3 #1 10/02/2018 11h49
- okavongo
- Membre (2011)
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Reprise de messages de la file "encore un krach sur les marchés actions"
Scipion8 a écrit :
Quelques réflexions :
1) Le mandat d’une banque centrale c’est la stabilité des prix, pas les plus-values des actionnaires. Quand la Fed, la BoJ ou la BCE achètent des actifs, c’est pour empêcher une déflation (la pire situation du point de vue de la politique économique), pas pour faire gonfler les marchés boursiers (ça, c’est un effet secondaire, pas forcément voulu).
2) Quand une banque centrale achète des actifs, il s’agit en général d’actifs peu risqués. C’est notamment le cas pour la BCE, qui est contrainte par son statut dans les actifs qu’elle peut acheter. Le programme d’achats quantitatifs de la BCE repose en premier lieu sur des obligations souveraines, par exemple celles émises par l’Allemagne : croit-on sérieusement qu’il y a un risque de défaut, même à long terme, pour l’Allemagne ? Vraiment, il faut arrêter de penser qu’une banque centrale intervient sur les marchés obligataires pour sauver des émetteurs proches du défaut. Ce n’est absolument pas l’objet, et c’est généralement interdit par le mandat de la banque centrale : le QE vise à injecter de force de la liquidité dans le système quand la politique monétaire "conventionnelle" ne suffit plus (par exemple parce que le taux directeur a atteint son plancher).
3) Les banques centrales observent les corrections boursières avec une grande placidité - voire avec satisfaction lorsqu’elles surviennent après une longue période de surchauffe, comme c’est le cas pour la correction en cours. Outre la stabilité des prix, les banques centrales ont pour mandat de maintenir la stabilité financière. Ce qui met en péril la stabilité financière, ce n’est pas une correction boursière, même violente, c’est au contraire la prise de risques excessive, notamment quand elle concerne les banques. Une correction boursière réduit ce danger, et est donc généralement bienvenue tant que ses effets macroéconomiques et bancaires sont limités.
4) A priori la correction boursière en cours ne met en péril ni le financement des Etats, ni la solvabilité des banques, ni la bonne conjoncture économique. On ne voit pas de montée brutale des rendements obligataires souverains, des primes de risque (CDS) sur les banques, ni d’anticipation d’une récession - jusqu’à preuve du contraire. Il faut vraiment dédramatiser cette correction boursière - rien avec voir avec la crise carabinée de 2007-2012, qui mettait en danger le coeur du "système" = les Etats et les banques, étroitement liés.
5) Beaucoup de petits porteurs ont une asymétrie assez incroyable dans leurs réactions aux phases de surchauffe et aux phases de correction. Beaucoup trouvent tout à fait normal de faire sans effort des performances de +15%, +20%, +30%, par an, année après année, ou d’observer des PER moyens de 25-30 - totalement décalés par rapport aux moyennes de très long terme. Le marché boursier ne fait que refléter l’économie réelle : il est évident que tôt ou tard, de tels rythmes de croissance des marchés boursiers, maintenus sur longue période (c’est particulièrement net aux USA), sont insoutenables et rendent inévitables (et nécessaires !) des corrections brutales. Il est vraiment bizarre pour moi de se plaindre quand ça arrive et d’espérer que les banques centrales vont venir au secours du pauvre bourgeois ! (alors que ce n’est absolument pas leur mandat et qu’au contraire, elles se réjouissent de ces corrections)
Personnellement, je ne me réjouis pas de la quinzaine de k€ perdus sur mon portefeuille avec la correction en cours, mais je vois dans la correction une opportunité de renforcer mes valeurs préférées dans une perspective de (très) long terme, ce que je peux envisager avec beaucoup plus de sérénité avec un CAC à 5000 qu’à 5500.
Juillet a écrit :
1) Le mandat d’une banque centrale c’est la stabilité des prix, pas les plus-values des actionnaires. Quand la Fed, la BoJ ou la BCE achètent des actifs, c’est pour empêcher une déflation (la pire situation du point de vue de la politique économique), pas pour faire gonfler les marchés boursiers (ça, c’est un effet secondaire, pas forcément voulu).
2) Quand une banque centrale achète des actifs, il s’agit en général d’actifs peu risqués. C’est notamment le cas pour la BCE, qui est contrainte par son statut dans les actifs qu’elle peut acheter. Le programme d’achats quantitatifs de la BCE repose en premier lieu sur des obligations souveraines, par exemple celles émises par l’Allemagne : croit-on sérieusement qu’il y a un risque de défaut, même à long terme, pour l’Allemagne ? Vraiment, il faut arrêter de penser qu’une banque centrale intervient sur les marchés obligataires pour sauver des émetteurs proches du défaut. Ce n’est absolument pas l’objet, et c’est généralement interdit par le mandat de la banque centrale : le QE vise à injecter de force de la liquidité dans le système quand la politique monétaire "conventionnelle" ne suffit plus (par exemple parce que le taux directeur a atteint son plancher).Quelques réflexions sur ces deux points.
