Wift a écrit :
http://www.plastiques-caoutchoucs.com/Le-gag-de-Francois-Michel-Lambert.html a écrit :
Confronté à une rédaction particulièrement confuse qui rend la définition du périmètre concerné hasardeuse, Elipso estime au minimum à 800 millions d’euros la perte potentielle de chiffre d’affaires et à 2500 les emplois directement menacés. […] Tandis que les recours juridiques sont lancés, des juristes tentent de déterminer la portée exacte de l’amendement. Un recours porté par des sénateurs de la droite et du centre a été déposé au Conseil constitutionnel. Réponse le 5 novembre.
À voir si cela débouche sur un compromis le 5 novembre, notamment sur l’utilisation des plastiques recyclables. Pour info Guillin a déjà un taux de recyclage de ~70% mais connait des difficultés d’approvisionnement en matière première recyclée. Ils comptent sur les système de consignes pour avoir un cycle plus fluide.
Source : Guillin et Paprec Recyclage vont concevoir une filière « de barquette à barquette »
Evolution de l’environnement réglementaire
Le recours a échoué. Le conseil constitutionnel a validé la nouvelle interdiction le 25 octobre et je comprends que ça touche même le recyclable. À entendre parler François Guillin, c’est très négatif, même pour le groupe. Le Royaume-Uni parle également de taxer les emballages plastiques. En tout cas, c’est étonnant que le groupe n’ait pas décalé la publication des résultats du S1 au 25 ou 26… À un jour près ils auraient pu mieux informer les actionnaires.
Quelques commentaires sur le S1
Dans les faits, je trouve le S1 plutôt positif. Le groupe fait face à de nombreux vents contraires depuis le début de l’année (mauvaise récolte, augmentation du prix des matières premières, nouvelles lois anti-plastiques) mais montre une bonne résilience/réaction :
- Le PAO reste stable.
- Capacité à augmenter les prix (+3,1% YoY sur le segment Emballage qui représente 95% du CA).
- Croissance en volume toujours présente car la perte de volume est seulement dû à l’activité Fruits & Légumes (le reste croit de 2%).
- Discussion avec le groupe Thiolat (31M€ CA) pour rentrer sur le marché de l’emballage alimentaire en carton. Bonne initiative, quoiqu’un peu inquiétante sur le fond car ça souligne aussi qu’ils partent de 0 et n’ont donc aucun avantage compétitif sur ce segment a priori.
- Capex stable : visiblement ils n’ont pas peur de continuer d’investir. C’est à double tranchant car d’un côté ils profitent de l’instabilité pour renforcer leur position mais de l’autre il y a plus à perdre si l’emballage plastique alimentaire devient obsolète (espérons qu’ils investissent principalement hors France).
Les marges vont encore se pincer car le prix des matières plastiques augmente plus vite que le prix de leurs produits mais ça reste raisonnable au niveau de la marge brute (-0,8 pts YoY). À cela vient s’ajouter le repli du segment Matériel (5% du CA, -13,2% YoY), pas inquiétant car le H1 2017 était exceptionnel mais qui pèse sur l’absorption des 2 principaux coûts fixes (charges externes + personnel, qui ont augmenté de ~3%). Je pense qu’une MOC normative autour de 9% est raisonnable pour 2018 et 2019.
Enfin, la situation financière reste correcte avec un gearing de 15% (et c’est précisément dans ce genre de période qu’on l’apprécie !) malgré une génération de cash mise à mal par la perte de vitesse des activités Matériel & Fruits/Légumes et l’augmentation du BFR (effet prix matières plastiques + décalage des ventes à cause des mauvaises récoltes).
Perspectives et tentatives de valorisation
Je ne connais pas assez bien le secteur pour que mes scénarios soient pertinents mais je mets quand même quelques idées afin d’alimenter la discussion et réfléchir à la valorisation (j’essaierai d’affiner dans les semaines/mois à venir).
Cas moyen : pas de déclin, pas de croissance (70%+ d’upside avec options)
Dans l’état actuel, sans croissance et sous pression des prix de matières plastiques, on aurait un ROC normatif de 600M€*9% = 54M€
Sachant que ces 5 dernières années les immo corporels représentaient ~37% du CA, le capex 6% du CA et que la croissance organique était en moyenne de 4%, j’estime le capex de maintenance (pour maintenir la position de Guillin) à 6%-37%*4% = 4,5% du CA, soit 27M€ ici. De plus, le taux d’imposition se situe autour de 27% et le % de dépréciation en terme de CA, toujours ces 5 dernières années, est autour de 5% (décalage à cause du capex de croissance).
