Je ne connaissais pas l’existence de ce fil. Je publie ce que j’ai rédigé "in-extenso" même si Kohai a déjà defloré le sujet !
---
Leggett & Platt figure au portefeuille de quelques Investisseurs Heureux mais je ne crois pas que l’entreprise dispose d’un fil. Sans avoir la prétention d’analyser l’entreprise, ce qui n’est pas dans mes compétences actuelles, je dois pouvoir au moins la présenter et commenter son actualité.
Leggett & Platt – we make life more comfortable - est une entreprise américaine basée à Carthage (Missouri) dont les origines remontent à 1883. Elle est à l’origine un fabricant de sommiers en bois et acier ; Leggett apportant les premiers brevets et Platt le savoir-faire métallurgique. L’entreprise se diversifie par la suite lentement et progressivement : sommiers à ressorts, matelas, mousses, fauteuils, mobilier, etc. L’entreprise emploie aujourd’hui 20.000 personnes et dispose de 135 usines dans 18 pays, caractérisée par une intégration verticale forte de ses activités – l’entreprise dispose par exemple de ses propres fonderies métallurgiques, et, à l’autre bout, de ses propres circuits de vente.
Elle entre en Bourse en 1967, est membre du S&P500 depuis 1999 et depuis 2021 est un « dividend king » : 50 ans de dividendes versés et augmentés sans interruption. C’est certainement cet aspect remarquable qui la rend populaire parmi les investisseurs « dividendes » ; l’entreprise étant de surcroît très sensible aux cycles économiques, et, comme on peut s’y attendre, souffre de l’inflation et de l’appauvrissement des consommateurs associé, ou de la réduction de la commande publique. Les marges de l’entreprise sont par ailleurs, traditionnellement, assez faibles.
L’entreprise est structurée autour de trois filières :
Bedding products (46% CA 2022): ressorts, sommiers, mousses usuelles et spéciales, matelas, lits ajustables ou non, oreillers, etc. Mais aussi fils d’acier, machines industrielles ou à coudre, ressorts, tubes, etc.
Fournitures, flooring and textiles products (32% CA 2022) : mobiliers du quotidien et de travail, revêtements de surfaces, textiles techniques ou non-techniques, géotextiles. L’entreprise est très diversifiée, car elle produit les châssis de son mobilier, y compris les éléments mobiles, les mousses et composants, les textiles, assemble le tout. La partie textile est très diversifiée, des tapis dédiés à la réduction du bruit ambiant aux sols drainants ou aux bâches destinées à la rétention d’eau.
Specialized products (22% CA 2022): une catégorie plus fourre-tout, les produits étant plus ou moins liés aux activités traditionnelles de l’entreprise (textiles, mobilier et métallurgie). Les produits sont principalement destinés à l’aéronautique et à l’automobile : suspensions, chargeurs sans fil, câbles de contrôle et de commande, moteurs électriques, cylindres hydrauliques, structures tubulaires et fauteuils aviation, etc.
Résultats annuels 2023
Les résultats 2023 ont été publiés et, sans surprise, ils sont mauvais, bien qu’un peu moins mauvais qu’anticipé (« adjusted » EPS à 1,39 dollars contre 1,37, mais contre 2,27 en 2022).
Le revenu net 2023, s’élevant à 4,7 milliards de dollars, est en baisse de 7% en absolu mais de 10% en organique, du fait d’une baisse de 6% des volumes globaux de vente et de 4% des prix.
Les trois piliers sectoriels sont toutefois à distinguer : le plus important secteur, « literie », a vu ses ventes baisser de 17% (8% de perte de volume et 9% en baisse de prix). Le secteur « mobilier et textile » a vu ses ventes baisser de 13% en organique et 11% en absolu, surtout du fait des volumes, les prix restants peu ou prou stables. Le secteur « spécialités » a quant à lui augmenté ses ventes de 7% en organique, et de 14% en absolu, porté par le développement du secteur « cylindres hydrauliques ».
Specialized est désormais le secteur qui contribue le plus au CA, et Bedding, le moins !