Le mandat de la BCE, c’est théoriquement de maintenir une inflation autour du taux jugé "optimal" de 2% environ. Selon les institutions, vous rencontrez d’autres impératifs, comme le plein emploi pour la FED.
Concrètement on a pu constater depuis 2008 que la BCE s’était largement écartée de son mandat originel. La BCE a un rôle de prêteur en dernier ressort pour tous les pays du sud de la zone euro en difficulté financière.
La qualité des actifs de contre partie auprès de la BCE a plusieurs fois été revu à la baisse. Cette dernière a ainsi fonctionné comme une "bad bank" à l’échelle de l’eurozone. Les rachats de dette souveraine sur le marché secondaire ont conduit la BCE a détenir de grosses proportions de dette souveraine italienne ou grecque, par exemple, donc des actifs extrêmement risqués.
La cible du programme de rachats d’actif n’est pas du tout l’Allemagne qui n’a aucun problème de refinancement. L’objectif était de faire baisser les taux souverains afin de permettre aux pays du sud de la zone de se refinancer. L’objectif a été largement atteint, mais reste conditionné à la poursuite du programme. Les taux devraient donc logiquement repartir à la hausse.
Les Banques centrales restent très attentives aux réactions de marché et au prix des actifs financiers, bien que cela ne figure pas explicitement dans leur mandat.
La BCE rachète des obligations corporate, cela ne fait pas partie de son mandat.
La BoJ est le plus gros détenteur d’ETF sur le Nikkei.
Il faut également noter l’effet secondaire des politiques de taux zéro qui ont permis aux grosses capitalisation de lancer des programmes de rachat d’action à bon compte qui ont gonflé les cours.
okavongo a écrit :
Scipion8 a écrit :
Quelques réflexions :
1) Le mandat d’une banque centrale c’est la stabilité des prix, pas les plus-values des actionnaires.
2) Quand une banque centrale achète des actifs, il s’agit en général d’actifs peu risqués.
3) Les banques centrales observent les corrections boursières avec une grande placidité - voire avec satisfaction lorsqu’elles surviennent après une longue période de surchauffe, comme c’est le cas pour la correction en cours.
4) A priori la correction boursière en cours ne met en péril ni le financement des Etats, ni la solvabilité des banques, ni la bonne conjoncture économique.Concernant vos 2 premiers points, il ne me semble pas s’appliquer à la BOJ et à la BNS.
Sources :
BNS Actions
BOJ Actionnaire
Voilà donc au moins 2 banques centrales qui ne devraient pas être si placides en cas de correction de grande ampleur (pt 3). Quand à leur solidité, je n’ai pas vraiment d’avis même si elles me semblent tout à fait capables d’encaisser des pertes sur les marchés actions.
De toute façon, l’histoire récente a montré que les banques centrales sont prêtes à tout ou presque pour sauver les meubles, donc il n’’y a aucune raison que l’on ne continue pas comme cela. Autant en 2007-2008 on pouvait se poser des questions sur le niveau et la nature des interventions des banques centrales, autant aujourd’hui on peut-être rassuré. Enfin, à court-moyen terme en tout cas…
J’ai quand même du mal à comprendre l’intervention des banques centrales sur les marchés actions. Cela ressemble à de la manipulation et ne me semble pas très sain. Visiblement ça n’empêche pas les corrections mais ça peut quand même avoir une influence sur leur timing ou les niveaux de valorisation.
Scipion8 a écrit :
@Juillet, Okavongo : (je serai didactique à dessein, même sur des points que vous connaissez déjà, pour d’autres lecteurs moins informés)
- Sur le Quantitative Easing :
Dans la zone euro, aux USA, au Japon, la politique monétaire "conventionnelle" consiste à influencer, par les opérations de la banque centrale conduites au taux directeur (ou près du taux directeur), les taux à court terme sur le marché monétaire. Cela a un impact sur les coûts de financement des banques, donc sur leurs conditions de prêts, donc sur l’économie réelle, donc sur la stabilité des prix (le mandat d’une banque centrale) : c’est la transmission de la politique monétaire.
