Bonjour,
Igorgonzola, le 27/06/2023 a écrit :
Soit on retrouve de la croissance, soit tout le monde accepte de baisser son niveau de vie de son propre gré (bon courage), soit on abandonne la démocratie.
Si je simplifie, je dirais que les libéraux sont pour la 1ère option, les écologistes et socialistes sont pour la 2ème et les "élites" pour la 3ème.
Vous pouvez oublier la 1re option : la croissance ne se décrète pas. L’effet des politiques et des entreprises à cet égard est proche de 0 à moyen terme. Pour avoir de la croissance, il faut davantage de matières premières et d’énergie, et c’est une chose qui ne se produira pas avant plusieurs décennies, pas avant que l’on ne maîtrise la fusion nucléaire.
Ne pas compter sur l’IA ou le metavers pour faire de la croissance : avec moins de matières premières et d’énergie, il faut davantage d’humains pour produire de la nourriture, des vêtements et autres produits de base. Il en reste alors moins pour s’occuper d’IA et autres joujoux,, qui d’ailleurs ont besoin d’énormément d’énergie et de matériaux pour fonctionner.
Nous allons vivre dans un monde en contraction. Peut-être y aura-t-il de la croissance dans certains pays, certaines années, mais la probabilité d’en faire partie sera beaucoup plus faibles : si le gâteau diminue, difficile d’avoir un morceau de plus en plus gros à moins de tuer les autres convives…
Je reformule donc les 3 options à ma façon : soit on se réjouit de cette contraction économique, car cela permet de mieux croître en intelligence, bonheur, émerveillement, amour, beauté et poésie (option écologiste le jour où cette mouvance oubliera ses passions tristes) ; soit on essaie désespérément de lutter contre cette contraction (option libérale), et l’échec de cette lutte mène à la frustration et à la dictature ; soit on l’accepte mais avec tristesse, en considérant que c’est un effort et en mettant un tas de contraintes pour répartir "équitablement" cet effort : version de dictature plus soft voulue par certains écologauchistes.
GoodbyLenine, le 08/06/2023 a écrit :
et si les prix du foncier ne baissent pas (sous l’effet de sa rareté).
On risque plus d’assister à une nette diminution des volumes (c’est ce qui est déjà constaté…).
La "rareté" du foncier bâtii,, vraiment ?
Entre 1962 et 2021, la population en France métropolitaine est passée de 46,5 à 65,4 millions. Dans le même temps, le nombre de logements est passé de 16,4 à 36,2 millions. Autrement dit, il y a eu davantage de logements supplémentaires (près de 20 millions) que d’habitants supplémentaires (19 millions). Pour les seules résidences principales la hausse est de l’ordre de 16 millions.
État du patrimoine des logements d’après le recensement de 1962 et amélioration qualificative de ce patrimoine entre 1954 et 1962 - Persée
37,2 millions de logements en France au 1er janvier 2021 - Insee Focus - 254
Vu ces éléments, les discours sur la supposée pénurie de logements me font rigoler : à croire que ceux qui les tiennent souhaitent arriver à une situation où chacun vit seul dans son logement, et éventuellement en dispose encore d’un second pour ses vacances solitaires. Ceci est-il vraiment désirable ? Probablement pas, et je rejoins les conclusions de Flouzamax (message 830) quant à une baisse future de la demande.
à propos des résidences secondaires : sur 1962-2021, leur nombre a été multiplié par 4, et celui des logements vacants par 3. Et qui les détient, ces résidences secondaires ? les retraités (les 60+ dans la publication ci-dessous), pour deux tiers d’entre elles. Je peux comprendre qu’un actif parisien ait envie d’un pied-à-terre pour ses weekends, mais que le retraité continue ce genre d’aller-retour me semble quasi pathologique.
Deux résidences secondaires sur trois sont détenues par un ménage de 60 ans ou plus - Insee Première - 1871
Le nombre de mètres carrés habitables par personne n’a cessé de croître, comme la quantité de biens en tout genre, toujours grâce à la profusion d’énergie et de matières premières. Le foncier construit est pléthorique. Ce qui est appelé "rareté", c’est le niveau encore plus astronomique de la demande par rapport à la quantité stratosphérique de foncier bâti, matérialisant l’accumulation de patrimoine par des boomers qui veulent mourir avec le plus de superflu possible.
La demande pour du capital immobilier plutôt que financier a quelque chose de rationnel, étant donné que dans un monde en contraction, on attachera davantage de valeur à des biens concrets, durables dans le temps et difficilement remplaçables (exit la construction neuve quand les matériaux et l’énergie manque). Ceci dit, il y a 0 raison que le prix du m2 à Paris reste durablement supérieur à celui de la Bretagne, car les coûts de transport augmentant, les possibilités de ravitaillement diminuant, la situation des grandes villes ne sera guère enviable.
