Stratégor a écrit :
Mini – cas : La MAIF
En 1934, un groupe d’instituteurs, en rébellion contre les prix et les conditions pratiqués à leur égard par les compagnies d’assurances traditionnelles, décide de créer un système d’assurance de risque automobile mutualisé à l’échelon de leur profession. Ainsi naît la MAIF, Mutuelle d’Assurance des Instituteurs de France. Pendant de longues années, la MAIF va offrir à ses sociétaires les contrats d’assurance automobile proposant les meilleures couvertures de risques à des prix inférieurs à ceux de la concurrence et obtenir les taux de satisfaction clients les plus élevés de la profession. La MAIF a ensuite progressivement développé de nouveaux champs d’activité (assurance de personnes, produits financiers, services, etc.) Elle est aujourd’hui un des principaux acteurs de l’assurance de particuliers en France.
En se focalisant sur la cible des instituteurs, la MAIF va se doter rapidement d’un avantage de coût. Les coûts d’une compagnie d’assurances sont constitués pour l’essentiel par les coûts des sinistres qu’elle va être appelée à couvrir, auxquels se rajoutent des coûts de commercialisation et de gestion. Le montant de la prime d’assurance, c’est-à-dire le prix que paye l’assuré pour être couvert, doit permettre de couvrir ces coûts et de dégager une marge. Les caractéristiques sociales de ses sociétaires (ses clients), notamment l’homogénéité de leurs comportements et styles de vie, va permettre à la MAIF d’avoir des taux de sinistres très inférieurs à la moyenne de la profession, bien que les couvertures de risques soient supérieures dans ses contrats. Du fait de leur haut niveau d’éducation, de leur engagement historique dans la diffusion de valeurs éthiques et morales, les instituteurs montrent un sens de la responsabilité supérieur à la moyenne, se traduisant par des fréquences d’accidents plus faibles et des pratiques délictueuses (fraudes à l’assurance) ou anti - solidaires sensiblement plus rares. Par ailleurs, les caractéristiques socioprofessionnelles des instituteurs (niveau de revenu moyen, style de vie, etc.…) ont abouti à un portefeuille de biens assurés relativement standard (peu de voitures de grand luxe ou de possessions de très grande valeur) ce qui limite le montant moyen des sinistres et permet en outre de réduire le niveau d’incertitude entourant les risques assurés. Ainsi, le portefeuille de la MAIF se caractérise par une plus grande prévisibilité que le portefeuille de risques assurés par les compagnies classiques, ce qui contribue encore à faire baisser le coût de l’assurance.
De plus, la MAIF a su rassembler ses sociétaires en un groupe d’affinité, autour d’un projet social allant bien au-delà de la traditionnelle relation assureur / assuré. Dans la logique mutualiste, le sociétaire est engagé dans la vie de sa mutuelle, il est à la fois client et actionnaire, consommateur et acteur. Or, la MAIF a su mettre en œuvre, plus que tout autre, la participation de ses adhérents. Près de 750 d’entre eux (élus bénévoles) interviennent en tant que représentants de l’intérêt des sociétaires dans la conception des produits, l’accompagnement des équipes de terrain, dans la médiation, etc., ce qui réduit d’autant les coûts administratifs. Par ailleurs, la confiance faite au client, qui résulte de cette logique mutualiste, permet des remboursements supérieurs à la moyenne tout en réduisant le coût de traitement des sinistres (contrôle de la réalité des dommages déclarés). Elle se traduit par une grande fidélité du sociétariat (taux de résiliation d’environ 1 % contre 12 % de la profession) et peu de litiges sur le montant des remboursements (taux de recours très faible). La forte proximité de la MAIF avec le monde de l’éducation nationale et le fait qu’elle s’adresse à une « cible » parfaitement identifiée permet également de réduire les coûts de conquête des nouveaux sociétaires puisque tout nouvel instituteur se voit automatiquement proposer par ses collègues une adhésion à la MAIF dès sa prise de fonction. Combiné avec le fort taux de fidélisation des sociétaires, ceci se traduit par des coûts de commercialisation et de gestion beaucoup plus faibles que ceux des assureurs traditionnels. Des stratégies comparables à celle de la MAIF existent ailleurs dans le monde. USAA, la mutuelle des militaires américains, dont le modèle est proche, est considérée comme la compagnie d’assurance la plus performante des États-Unis. Elle a en particulier développé toute une gamme de services spécifiques autour des moments clés de la vie d’un militaire : engagement, mobilisation, changement d’affectation, etc. Elle se caractérise également par un très fort attachement de son sociétariat et par des niveaux de sinistralité inférieurs à la moyenne.
Mais la MAIF n’est plus réservée aujourd’hui aux seuls instituteurs. Elle s’est ouverte progressivement à l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale, aux enfants des sociétaires, aux personnels des secteurs associatif et culturel et même à « tous ceux qui partagent ses valeurs », entre autres via la création de Filia-MAIF. Depuis plusieurs années, les concentrations dans le monde de l’assurance l’ont amenée à afficher une volonté de croissance plus soutenue, ce qui l’a conduite vers cette ouverture. Le défi pour la MAIF est donc de gérer ce développement et l’évolution de son sociétariat d’origine vers plus d’hétérogénéité, tout en parvenant à conserver les points forts du modèle qui lui a si bien réussi jusqu’à ce jour.