Unibail: Bressler prend les pleins pouvoirs.
Élu président du conseil de surveillance, il entend définir la stratégie du groupe et changer le directoire. Léon Bressler, nouveau président du conseil de surveillance d’Unibail, a été élu avec 9 voix pour 3 abstentions.
Quelques jours après leur victoire éclatante lors de l’AG d’Unibail, les actionnaires activistes du géant des centres commerciaux, Léon Bressler et Xavier Niel, ont gagné vendredi un autre combat crucial au conseil de surveillance. Le premier, patron d’Unibail de 1992 à 2006, s’est fait élire président de cette instance, ce qui lui assure les pleins pouvoirs sur un groupe en difficulté.
Avec plus de 20 milliards d’euros de dette, Unibail a vu sa capitalisation boursière fondre depuis le rachat de Westfield, en 2017. Après un net rebond cette semaine, elle reste inférieure à 7 milliards d’euros.
Mardi, à l’assemblée générale, la direction a connu un double échec: d’une part, son projet d’augmentation de capital de 3,5 milliards d’euros n’a pas obtenu les deux tiers des voix exigés ; d’autre part, Léon Bressler et Xavier Niel, partis en campagne contre ce projet le 15 octobre avec 5% du capital, ont été largement élus au conseil de surveillance, comme leur acolyte Susana Gallardo. Ils ont appelé le directoire (Christophe Cuvillier, président, et Jaap Tonckens, directeur financier) à tirer les conséquences du vote. Mais aucun n’a démissionné.
Dans ce contexte, les trois nouveaux risquaient de se retrouver minoritaires face aux neuf autres membres du conseil de surveillance, qui ont toujours soutenu le directoire et son projet d’augmentation de capital. Conseillés par le banquier d’affaires Benoît d’Angelin et par Alain Minc, Léon Bressler et Xavier Niel ont tenté un coup de poker lors du conseil de surveillance de vendredi. Plutôt que de continuer les coups de boutoir contre le directoire, ils sont partis à l’assaut du conseil de surveillance. Dès le début de la réunion, ils ont fait savoir qu’ils souhaitaient la présidence du conseil.
Pour faire vaciller les autres membres, ils leur ont reproché d’être comptables de la stratégie désastreuse menée depuis l’acquisition de Westfield, laissant entendre que leur campagne de presse pourrait continuer s’ils ne leur cédaient pas. Le nouvel homme fort considère que le rôle du conseil de surveillance n’est pas de surveiller le directoire, mais de définir la stratégie que celui-ci doit mettre en oeuvre.
«Léon Bressler n’était pas dans une posture de négociation mais agressive avec le reste du conseil de surveillance, résume Philippe Collombel, membre de cette instance. Après le message de défiance des actionnaires, aucun membre ne voulait prendre le risque d’une guerre larvée au sein du conseil qui aurait duré des mois et nuit gravement au groupe.» Colin Dyer a démissionné de son poste de président ; Xavier Niel a proposé la candidature de Léon Bressler, élu avec 9 voix pour 3 abstentions.
À l’issue de la réunion, quatre membres du conseil, considérés comme les plus durs par le clan Bressler-Niel, ont démissionné: Jacques Stern, le vice-président, Philippe Collombel, Sophie Stabile et Jacqueline Tammenoms Bakker. «Il était de mon devoir de démissionner, confie Philippe Collombel, d’autant que je n’ai pas la même vision du rôle du conseil de surveillance que Léon Bressler. Un conseil de surveillance n’est pas un conseil d’administration.»
Le nouvel homme fort, qui a critiqué la «parodie de gouvernance» d’Unibail depuis un mois, considère que le rôle du conseil de surveillance n’est pas de surveiller le directoire, mais de définir la stratégie que celui-ci doit mettre en œuvre.
Après ces deux rounds, le troisième est gagné d’avance: un conseil de surveillance prévu en milieu de semaine devrait acter le départ des deux membres du directoire. «Il faudra trouver des conditions de sortie honorable, sans perdre de vue qu’ils ont contribué à 20 milliards d’euros de perte de valeur», confie un proche du dossier. Pour les remplacer, Léon Bressler aurait identifié en interne les dirigeants les mieux à même d’appliquer sa stratégie.
L’urgence est financière : Unibail doit renégocier 3 milliards d’euros de lignes de crédit. Cela semble difficile car S&P et Moody’s ont dégradé la note du groupe à la suite du refus de l’augmentation de capital, et le reconfinement pourrait peser sur ses performances en fin d’année. Léon Bressler mise sur l’abondance d’argent disponible, les taux bas et la résilience des grands centres commerciaux d’Unibail en Europe.