J’ai récemment donné un coup de main à un ami pour une étude de cas sur Hermès International. Je ne mets que quelques éléments de synthèse.
Répartition du C.A.
Hermès International est spécialisé dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits de luxe.
Source : rapport annuel 2011
Le chiffre d’affaires est majoritairement porté par l’activité « historique », maroquinerie – sellerie et vêtements et accessoires.
On peut distinguer la répartition du C.A. selon le type de commercialisation :
• Vente en magasins sous l’enseigne Hermès (boutiques, corners) pour près de 85% du C.A.
• Vente en magasins spécialisés (parfums, horlogerie, arts de la table) pour près de 15% du C.A.
Historiquement, le chiffre d’affaires est réalisé en France et a fortiori en Europe (environ 40%). Mais l’activité se développe plus rapidement en Asie (Chine, Japon, Inde notamment). La part du chiffre d’affaires réalisé en Asie augmente, tandis que la part réalisé en Europe diminue.
Il y a quand même des disparités qui ne sont pas visibles sur ce seul graphique :
- Le marché est en très faible en croissance en Europe, voire en saturation au Japon.
- Cette quasi-saturation se retrouve dans une moindre mesure dans les grandes mégalopoles asiatiques (ex : Pékin, Shanghaï) où la progression semble plus marquée. Ce n’est pas le cas des plus petites agglomérations.
Source : rapport annuel 2011
Je me suis amusé à calculer un ratio du chiffre d’affaires d’Hermès, ramené à la population.
Sans tenir compte des cultures des différentes régions du monde (acceptabilité, reconnaissance des valeurs portées par les produits de luxe), cela donne une idée du développement actuel et potentiel :
- Asie Pacifique : 0,203 € de C.A. par habitant
- Japon : 3,779 € de C.A. par habitant
- France : 7,381 € de C.A. par habitant
- Europe : 0,844 € de C.A. par habitant
- Amériques : 0,491 € de C.A. par habitant
Source : Wikipedia (population), rapport annuel 2011 (CA et parts)
Note : on pourrait faire autrement en supposant que seuls les « 1% » les plus riches de chaque région sont clients d’Hermès… Ca ne change pas grand-chose au calcul (simplement *100).
En comparant les données les unes aux autres, on comprend la relative saturation des marchés Français et Japonais par rapport aux autres régions du monde.
RN & flux de trésorerie
Le RN et FCF sont en hausse très forte.
Au-delà de leur croissance, les flux de trésorerie montrent une intensité capitalistique modérée : les Cash Flow opérationnels sont relativement proches du résultat net d’Hermès (investissements initiaux immobilisés modérés, etc.) et les dépenses d’investissements restent mesurées (investissements pour maintenir l’activité et financer la croissance modérés).
Structure financière
Hermès n’est pas endettée : sa dette long terme est de 18 M€. Mais, la trésorerie disponible est supérieure au milliard d’euros. Donc la dette nette d’Hermès est nulle.
Le ratio de liquidité générale est supérieur à 2 : Hermès peut aisément tenir ses engagements vis-à-vis de ses créanciers.
Rentabilité
En moyennant les données sur plusieurs exercices comptables, la marge opérationnelle est autour de 27,5%.
La rentabilité des capitaux investis ressort à plus de 25% pour 2011, en augmentation par rapport aux années précédentes.
Valorisation
Sources : rapport annuel 2011
Je ne cherche pas ici à étudier ou comparer des ratios de valorisations (PER, EV/EBITDA, etc.). En fait, je voulais voir quel gap il y a entre la valeur d’Hermès sans sa croissance et sa capitalisation.
J’ai tenté trois évaluations : une valorisation de création d’une entreprise équivalente et deux valorisations de capacité bénéficiaire.
Pour la valorisation de création d’entreprise équivalente, je retiens :
Les actifs courants :
- La trésorerie et équivalents de trésorerie.
- Les créances clients, comptabilisés pour 95% de leur valeur de bilan. Hermès est une entreprise très intégrée, depuis la fabrication, jusqu’à la distribution. La marge de sécurité de 5% prise sur ce poste me semble raisonnable, puisque les clients finaux d’Hermès sont a priori solvables.
