corran a écrit :
A toutes fins utiles, je rappelle que la décote sur ANR avant la mise en faillite d’Intu devait approcher des 90%. Une bien belle "marge de sécurité", n’est-ce pas.
Constater une décote par rapport à un actif dont la valeur fluctue à la hausse comme à la baisse (et qui fait l’objet d’une ré-évaluation semestrielle / trimestrielle dans le cas des foncières), c’est effectivement constater un niveau d’écart par rapport à une référence qui n’est pas figée.
Il est assez périlleux d’en tirer quelque constat que ça soit ou d’en conclure à une inefficience du marché, d’autant plus que l’ARN n’est pas un indicateur obscur réservé aux initiés, mais plutôt l’information financière la plus largement communiquée auprès des investisseurs des foncières.
Je retiens de mon expérience personnelle que les décisions d’investissement basées sur ce type de constat (décote "évidente" sur actif) sont parmi les plus piégeuses :
- faux sentiment de sécurité du fait d’avoir abouti à cette démonstration
- énorme risque si la prise de position se fait en une fois et en haut de cycle (valorisation au plus haut + décote au plus bas = 2 bonnes raisons de ne jamais revoir son argent)
J’y ai laissé quelques plumes sur le dossier Renault (qui certes n’est pas une foncière, mais rentre dans la case de ces investissements basés sur des constats d’écarts de valorisation) : à 100€, Renault le constructeur automobile était théoriquement valorisée à quelques milliards d’euros (autour de 5Mds) lorsque l’on soustrayait la valeur (en bourse) de Nissan et la valeur (théorique) de RCI Banque. Ce qui n’a pas empêché d’aller toucher les 15€ par la suite, toutes ces valeurs étant, finalement, fluctuantes (et très fluctuantes dans le cas de constructeurs automobiles).
Concernant URW, voici ce qui me fait penser que le cours remontera à long terme :
- En 2019, le RN récurrent s’est élevé à 1,7Mds. En 2020, année COVID, le RN récurrent s’est élevé à 1Md. Je prends l’hypothèse que les RN récurrents des années à venir se situeront dans cette fourchette. Je suis conscient que cette hypothèse est peut-être risquée pour 2021 (baisse des taux d’occupation + renégociation des loyers ?), mais il me semble que le risque sur cette hypothèse s’éloigne avec le temps.
- La capitalisation se situe, de son côté, en-dessous des 8 milliards d’euros. En fonction de si l’on prend le haut ou le bas de la fourchette, cela veut dire que l’on vise un RN récurrent par action compris entre 12,5% et 21% de la valeur de l’action. Ce faisant, je met en regard une valorisation boursière (valorisation) et la capacité à percevoir des loyers et à générer des bénéfices (opérationnel), ce qui me semble plus sécurisé qu’une analyse qui compare une valorisation très fluctuante (capitalisation) à une autre valorisation, elle aussi fluctuante (valeur des actifs - dette), ou une analyse basée sur un taux de capitalisation dont une variation de 1% génère des impacts énormes.
- Si le cours de bourse permet d’acheter à prix cassé une foncière commerciale pour 8Mds d’euros, là où elle crachera de nouveau 1,7Mds d’euros en 2025 (hypothèse), alors pourquoi tout le monde ne se jette pas dessus ? Parce que l’on a un niveau de risque élevé au niveau du respect des convenants, entre la valeur de l’actif (qui fluctue, justement) et la valeur de la dette (qui, elle, est figée). C’est la beauté et le piège des foncières : c’est leveragé (donc ça booste la rentabilité + la valeur de l’action fluctue beaucoup plus fort que la valeur de l’actif), mais ça marche dans les deux sens.
Dans un environnement économique rétabli, je doute qu’une foncière de premier plan conserve un RN récurrent par action (donc correspondant à son activité opérationnelle) compris entre 12,5% et 21% de la valeur de l’action. Mais il faut qu’URW n’explose pas ses covenants pour cela.
Si URW traverse cette période (sans exploser les covenants et sans AK), alors la normalisation de cet indicateur devrait tirer la valorisation vers le haut, laissant à l’investisseur le choix de profiter de dividendes potentiellement copieux (dont les droits auront été acquis à prix relativement bas en période de doute) ou de matérialiser sa plus-value.
C’est le scénario sur lequel je mise personnellement, quand bien même l’annonce d’un reconfinement en France en 2021 pourrait faire perdre 20€ à l’action en une séance et aggraver le niveau de risque face à la dette évoqué ci-dessus.
levovitch1988 a écrit :
corran a écrit :
A toutes fins utiles, je rappelle que la décote sur ANR avant la mise en faillite d’Intu devait approcher des 90%. Une bien belle "marge de sécurité", n’est-ce pas.
Sur la base de quel taux de capitalisation hors droits calculent-ils l’ANR ? L’information ne saute pas aux yeux quand on la cherche et pourtant tout le sujet est la ! Il faut toujours se faire sa propre idée de la valeur pour challenger les valeurs que l’on obtient des analystes ou du management des foncières.
Loyers nets 2020 : 1 790 m
Taux de capi à la louche : 5%
Patrimoine brut : 35 800, arrondissons à 36 000 m
Dette nette 2020 : 25 000 m dixit Zonebourse
Patrimoine net : 11 000 m vs capitalisation boursière de 8 000 m
Il y a bien une décote entre la capitalisation et mon estimation rapide du patrimoine net suite à ce calcul rapide, mais les loyers 2021 pourraient continuer à décroître et le taux de capi pourrait augmenter à 5,5% pour pricer le risque et surtout le manque de visibilité sur la génération de loyers des actifs sous jacents. Il faudra surveiller le trend des loyers nets sur Q1 2021 et Q2 2021.
Quand je divise la dette nette par le patrimoine brut, le % est élevé (69%) et je comprends mieux pourquoi il n’y aura pas de dividendes pendant 2/3 ans. La société doit se désendetter. La voie royale serait de réussir à augmenter les loyers nets à iso périmètre (sans accroître le nombre d’actifs détenus) mais vu le contexte, pas facile.
Céder des actifs n’est pas une bonne ni une mauvaise nouvelle en soi. Tout dépend de l’analyse qu’on fait sur combien de cash cela rapporte (baisse de la dette nette) et combien de loyers nets cela enlève (baisse de la valeur du patrimoine brut). Seuls les chiffres diront si cela a été bien fait ou pas.
La valeur brute du patrimoine au 31/12/2020 est de 56,314 Mds. C’est la valeur nette (moins la dette) qui est aux environs des 30Mds.
A 36Mds de patrimoine pour 25Mds de dettes, on serait à 70% de LTV, soit 10% au-dessus de la limite des 60% (autrement dit, en faillite).
Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.
Dernière modification par R3dSqu4re (13/02/2021 10h32)