Ces baisses de prix se reflètent sur le niveau de marge (opérationnelle) qui oscille depuis 2000 entre 14% et 5%. En 2023, la marge opérationnelle se situe autour de 7,5%.
L’entreprise demeure bénéficiaire, malgré ce contexte défavorable, avec un cash-flow opérationnel en hausse (497 millions) et un capex de 114 millions. Le free-cash-flow, 383 millions, couvre le dividende de 250 millions de dollars. Celui-ci a été augmenté de 2 cents trimestriellement, soit 8 cents à l’année, pour 2024, passant de 174cts à 182. Le rendement est actuellement a plus de 8% ! Le cours, autour de 20,5 dollars, n’avait pas été aussi bas depuis 2011. Depuis ses plus hauts, en mai 2021, le cours a dévissé de 63% - ce qui paraît disproportionné, l’entreprise demeurant rentable.
Perspectives 2024 et dividende
Pour 2024 les perspectives ne sont guère encourageantes, l’entreprise anticipant une contraction de l’activité de 2 à 8% en termes de ventes, totalisant entre 4,35 et 4,65 milliards de CA - les différentes branches se comportant peu ou prou de la même manière qu’en 2023 ;
- un EPS ajusté situé entre 0,95 et 1.25 dollars ;
- un cash-flow opérationnel entre 325 et 375 millions de dollars ;
- un CAPEX entre 100 et 120 millions de dollars ;
- et un dividende à 245 millions de dollars (!).
Un rapide calcul nous montre qu’un faible cash-flow opérationnel associé à un capex élevé ne permettra pas à l’entreprise de financer pleinement son dividende ; il faut toutefois remarquer que l’entreprise est, traditionnellement, assez conservatrice dans ses projections. Reste la dette et le cash pour financer le dividende ? L’entreprise est endettée, le levier s’élevant à approximativement 3,2 (dette nette/EBITDA), notamment depuis le rachat de l’entreprise Elite Comforts Solution en 2018 pour 1,25 milliards. La marge de manœuvre de l’entreprise est donc limitée, sans qu’on puisse la considérer acculée… Elle dispose par ailleurs d’un peu moins de 400 millions « en cash » à la fin 2023 – le plus haut niveau depuis 2020.
Plan de restructuration 2024-2025
- L’entreprise a annoncé, quelques jours avant les résultats, un plan de restructuration touchant principalement le secteur le plus pénalisé, Bedding products.
- D’un coût estimé entre 65 et 85 millions de dollars, et donnant ses pleins résultats en 2025, il est supposé réduire le CA d’environ 100 millions (d’à peu près 2% donc) mais d’augmenter l’EBIT de 40 à 50 millions (donc d’environ 8 à 10%). Le plan sera financé par des ventes immobilières – qui ne sont pas précisées, mais je suppose que ce sont des usines qui seront cédées ou/et fermées. Une quinzaine d’unités seraient concernées.
- La coupe du dividende n’est a aucun moment évoquée, bien au contraire. Le discours pourrait changer cette année si les ventes s’effritent plus que prévu.
Une digression
- Je considère que le dividende sera réduit tôt ou tard. Presque à 9% actuellement, il semble plus ou moins soutenable à court terme, mais pourra nécessiter de recourir à la dette ou à une réduction du CAPEX à moyen ou long terme, leviers qui ne semblent pas devoir être mobilisés dans un contexte délicat pour l’entreprise. La réduction des prix, la réduction des marges, ne peut pas se prolonger longtemps sans mettre l’entreprise dans une situation délicate. Le contexte inflationniste joue contre l’entreprise, et pour le moment, le dynamisme du secteur aéronautique ne compense pas les difficultés rencontrées par les autres secteurs.
- L’entreprise a connu des années plus difficiles - en 2009 par exemple, et elle a survécu. Elle pourrait ne pas sauver son statut de Dividend King, mais elle, au regard des conditions actuelles, survivra.
Peut-être de fait bientôt plutôt une entreprise « value » qu’une entreprise « à dividendes » ?