On finira aussi par comprendre que c’est agréable d’habiter dans des logements plus petits en joyeuse compagnie. Donc ce n’est pas certain que l’immobilier garde une valeur tellement supérieur à tout le reste dans un monde en contraction…
Range19, le 27/06/2023 a écrit :
Je regardais récemment les niveaux moyens des pensions de retraite par département… C’est entre 1200 et 1500 que ça se passe…
Vous n’indiquez pas la source de vos estimations. Elles sont à la fois fausses et incomplètes, car il convient de raisonner en termes de niveau de vie : revenu disponible rapporté à la taille du ménage. le niveau de vie médian des retraités est de 1850 €, légèrement supérieur à celui des actifs.
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr … C3%A9s.pdf
Et comme l’a écrit Kromoz0hm , cette appréciation ne tient pas encore compte du taux de propriétaires bien plus élevé chez les retraités : l’intégration d’un loyer fictif correspondant à ce que les propriétaires gagnent en absence de dépenses par rapport aux locataires mettrait le retraité médian plusieurs centaines d’euros au-dessus de l’actif médian.
C’est une chose qui devrait poser question aux boomers estimant bon de donner des leçons en disant qu’il n’y a qu’à travailler pour gagner sa vie : le fait est qu’on la gagne mieux en ne travaillant pas. Dans le même ordre d’idée, on peut se demander pourquoi les jeunes se cassent les pieds à travailler 25 ans pour rembourser un crédit, alors qu’il leur suffirait d’encaisser le RSA+APL+API et attendre patiemment que les boomers disparaissent pour récupérer bien assez de logements bradés…
à titre personnel, à 35 ans, je ne les envie pas, les retraités boomers, leurs grandes maisons vides à pelouses aseptisées où rien ne pousse et piscines où ne nagent que leurs petits-enfants quand les parents les envoie chez papi-mamie par facilité ; pas plus que leurs "voyages" organisés où ils ne découvrent que des personnes qui leur ressemblent et reviennent parfois sans même savoir quelle langue est parlée dans le pays qu’ils ont vu de leur bus et de leur hôtel.
Les retraités de 90 ans qui jardinent encore, mettent de côté le moindre sou de leur maigre retraite car ils ne savent pas quoi faire de mieux avec, eux par contre je les envie, j’aimerais avoir la même santé au même âge, et le même dédain des choses matérielles.
Je pense que c’est bien cela, la tare des boomers les différenciant des générations précédentes : le matérialisme, le manque d’esprit, la pauvreté intérieure. Ma génération n’est guère plus reluisante, ayant été éduquée par les boomers, mais je lui fait un tout petit peu plus confiance pour évoluer, car à cet âge il reste un peu plus de plasticité cérébrale.
olivier9275, le 27/06/2023 a écrit :
D’autres, moins courageux, sont restés au bas de l’échelle.
Bref, tout ça pour dire qu’à l’époque aussi, il fallait travailler dur pour réussir.
Mais à une époque où les 35 heures sont devenues le Graal pour beaucoup, où les 5 semaines de congés payés annuels ne suffisent pas, nécessitant d’y ajouter 2 ou 3 semaines de RTT, difficile de gravir ne serait-ce que le premier échelon.
Tout ça pour dire qu’aujourd’hui comme avant, si quelqu’un décide de vraiment travailler dur, il aura bien plus de chance de s’en sortir que quelqu’un qui cherche à en faire le minimum. Et je ne prétend pas que les gens seraient moins travailleurs aujourd’hui, je dis juste que pendant les Trente Glorieuses ou aujourd’hui, pour ceux qui démarrent au bas de l’échelle, il n’y a que l’huile de coude qui permet de s’en sortir.
Pure mythologie.
Si le revenu était proportionnel à l’huile de coude, cela ferait longtemps que le sans-papiers travaillant en plein cagnard sur des chantiers non sécurisés 11h par jour serait parmi les 0,1 % les plus riches.
Il n’y a que peu de différence de revenu entre une femme de ménage faisant le maximum et une femme de ménage se contentant du "minimum" d’efforts tolérés. Il y a 0 écart entre un fonctionnaire ou salarié en CDI travailleur et son collègue tir-au-flanc. La corrélation entre effort de compétence et promotion obtenue m’est souvent apparue négative : ce sont plutôt les plus prompts à se mettre en avant, les plus nuisibles et les moins travailleurs qui sont le mieux récompensés. Le type qui bosse et ne râle pas est juste un bon pigeon : puisqu’il n’embête personne, aucune raison de l’augmenter ou lui accorder de l’avancement (les quotas disponibles sont faibles, on les garde pour calmer les grincheux).
Je m’étais aussi amusé à comparer les carrières de mes camarades d’école : que je me réfère au primaire, au secondaire ou aux études supérieures, ce ne sont ni les plus doués ni les plus travailleurs qui sont aujourd’hui les mieux payés, mais les plus vaniteux (ceux qui savaient se mettre en avant).