Parfois la politique monétaire conventionnelle ne fonctionne plus : pour assurer la stabilité des prix (et pas pour autre choses), la banque centrale doit alors engager une politique monétaire non-conventionnelle, reposant notamment sur des achats d’actifs. La définition et l’objectif de ces achats d’actifs dépendent de la nature du problème :
- Si la politique monétaire conventionnelle ne fonctionne plus parce qu’il y a un problème dans la "chaîne" de transmission (par exemple un marché clef qui ne fonctionne pas), la banque centrale peut essayer d’intervenir pour "réparer" la transmission, par exemple en achetant des actifs sur le marché dysfonctionnel. C’était le cas pour le programme OMT de la BCE (Outright Monetary Transactions, sur le marché obligataire souverain), en 2012.
- Si la politique monétaire conventionnelle ne fonctionne plus parce que le taux directeur a atteint son plancher (zero lower bound) et donc ne peut plus être baissé, la banque centrale achète des actifs pour (i) faire baisser les rendements à long terme par un afflux massif (et "forcé") de liquidité et (ii) créer un effet d’éviction des investisseurs sur des marchés "peu risqués" (par exemple obligations souveraines), et les "pousser" sur des actifs plus risqués (par exemple actions). Outre leur mandat qui limite généralement leur prise de risque, c’est bien pour cela que les achats des banques centrales sont concentrés sur des actifs peu risqués : on ne veut surtout pas créer un effet d’éviction des investisseurs privés sur des marchés risqués, alors que la prise de risque de ces investisseurs est déjà jugée insuffisante dans un scénario de déflation réelle ou menaçante. Le QE, c’est cela : il s’agit d’une démarche strictement quantitative (comme le nom l’indique), qui consiste à injecter de façon forcée et rapide des montants importants de liquidité nouvelle, pour empêcher une déflation, ou en sortir.
- Sur l’extrême difficulté de sortir d’une déflation :
Les banques centrales sont très bien outillées pour faire face à une inflation trop élevée : si elles sont suffisamment crédibles, il leur suffit d’augmenter (par leur taux directeur) le prix de la liquidité et/ou d’en restreindre le montant en circulation (plus difficile) pour vaincre l’inflation. C’est pourquoi je considère les craintes d’un scénario inflationniste aux USA (a fortiori en Europe) exagérées.
En revanche, une déflation est extrêmement difficile à vaincre pour une banque centrale : il s’agit d’anticipations généralisées qu’un montant X de devise pourra permettre d’acheter plus demain qu’aujourd’hui. La conséquence de ces anticipations, quand elles sont généralisées, c’est une paralysie de l’investissement et de la consommation - en bref de l’économie réelle. Les banques centrales n’ont pas de recette miracle face à ce scénario, car il s’agit de vaincre une psychologie qui s’ancre chaque jour davantage parmi les agents économiques, parce qu’elle est largement auto-réalisatrice !
En gros, les 2 mesures que les banques centrales peuvent tenter dans un tel scénario sont (i) le QE (encore plus massif que quand la déflation est "simplement" menaçante) et (ii) les taux négatifs (mais qui sont potentiellement dangereux, car ils peuvent conduire à de la thésaurisation massive en dehors du système bancaire).
La Banque du Japon a mis en place ces 2 mesures : il leur a fallu 20 ans pour vaincre la déflation (et encore, pas sûr que ce soit définitif), 20 ans pendant lesquels la croissance a été atone.
La conclusion que les autres banques centrales (BCE et Fed notamment) ont tirée de cette expérience japonaise, c’est que quand la déflation menace, il ne faut surtout pas attendre qu’elle s’installe : il faut lancer le QE rapidement et de façon massive, pour éliminer les anticipations de déflation. De ce point de vue, le QE Fed et BCE a clairement été un succès.
[Pour l’anecdote, quand l’institution européenne a commencé à travailler sur le QE, on m’a envoyé 3 semaines au Japon pour un stage à la Banque du Japon, car ils ont 15-20 ans d’avance sur tous les autres dans la lutte anti-déflation, donc une expérience opérationnelle incomparable.]
- Sur le fait que les banques centrales qui font du QE achètent parfois des actifs "risqués" :
Evidemment, quand une banque centrale achète massivement des actifs sur un marché donné, elle crée des distorsions énormes : c’est évident, et les banques centrales en sont bien conscientes. Parfois, ces "distorsions" sont "voulues" (par exemple faire baisser les rendements obligataires souverains, qui servent de benchmarks pour les banques et l’économie toute entière). Parfois, elles ne le sont pas.
Quand elle définit un programme de QE, une banque centrale commence par estimer le montant de liquidité à injecter, par une approche macroéconomique = le montant total d’actifs à acheter. Ensuite, la banque centrale répartit ce volume cible d’achats au cours du temps (généralement, on essaie d’être régulier, avec un volume mensuel donné) et parmi les marchés "cibles".