Cela ferait donc ROC*(1-27%)+Dépréciation-Capex de maintenance = 42,5M€ de cash qui rentrerait dans les caisses chaque année. Ou 47M€ si on prend une marge normative de 10%.
Etant donné la position de leader de Guillin actuellement, la VE devrait se payer autour de 12x le FCF = 530M€ si on prend un discount rate de 8%. Or la VE 2018 est autour des 300/350M€. On a donc une bonne décote sur l’equity dans ce scénario (70%+), et une belle option sur les marges et la croissance.
Pire des cas (-40% de downside et stagnation de la création de valeur sur 4 ans)
Je suis du même avis qu’oliv21 pour l’absence crédible de substituts et ça va engendrer des surcoûts dans toute la chaîne de valeur et donc les collectivités (par exemple dans mon école tous les stands du CROUS utilisaient massivement des barquettes en plastique). Peut-être que le gouvernement sera plus laxiste à ce moment là face à la réalité et autorisera par exemple le plastique recyclable (où Guillin est bien positionné). Bref, difficile de valoriser le scénario post-2020 mais je pense que dans le pire des cas on pourrait facilement amputer 30% du CA et beaucoup plus sur la profitabilité (car je comprends qu’elle vient, pour moitié, de France). Sans compter que l’entreprise passera sous son point mort pendant quelques années car elle ne pourra pas réduire instantanément les importants coûts fixes de son activité historique (usines, machines, personnel…).
Admettons que son CA soit de 450M€ et sa marge opérationnelle courante de 5% en 2022 (je considère 2020 et 2021 dans le rouge), le ROC ne serait plus que de 22,5M€ donc 16,5M€ après impôts. Sous les mêmes conditions de capex qu’aujourd’hui (pour faire simple), on aurait au mieux une génération de cash de 19M€. Si Guillin est obligé de se rediriger complètement vers les emballages alimentaire en carton, ils ne seront peut-être pas encore bien positionnés en 2022 donc la VE 2022 se paiera sûrement moins que 12x le FCF.
Grossièrement, si on a deux années bénéficiaires en 2019 et 2020 à ~40M€ de FCF chaque année (cf scénario précedent) puis du rouge en 2021 et 2022 (admettons -20M€ chaque année car Guillin a déjà montré une certaine capacité à anticiper et s’adapter) on aurait juste gagné 40M€ entre 2019 et 2022. Donc en payant la VE autour de 300M€ aujourd’hui, on paie 300-40=260M€ celle de 2022. Or on a justement dit avant que la VE 2022 serait au mieux 230M€ (12x FCF) et au pire quelque chose comme 150M€ (8x FCF).
En se ramenant à l’equity, le downside peut-être important et durable (-40% au prix actuel et sur 4 ans…) si Guillin est obligé de se reconvertir dans le carton ou si le plastique recyclé est moins rentable/moins gros en terme de marché. Je soulignerais aussi qu’en 2011, Guillin faisait le CA et les marges utilisés dans ce scénario, et la VE se payait 7,5x le FCF alors que les perspectives étaient bien meilleures (seul le prix des matières plastiques pesait sur le titre à l’époque).
Conclusion
En ne regardant que le passé, la société ne se paie pas cher du tout et si les perspectives ne sont pas aussi moroses que ce que la nouvelle réglementation laisse penser (possible car économiquement/pratiquement absurde), il y a clairement possibilité de faire x2 d’ici 2 ans. En revanche, si effectivement le gouvernement est intransigeant (et c’est ce que laisse penser la décision du conseil constitutionnel), je comprends pour l’instant que Guillin peut être très fortement impacté à cause de sa concentration sur le plastique et l’action est limite trop chère aujourd’hui… Pas évident d’être à l’aise avec le profil de risque ici…
La recherche scientifique s’intéresse de plus en plus aux migrations des particules de plastique dans l’eau et l’alimentation. Je comprends qu’il y a effectivement migration si la température dépasse un certain seuil, mais pas d’évidence encore en terme d’effet sur la santé (même si j’imagine que d’ici 30 ans on va encore se rendre compte que c’était cancérigène ou quelque chose du genre…). En revanche, environnementalement parlant, ça me semble évident d’interdire le plastique à usage unique (recyclable ou pas) car les gens en font n’importe quoi.
Dernière modification par Wift (08/11/2018 17h08)