes surfaces commerciales SHLD, c’était en moyenne: $ 27/ft2, ce qui me semble une borne inférieure). Pour un droit au bail, je ne sais pas mais a priori cela me semble une hypothèse très agressive en moyenne (je doute que le prix du droit au bail soit égal ou supérieur en moyenne, au prix moyen de l’immobilier sous-jacent, même pour des baux longue durée).
Je n’ai pas vu pour ma part la durée moyenne restante sur les droits au bail SHLD et je ne sais pas non plus très bien comment valoriser ce droit au bail, à vrai dire, mais comme je l’ai dit, un raisonnement basique me semble montrer qu’il doit être nécessairement significativement inférieur au prix de l’immobilier sous-jacent (je l’ai estimé pour ma part à 10 %, mais je suis prêt à revoir ma copie, sur base de données factuelles). Ce serait intéressant de construire un modèle de valorisation du droit au bail sur base de plusieurs paramètres. Quelle est votre méthode de valorisation du droit au bail ? Mon hypothèse à 10 % vous semble-t’elle farfelue ?
En conclusion et pour donner une coloration humoristique à mon propos, j’interprète comme un signe encourageant et comme une volonté de rapprochement le fait que vous soyez passé d’une évaluation de l’immobilier de $ 20 B "pour votre hypothèse basse" à une évaluation de $ 10 B, par rapport à votre message précédent. Je pense qu’à ce rythme, nous serons bientôt d’accord !
Emplacements prime
Je n’ai jamais douté du fait que SHLD possède des emplacements prime. Il me semble néanmoins qu’il faudrait mesurer cet effet pour conclure que SHLD a plus d’emplacements prime que la moyenne, ce qui reste à démontrer…
Je prends pour ma part l’hypothèse inverse. Je pense que le prix de l’immobilier de SHLD est grosso modo dans la moyenne (un peu plus bas a priori pour les Kmart et dans la moyenne pour les Sears).
Je n’ai pas de doute sur le fait que la présence de terrain a une influence sur le prix, ce qui me semble correct. Mais la vraie question me semble être la suivante: pourquoi SHLD aurait-elle une surface de terrains moyenne supérieure à celle de la moyenne des surfaces commerciales ? Comment la quantifier le cas échéant ?
Prix au ft2 de vos exemples
Je calcule le prix au ft2 de vos exemples:
$ 382 / ft2
$ 243 / ft2
$ 185 / ft2
Vous avez considéré 3 biens (dont un ancien Walmart) dont le prix est très supérieur à la moyenne. Que pouvons-nous en déduire à un niveau opérationnel ?
Je m’abstiendrais pour ma part de faire une comparaison de prix entre des biens d’une surface de 10 à 20 fois inférieure à la surface moyenne d’une surface commerciale SHLD, pour les deux premières. Pourquoi vouloir comparer le prix au m2 de biens si différents (à moins que la répartition des surfaces commerciales de SHLD soit par exemple à 50 % de surfaces inférieures à 20 000 ft2 et à 50 % de surfaces supérieures à 200 ft2, ce qu’il faudrait montrer, le cas échéant, et pas seulement sur base d’un ou deux exemples) ?
Quant au troisième exemple (dont la surface est 2 fois moins grande que la moyenne des surfaces commerciales SHLD), que pouvons-nous en déduire si ce n’est que des biens situés dans certaines localisations sont plus chers que ceux situés en d’autres endroits, ce dont personne ne doutait, je crois ! Mais en quoi cela prouve-t’il que l’immobilier de SHLD est décalé dans le positif par rapport à une moyenne sur de l’immobilier équivalent ?
sergio8000 a écrit :
Si on fait Etat par Etat, on peut arriver à faire son propre estimé à la Baker Street en prenant des biens comparables ou à proximité.
Si ne serait-ce que 10 M sq ft sont à 500 $ par sq foot, vous voyez le topo : déjà 5 milliards pour ces biens. Si ne serait-ce que 20 M sq ft sont à 200$ par sq ft, c’est 4 milliards. Les chiffres sont hyper sensibles aux hypothèses, et il me semble plus fiable de prendre le coût historique.
D’accord avec l’approche proposée dans les trois premières phrases, qui me semble pragmatique, si l’évaluation est faite sur des biens appartenant en propre à SHLD, de manière neutre plutôt qu’à charge/décharge, sur des bases conservatrices et comparables, ce qui semble ne pas toujours avoir été le cas pour l’étude Baker Street (et vos exemples à moins de 10 000 ft2 ne me semblent pas nécessairement aller dans le bon sens jusqu’à preuve du contraire).
Reste à faire ce travail en pratique avant d’affirmer de manière péremptoire que l’immobilier de SHLD a un prix supérieur à la moyenne, à mon avis. Pas d’accord avec la conclusion de la deuxième partie de la dernière phrase, donc, sans étude.
Impossibilité d’évaluer ?
sergio8000 a écrit :
3) Les terrains en prime avec les emplacements rendent incomparables les offres que j’ai regardées. Je pense donc qu’on compare des choux et des carottes, sauf si vous voulez comparer uniquement les emplacements supercenter de type Kmart. Je n’ai pas de méthode précise pour évaluer le terrain, mais, si je me dis que Seritage est à SHC Realty ce que HHC est à GGP, Seritage pourrait valoir d’ici 3 ans plus d’un quart de la valeur de Realty grâce au redéveloppement des terrains. Cela pourrait être beaucoup plus parce que Realty à plus de terrains que GGP, donc possiblement un potentiel de redéveloppement bien plus important. Wait & see…
On peut faire des suppositions et des paris, mais personnellement, j’aime bien les données factuelles conservatrices, habituellement. Je ne vois pas pour ma part en quoi il devrait y avoir un tabou religieux à comparer SHLD à la moyenne, jusqu’à preuve factuelle du contraire, qui ne me semble pas avoir été apportée jusque-là.
sergio8000 a écrit :
Contrairement à vous, bien que je déteste l’immobilier en direct, je pense que l’indice des prix de l’immobilier US sur 50 ans démontre bien la progression des prix en moyenne. C’est un fait, pas une hypothèse : je suis le premier à croire que l’immobilier pas payé au bon prix a toutes les raisons de perdre de la valeur au cours du temps. Seulement, aux US, les prix étaient bas à l’époque et il me semble impossible de surpayer d’un facteur 2 ou 3, même en faisant exprès.
