Pepsi France fait 1,3 Md€ de chiffre d’affaires. Pour le groupe PepsiCo le CA mondial est de 86,4 Md$ en 2022, soit environ 78,6 Md€ au cours de l’année dernière. La France représente donc dans les 1,6% du total seulement. Et encore, ce CA se répartit sur différentes chaines de supermarchés et d’autres circuits (restauration). L’impact d’un déréférencement chez Carrefour est donc minime, sauf si - bien sûr - d’autres distributeurs devaient suivre.
En principe les négociations entre fabricants et distributeurs se font chaque année en huis clos et sont toujours le terrain d’âpres batailles. Parfois ça peut prendre quelques semaines et parfois des mois jusqu’à trouver un compromis qui est satisfaisant pour les deux parties. La particularité 2024 en France, est que le gouvernement fait pression sur les deux parties pour mener à bien ces négociations dans les meilleurs délais en demandant à tous de se "retenir" au niveau des prix. Objectif = l’Etat veut montrer qu’il fait quelque chose pour le pouvoir d’achat des gens. Dans d’autres pays où l’inflation est particulièrement tenace (Allemagne, Royaume Uni) il y a aussi des pressions gouvernementales.
Comme d’autres l’ont dit avant moi, les distributeurs font beaucoup de pub en leur nom (pas seulement Carrefour, mais aussi Leclerc, Intermarché et d’autres) sur leurs actions pour lutter contre la vie chère. Déréférencer un grand acteur, devient donc non seulement un moyen de pression envers ce fabricant, mais aussi un moyen de dorer sa propre communication publicitaire.
Ce qu’il faut voir dans les négociations entre fabricants et distributeurs, c’est que la marge brute apparente (différence entre prix de vente consommateur et prix d’achat) n’est qu’un élément du puzzle. Dans les coulisses, la bataille se joue sur de nombreux facteurs: dans un supermarché tout se monnaye au prix fort. Référencement d’un produit, sélection des meilleures places dans le rayon, largeur accordée à une marque (facing), placements promotionnels en tête de gondole, participation financière pour les tracts publicitaires… Le fabricant est amené à faire une contribution sur de multiples facteurs. Sans compter la ristourne de fin d’année, basée sur l’atteinte de certains objectifs.
Ce que je veux dire par là, c’est que les négociations sont toujours difficiles et l’objet de compromis. Si après rude bataille, il n’y a pas de résultats satisfaisants, le déréférencement reste l’arme ultime. Mais en général, après l’orage (au plus tard quelques mois plus tard) les discussions reprennent et on finit généralement par s’arranger. Les fabricants ont besoin des distributeurs pour écouler leurs produits, mais les supermarchés ont aussi besoin des grandes marques pour offrir aux consommateurs le meilleur choix.
PepsiCo n’est pas le seul qui pose problème: tous les grands groupes (Procter, Unilever, Nestlé…) ont profité de l’inflation de leurs propres coûts pour augmenter copieusement leurs tarifs. Généralement plus fort que l’inflation. Il est donc vrai qu’ils profitent tous d’un effet d’aubaine. Mais il y a derrière ça aussi une autre logique: à savoir qu’en période d’inflation forte, les plus défavorisés souffrent de perte de pouvoir d’achat et achètent un peu moins de grandes marques et plus de produits génériques (premiers prix, marques de distributeurs). Les grands groupes affichent donc une érosion de leurs volumes vendus; les hausses de tarifs importantes leur permettent donc de lutter contre l’inflation, mais aussi de prendre de l’avance sur les pertes de part de marchés.
In fine, je ne m’inquiète pas trop pour PepsiCo (ni pour les autres grands noms). Ils finiront par sauver leur business, surtout si l’inflation continue de refluer.
Déontologie: je suis actionnaire de PepsiCo et autres grands groupes du même genre. Je suis aussi acheteur-négociateur dans la vraie vie pour une société de distribution. Mon avis est donc subjectif