Pour définir les volumes à acheter sur chaque marché cible, la banque centrale prend en compte : (i) la liquidité du marché, (ii) les distorsions que ses achats vont inévitablement créer, (iii) le lien entre le marché et l’économie réelle - par exemple via les "effets de richesse" : lorsque le prix d’un actif s’apprécie, les investisseurs dont le patrimoine s’étoffe vont avoir tendance à plus consommer et investir. S’agissant du marché actions, les effets de richesse sont beaucoup plus importants aux USA qu’en Europe, en raison de la plus grande popularité des marchés actions dans la population US.
La présence de la BoJ sur le marché actions japonais (notamment les REITs) ne s’explique absolument pas par la volonté de "manipuler" ce marché, mais parce que (i) tous les autres segments de marché (notamment les obligations souveraines) étaient "saturés" par les achats de la BOJ, alors que celle-ci devait continuer à acheter des actifs (= injecter de la liquidité) pour vaincre la déflation, et (ii) peut-être, la BOJ considère que les REITs ont des effets de richesse intéressants pour l’économie réelle japonaise.
Je continuerai plus tard sur les points restants de vos messages, mais vraiment il faut bien comprendre que les banques centrales, dont c’est le mandat, s’intéressent avant tout au prix de la liquidité, car c’est leur levier pour assurer la stabilité des prix. Toutes les banques centrales, animaux pépères et paresseux, préfèreraient tranquillement bouger leur taux directeur sans avoir à intervenir sur les marchés par des achats d’actifs, mais parfois c’est indispensable à l’accomplissement de leur mandat = la stabilité des prix.
Je remarque un paradoxe : d’un coté les BC n’aiment pas les périodes de surchauffe mais elles les alimentent directement en achetant pour certaines d’entre elles des actions…
« Quand une banque centrale achète (massivement) des actifs sur un marché donné, elle crée des distorsions (énormes) » (j’ai ajouté la parenthèses car pour l’actif qui m’intéresse ici, le marché actions, je ne sais pas si les interventions directes des BC sont énormes). J’ai écrit : « cela ressemble à de la manipulation ». Car si la volonté première de la banque centrale n’est pas de manipuler le marchés actions, elle est malgré tout consciente que ses achats vont avoir une influence et peuvent créer des distorsions. Si au départ, je visais les achats directs des BC sur les marchés actions, votre remarque sur un des objectifs du QE, « « pousser » les investisseurs due des actifs plus risqués (par exemple actions) » apporte un éclairage supplémentaire très instructif. Les marchés actions ne montent donc pas « à l’insu du plein gré » des BC même si je comprends que ce n’est pas, à priori, leur but premier.
Sur les « effets de richesse », si je comprends bien, les BC peuvent chercher à les créer pour leur influence positive dans l’économie réelle. Avec mes mots, cela donnerait : les BC cherchent à faire monter (manipulation ?) les marchés actions pour créer des effets de richesse favorables à l’économie réelle et donc à leur lutte contre la déflation.
Je n’écris pas qu’il y a un complot mondial et que la valorisation des marchés actions repose sur du vent, mais j’ai l’impression que les QE des banques centrales, et notamment les achats d’actions, ont des effets directs sur le niveau de valorisation des marchés.
Quelques chiffres : la BoJ détient pour 154 milliards de $ d’ETF sur des marché japonais valorisé à environ 3 000 milliards de $ (source ETF, source marchés). Un peu plus de 5% du marché ça paraît assez peu mais c’est le fait d’un acteur qui n’est pas « classique » voir légitime sur ces marchés et si je m’abuse ces actions ont été achetées par la « planche à billets ». Quelle influence ces 5% ont et auront sur le marché japonais ? Je ne sais pas.
Par rapport à tout ce que vous écrivez sur le rôle d’une banque centrale, que pensez de la politique de la BNS ? Je suis surpris de ses positions sur les marchés actions. Cela ne me semble pas répondre aux critères que vous énoncez. Effectivement, si j’en crois ce document du Nasdaq, la BNS possédait (au 31/12/2017) 2560 positions pour un montant de presque 89 milliards de $. Et de nombreuses positions comme Apple, Facebook ou par exemple les minières canadiennes me semblent n’avoir qu’une influence toute relative sur la déflation en Suisse. Cela ressemble plutôt à un fonds souverain, mais est-ce le rôle d’une banque centrale ?
Mots-clés : banque centrale, bns, boj, déflation, inflation, qe
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