Je n’ai jamais contesté que le prix de l’immobilier US sur 50 ans ait progressé en moyenne. J’ai dit que le bâti perd systématiquement de la valeur (érosion) et que le terrain peut en gagner ou en perdre.
Allez dire aux parisiens qui ont acheté de l’immobilier début des années 90 ou aux américains ayant acheté juste avant la crise des subprimes qu’il n’est pas possible de surpayer de l’immobilier d’un facteur 2.
Autres éléments de valorisation
sergio8000 a écrit :
Enfin, je pense que l’originalité de la vision que j’ai de Sears, s’il y en a une, est plutôt de dire :
- que je ne pense pas que l’immobilier soit le seul, et potentiellement même pas le principal vecteur de valeur de la holding.
- que le marché rate complètement la potentiel bénéficiaire de Sears à cause de la présence de deux programmes de promotion en même temps au lieu d’un.
- que le marché sous-estime les petites entités de Sears (ce que commencent à peine à démontrer les spin-offs).
Oui, j’avais bien intégré ces points de votre démarche (contrairement aux apparences). Mais il ne faudrait pas que les optionalités (que je ne nie en rien) permettent systématiquement à l’investisseur de dire, avec un grain de mauvaise foi, à chaque fois qu’on a montré qu’une évaluation de tel ou tel aspect était peut-être "un peu trop" optimiste que ce n’est pas grave, parce qu’il y a d’autres options de réalisation… Passer de 20 B à 10 B sur votre valorisation de l’immobilier ne me semble pas être un détail, par exemple, malgré les optionalités. J’ai donné mes limites dans mon analyse et, contrairement à vous, il y a certains éléments que je ne parviens pas à analyser avec les données en ma possession ou mes compétences. Donc j’ai mis 0 comme borne inférieure dans ce cas. Je pense aussi que SHLD ne parviendra pas à devenir un "Amazon 2". En tous cas, cela ne se traduit pas (encore ?) dans les chiffres et me semble être une hypothèse spéculative (pas nécessairement idiote, mais risquée). Comme vous le savez bien, presqu’aucun business traditionnel n’a réussi à devenir un leader majeur du secteur Internet.
Spin-off
sergio8000 a écrit :
Je sais que votre valo est supposée être une borne inférieure et pas vraiment une valo : vous l’avez clairement dit. Je dis simplement (avec un humour peut être un peu taquin - veuillez m’en excuser) que je ne crois pas à la pertinence de ce scénario en m’appuyant sur certains faits.
Pour moi, en termes de CA, les business spinés sont bel et bien négligeables par rapport à l’ensemble, vu que je considère Sears comme un "going concern".
De toute notre discussion, c’est ce point qui me semble le plus intéressant et avec lequel je me sens le plus en phase avec vous. Je suis d’accord que si les business spinnés ont généré, pour l’actionnaire de SHLD, un montant équivalent à la capitalisation boursière de SHLD sur les deux dernières années, il s’agit d’un élément intéressant tendant à montrer un potentiel de valorisation de SHLD (mais sera-t’il supérieur à $ 20 B ? = dette + capitalisation boursière: cela ne me semble encore une fois pas évident). Cela dit et pour vous taquiner à mon tour, vu les extrapolations énormes faites sur d’autres points dans votre évaluation de l’immobilier, je préfèrerais faire mes devoirs et vérifier par moi-même à deux fois cette assertion, pour éviter une approximation du maître, avec laquelle je serais en désaccord !
Conclusion
Je dirais que sur le volet immobilier du dossier, si vous parvenez à me convaincre de manière factuelle que l’immobilier de SHLD est décalé dans le positif par rapport à la moyenne, que le prix moyen d’une surface commerciale US de 100 000 ft2 est supérieur au prix moyen que j’ai calculé ou que la valeur du droit au bail est supérieur en moyenne à 10 % du prix de l’immobilier sous-jacent, par rapport à la durée restante sur les baux SHLD, je suis prêt à changer d’avis et à en tenir compte dans mes évaluations (j’ai montré sur l’exemple de LE, que je suis prêt à changer de position en cas d’erreur). Mais arrêtons de sortir quelques exemples en-dehors de la moyenne et d’extrapoler la partie au tout pour en faire une nouvelle moyenne ou de faire des extrapolations douteuses par exemple en comparant la capitalisation boursière/surface (location + pleine propriété) de SGP et SHLD, ce qui n’est rien d’autre qu’une aberration, d’un point de vue de l’analyse valeur avec marge de sécurité.
Encore une fois, ce n’est pas parce que je ne vois pas ce que vous voyez que vous avez nécessairement tort et moi raison (et réciproquement !).
En tous cas, merci pour la discussion intéressante, qui, je crois, nous a permis à chacun d’avancer un peu dans une direction ou une autre.
Cordialement,
Vauban
Dernière modification par vauban (27/07/2014 23h08)