Bonjour à tous,
Nouveau ici, je me permets néanmoins de contribuer à votre questionnement puisque je me reconnais dans votre situation. Le plus simple est de vous résumer mon expérience. Je ferai prochainement une présentation de ce projet, mais cela me prendra du temps et je pense que vous apprécierez d’avoir mon retour d’expérience dès maintenant.
Je parle uniquement du point de vue opérationnel, étant non résident j’ai eu d’autres considérations d’un point de vu montage financier:
- Acquisition mi 2016 d’un ancien bâtiment artisanal pour le transformer en immeuble d’habitation de 6 appartements (une bonne affaire je pensais, 150k€ négocié 110k€) dans une ville moyenne du sud ouest (80k habitants)
- Déclaration d’ouverture de chantier 4ème trimestre 2017 et début des travaux immédiatement après.
- Abandon du chantier par le maître d’œuvre (SARL) en janvier 2018, qui a ensuite a été liquidé alors que le retrait de l’ancienne toiture venait d’être fait (désamiantage). C’était pourtant une entreprise de la place, mais qui a été cédée sans m’en informer (départ retraite du gérant/salarié). La reprise du chantier par un autre maître d’œuvre (archi DPLG) a nécessité 5 mois. Puis il a fallu faire de nouvelles études (négligées par le premier maître d’œuvre ont été faites), déposer un PC modificatif, convaincre l’Architecte des Bâtiments de France, ce qui m’a laissé un bâtiment découvert durant près de 30 mois.
- Défaillance entreprise générale de maçonnerie en janvier 2018 et abandon du chantier. J’ai découvert que l’avancement validé par maître d’œuvre était incorrect, surfacturé de 8k€ HT, que j’essaie toujours de récupérer. En liquidation. J’avais confiance au maître d’œuvre, d’autant plus que je n’étais pas sur place pour suivre l’avancement.
- Plainte du voisinage mi-2018: le bâtiment est mitoyen, et deux voisins se plaignent d’infiltrations chez eux. Le chantier a été abandonné une fois l’ancienne toiture (étanche) déposée. Une procédure judiciaire est en cours.
- Faillite de mon assurance Dommage Ouvrage qui me couvrait également en TRC (mars 2018). La plupart des assureurs en Dommage Ouvrage opérant en France le font en Libre Prestation de Service. J’avais évité celles basées à Gibraltar, j’avais choisi une enregistrée au Danemark. Le fond de garantie danois ne m’a rien donné. J’ai donc du souscrire une nouvelle assurance.
- Budget du chantier. Au départ, le maître d’œuvre avait estimé les travaux à 278k€ HT. Ça sera environ 640k€. J’ai sûrement été naïf de croire cette estimation initiale, mais il y a eu des reprises de fondations, des démolitions en plus, des renforts additionnels, considération de prix trop faibles (pour avoir le marché de maîtrise d’œuvre, il devait faire travailler des entreprises qu’il connait). Une partie du surcoût résulte aussi à une mise en œuvre plus qualitative. Les honoraires d’architecte augmentent dans la même proportion.
Sans compter les autres frais induits : Assurance Dommage-Ouvrage et Constructeur Non Réalisateur (de 1 à 2% du coût des travaux et honoraires techniques), Assurance TRC et RC MoA, Mission de contrôle technique (exigée par l’assurance en DO, qui coûte facilement 1% du coût des travaux), coordination SPS (en particulier en cas de désamiantage, travaux en hauteur, …), abonnements/consommation eau/électricité, taxes d’aménagement, frais d’huissier (PC et état des lieux des existants), frais financiers (dossier de prêt, …). Pour moi au total c’est environ 8% du coût des travaux.
- Covid: Les travaux ont repris en début d’année 2020 mais arrêtés par le Covid. Puis le charpentier n’était pas disponible. Fin des travaux prévue au premier trimestre 2021.
J’ai néanmoins eu de la chance dans cette situation, car j’avais une épargne importante qui m’a permis de préfinancer une part importante du projet. Si les travaux effectués fin 2017 avaient été fait sur financement (et sans réserves) en comptant uniquement sur la mise en exploitation du bien pour rembourses ces travaux, j’aurais dû payer des mensualités de prêt alors que le bâtiment était en péril et ne rapportait rien! Mon objectif est de couvrir les mensualités par les loyers, et que l’opération n’impacte pas mon niveau de vie.
Il m’est arrivé de douter de mon investissement en raison de ces nombreuses complications, mais j’ai su me remotiver et surtout j’ai pu avancer plus de 400k€. J’ai appris énormément et vous apprendrez, je vous le concède. Mais c’est une sacré aventure, que je ne répèterai pas de la même façon.
Dans tous les cas, vous êtes le maître d’ouvrage, le client final. Vous allez supporter tous les aléas et tous les risques. Il faut bien les identifier pour les maitriser. Vous serez seul.
Je dirai que les points suivants sont primordiaux:
- Bâtiment existant: outre l’excitation de refaire vivre un vieux bâtiment et de vouloir faire une affaire, il faut connaître précisément l’état du bien. En plus des diagnostics légaux, faites réaliser des études de structure et géotechniques coordonnées par votre archi/maître d’œuvre + bureau d’étude. Cela vous évitera de prendre un plomb de ce côté là (cela fait rapidement quelques dizaines de milliers d’euros de plus, sans compter le temps). Il est parfois plus facile de démolir pour reconstruire…
- TVA: Bien étudier le taux de TVA applicable. Le taux de TVA réduit ne s’applique que dans des conditions spécifiques. Si vous refaites toutes les cloisons, électricité, chauffage, plomberie, ça sera un bâtiment neuf, et donc soumis à un TVA normale.
- Savoir s’entourer de personnes de confiance, et toujours garder un œil critique sur le chantier.
Tout ça pour dire que ce n’est pas si facile que ça, mais si vous aimez les défis, évaluez bien les risques et les abordez de manière pragmatiques, cela pourrait en faire un beau projet. Il faut éviter d’avoir le regret d’être passé à côté d’un projet qu’on pensait très bon, ou se mettre (et sa famille) dans une situation financière difficile.
Si vous vous lancez, je vous suivrai avec plaisir.