- Les stocks et encours, comptabilisés à 80% de leur valeur de bilan. L’évaluation est ici plus subjecte à variations, du fait des effets de mode (saisonnalité, nouvelles collections, etc.). Toutefois, vue la qualité des produits proposés par Hermès, il est probable que la décote liée à la saisonnalité ou les évolutions de la mode soit minime.
- Les autres actifs courants sont repris forfaitairement à 70%
Les actifs non courants :
- Les immobilisations corporelles correspondent à principalement à des constructions, installations techniques, matériels, outillages, agencement et mobiliers des magasins. Leur valeur brute est plus de 1 560 Mds€, leur valeur de bilan est à moins de 900 M€. Le poste est repris à sa valeur brute. En affinant, il y aurait certainement une décote sur les mobiliers des magasins, matériels et outillages, mais je les pense compensées par les constructions.
- Les immobilisations incorporelles sont laissées à leur valeur comptable. Il s’agit pour moitié de progiciels de gestion, pour moitié de brevets droits au bail. Globalement, ces actifs sont amortis à 50 % : leur valeur nette inscrite au bilan est égale à la moitié de leur valeur brute (coût d’acquisition).
Si les progiciels peuvent trouver un équivalent plus performant sur le marché, il est peu probable qu’un hypothétique concurrent bénéficie de droits au bail négociables à 50% de la valeur d’acquisition par Hermès.
Je laisse le poste immobilisations incorporelles est laissé à sa valeur de bilan, soit 100 M€. Pour les baux, c’est très conservateur, vu les emplacements privilégiés des boutiques Hermès.
- Les écarts d’acquisition qui portent sur Hermès Japon et Hermès Cuirs Précieux, laissé à 40 M€, vu le peu de réserves formulées par la direction sur ce poste et de l’amortissement déjà à plus de 50%.
Toutes les dettes sont déduites, qu’elles soient financières (Court terme, moyen terme et long terme) ou non (créances fournisseurs, autres passifs, provisions).
J’ajoute ce que j’apparente à la valeur de la marque Hermès. Dans le rapport annuel 2011, il est mentionné qu’elles représentent 5,2% du C.A. J’ai repris ce taux, sur les 5 derniers exercices ; j’obtiens 540 M€.
On obtient une valeur d’actif nette de 2,7 milliards d’euros, comparée à une capitalisation boursière de près d’environ 24 milliards d’euros. Il y a donc un facteur 9 entre la valeur donnée par le bilan et la capitalisation.
Je ne suis pas étonné, je ne m’attendais pas à ce que la capitalisation d’Hermès soit proche d’une valeur de ce genre. (Et encore moins d’une net-net).
En deuxième valorisation, j’ai cherché une estimation de valeur de capacité bénéficiaire d’Hermès.
C’est le rapport entre le résultat d’exploitation courant sans croissance (donc normalement retraité) et le coût moyen pondéré du capital.
Sans effectuer de retraitements, j’obtiens une valorisation proche 8 milliards d’euros. Il y a encore un facteur 3 avec la capitalisation.
Avec retraitement, je prends une marge opérationnelle moyenne de 27,5 % (5 derniers exercices).
J’y enlève une moyenne des éléments exceptionnels, j’ajoute 50% des charges commerciales et administratives (maintien de la marque & lutte contre la contrefaçon…).
J’ai pris un taux d’imposition tout juste inférieur à 33%, correspondant à Hermès.
Enfin, je termine avec les provisions pour le maintien de l’activité. Le poste reste marginal.
Après actualisation, je soustrais les dettes financières et j’ajoute la trésorerie excédentaire.
Au final, j’obtiens une VCB avec retraitements supérieure à la VCB sans retraitement, autour de 8 milliards d’euros.
Note : par action, j’obtiens 30 € pour les actifs et autour de 80 € pour la VCB. Je ne veux pas dire qu’Hermès ne vaut que cela. Je voulais simplement évaluer sa valeur, sans croissance.
Vu l’historique de croissance, je pense qu’un calcul de DCF donnerait un résultat bien différent !
AMF : je ne possède pas de titres et ne compte pas en acheter.