Toutes ces notions de courage, de travail, d’effort, sont de belles histoires que l’on raconte aux enfants. Dans le monde construit par les boomers et leurs descendants, tout est question de chance, n’en déplaise à ceux qui s’estiment être parmi les gagnants et veulent s’en attribuer quelque vertu. De toute façon s’estimer gagnant est généralement de la fierté mal placée : il n’y a que des loosers, à part quelques dopés qui ont des km d’avance tandis que les autres s’enorgueillissent d’avoir 1 cm d’avance sur le voisin "méprisable et peu travailleur". Sur ce point de l’analyse du rapport entre classes sociales je suis assez d’accord avec Emmanuel Todd :
https://www.marianne.net/politique/emma … iplomes-en
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 26/08/1789 a écrit :
Art. 1. - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
Taper dans un ballon aurait donc une utilité commune 1000 fois plus grande qu’enseigner ? Raconter des âneries pour vendre des produits, une utilité commune 10 fois plus grande que nettoyer les quais du métro ? Spéculer sur les prix du blé, une utilité commune 100 fois plus grande que faire quelque chose à manger avec ce blé ? Aider les méritants auto-proclamés à optimiser leur fiscalité, une utilité commune 20 fois plus grande que réconforter des malades ? Réfléchir aux profits d’une grande entreprise (PDG), une utilité 1000 fois plus grande que réfléchir à l’avenir de la société (sociologue) ? etc.
Non, vraiment, cette histoire de mérite est une fable passée de mode. Elle a du sens sur un champ de bataille à armes égales, dans des champs de patates cultivé sans machines, dans un concours de maths sans calculatrice, etc (et encore faudrait-il définir pourquoi être bon en maths revêt davantage de mérite qu’être sympa avec autrui). La concurrence aujourd’hui se fait selon des règles absurdes, qui récompensent ceux qui contribuent le mieux à servir les prescripteurs de ces règles absurdes. Le commercial qui sait embobiner les clients pour vendre davantage de produits inutiles vaut mieux que le jardinier qui s’efforce de maintenir une bonne diversité de cultures et harmonie entre les espèces vivantes ; le mec en costume qui salit les toilettes entre 2 études marketing vaut davantage que la technicienne de surface qui les nettoie…
Mais le pire, c’est qu’il reste tellement de monde pour défendre ces notions surannées de mérite, d’effort, de courage. Ces mêmes boomers qui ont construit un monde 100 % matérialiste voudraient juger les autres selon des vertus morales. Pour se rassurer, se donner de la consistance face à l’abîme techno-financiaro-nihiliste dont on s’est peuplé l’esprit, on regarde de haut ceux qui dans ce vide n’ont pas tout à fait atteint le droit à autant de débauche. En appeler à des vertus morales pour expliquer la "réussite" dans un système profondément immoral est le comble de la servilité à ce système et de la dissonance cognitive.
Plutôt que de s’entêter vainement à trouver le moyen de se considérer plus gagnant que le voisin dans un système où tout le monde perd, pourquoi ne pas changer la définition de "gagner" ? Devenir financièrement rentier, OK, pourquoi pas, tant que c’est possible. Mais surtout devenir rentier de sa propre capacité à occuper sa vie intérieure, par de la contemplation, de la musique (que l’on produit soi-même, pas les horreurs les plus promues sur Spotify), du dessin ou n’importe quel autre art, et sa vie extérieure par des choses qui ne dépendent que de nous et de nos amis (jardinage ou marche et cueillette, rires partagés, collaboration désintéressée etc).
Fiorentino auquel il est fait référence dans les messages de la page précédente, suggérait dans une de ses newsletter que l’IA permettra de ne travailler que 15h par semaine : infarctus des adeptes de la méritocratie ?
https://app.placement.meilleurtaux.com/ … la-semaine
Dans une de ses émissions "c’est votre argent" il prédisait une société d’"intermittents du travail", de "services à la tâche". Jean-Marc Daniel de renchérir que "le travail va passer d’une relation salarié-employeur à une relation client-fournisseur, avec le droit de la concurrence qui remplacera le droit du travail", que "nous serons tous actionnaires de Microsoft, tous acteurs de la société du spectacle ; je vendrais à Microsoft les services que moi seul peut lui vendre". En gros, chacun deviendrait un intermittent des GAFAM leur vendant à l’occasion des services d’influence, de data personnelles, et, pour les meilleurs, de développement informatique. Tous deux concluent qu’il faudrait trouver un moyen de partager le profit, mais on ne sait comment, et je suppose que ce serait un genre de règne des algorithmes de contenu ciblé, de techno-addiction généralisée, de dictature numérique zombifiante avec Gates et Musk à sa tête.
https://www.bfmtv.com/economie/replay-e … 60851.html
Voilà donc le monde qui nous attendrait si ces économistes incapables de pensée disruptive, aussi programmés et prévisibles que des algorithmes d’IA, avaient raison. Je ne suis pas mécontent que la rareté de l’énergie et des matières premières, au moins pour quelques décennies, ne fasse s’effondrer leur château de cartes et engendrent des tâches plus concrètes. On verra alors qui sont les méritants et les courageux fasse à des problèmes de survie, qui ne tolèrent pas d’incompétence