"Le moi travailleur n’a-t-il pas payé son tribut pour se payer ce luxe ?"
Je crois que l’un des problèmes est qu’il n’est pas possible, techniquement, de déterminer si un patrimoine est issu de votre travail ou d’autre chose. Du coup, on définit une fiscalité par rapport à la nature présente, pas son origine.
Justement, l’une des questions posées, et techniques, c’est la répartition de la fiscalité entre travail et patrimoine. Sur ce plan, les américains, pour donner un exemple, trouve plus normal de taxer le transfert du patrimoine que sa constitution (donc de taxer plus le patrimoine "tombé du ciel" que celui constitué à la force de son propre poignet). Cf les dons de Buffet et Gates, qui sont tout de même le résultat de ce mécanisme (le transfert vers des fondations caritatives remplace la taxation du patrimoine sans ce transfert) dont vous parlez par la suite. Par sûr que ces dons seraient aussi monumentaux si le choix était "donne ou garde" plutôt que "donne à la fondation ou donne à l’Etat".
Ici, l’IF est conçu / interprété comme un moyen de pousser les personnes disposant d’un patrimoine à le faire travailler, donc à générer de l’activité, même faiblement, plutôt que de le laisser "bêtement" dormir. Cela dit, c’est assez simple de générer assez de revenus pour assumer l’IF et la fiscalité normale de ces revenus.
"De quel droit voulez vous me dicter la façon dont je veux exercer la solidarité ?"
Du droit qui fonde une nation : la Loi. Lorsqu’une loi ne nous plait pas, on peut soit essayer de pousser le débat pour la changer (d’où le débat ici, bien qu’il serait plus intéressant qu’il soit global), soit on peut quitter le pays dont on n’apprécie plus la loi.
A nouveau je vais prendre exemple de la Suisse, mais bien que la couverture sociale soit, pour l’essentiel, plus libérale qu’en France, il existe une part non négligeable de solidarité qui permet, toujours selon notre vision, de faire fonctionner le pays correctement.
Pour mémoire, Bismarck, lorsqu’il a mis en place la couverture sociale en Allemagne, ne l’a pas fait au nom du principe de solidarité / aider les plus démunis, mais bien selon le principe "la paix sociale en dépend". En caricaturant un peu, "donner un minimum de pain aux affamés pour éviter qu’ils ne prennent les armes" était la base du raisonnement de Bismarck.
Le fait est, néanmoins, que l’ISF est perçu comme une punition contre le patrimoine, alors qu’il devrait être perçu comme une logique de prélèvement comme une autre (l’IF en Suisse ne démarre pas nécessairement avec des patrimoines énormes, d’où son rendement malgré un taux bien plus faible).
Peut être qu’un des gros soucis de la fiscalité francaise, c’est sa facilité à stigmatiser : la moitié des foyers payent l’IR (en Suisse, de mémoire, on est à 80% de contribuables assujettis, parfois pour des montants très faibles mais non nuls), l’ISF concentré sur une toute petite partie de la population (dans certains cantons suisses, l’IF est dû dès 10kEur de "patrimoine", comptes, meubles, véhicules inclus dans le patrimoine, bien sur, ce qui fait que dans ces cantons, on est aussi à des "volumes" de contribuables à l’IF important, le fait de posséder sa voiture pouvant suffire pour ête "contribuable à l’IF").
C’est peut être pour cela que la TVA est si appreciée en France, parce que comme elle touche tout le monde, personne ne la conteste vraiment.
"Et la CSG dans sa forme actuelle est une flat tax très imparfaite (taux différents, déductibilité…)"
Oui, tout à fait. Je dirais même que, techniquement, la France à un IR avec un taux flat minimal, représenté par la CSG. Pour moi, en ne choisissant pas entre les deux systèmes, elle cumule les défauts des deux.
Je comprends bien lorque vous dites que le débat n’existe pas, parce qu’il n’est pas visible et que peu de personnes se sentent concernées par ces questions. C’est peut être à nouveau le fait que les personnes qui ne payent pas l’IR ne se sentent pas concernées, ce qui élimine une bonne partie des électeurs.
"Ah voilà, on s’approche du coeur du sujet. On retrouve l’argument de GBL de la "cohésion sociale".
Perso, je ne parlerai pas de cohésion sociale, mais bien de nation tout court, ou de société tout court. Pour se réunir, il faut convenir de certains principes. Vous dites que ce n’est pas votre notion de communauté, mais je doute que vous refusiez en bloc l’existence de tribunaux, d’une police, d’une armée, etc, etc, etc
Par définition, la société exclut le chacun pour soi, et vice versa. La société n’existe qu’à partir du moment où l’on convient de mettre en commun certains principes.
Le curseur vous semble peut être trop en faveur d’une solidarité imposée, et je vous comprends globalement vivant les deux systèmes, mais cela reste le choix de la société, via la représentation nationale. Du coup, je reparaphrase un politicien, mais soit on accepte ces règles (tout en tentant de les faire changer, c’est le rôle du débat) soit on les refuse et on vote avec ses pieds.
"il y en a bien qui le font, mais leurs moyens ne sont pas les notres : Gates, Buffett"
Cf plus haut. Les dons de Gates et Buffet viennent remplacer la taxation de leur succession à venir. Il est loin d’être évident que, globalement, les dons "naturels" suffiraient.
Vous me direz que les classes moyennes participent beaucoup aux US, sauf qu’à nouveau, c’est par convention : pour faire partie de la communauté, il faut participer activement (et financièrement), c’est nécessaire pour travailler et ne pas être mis sur la touche. On ne donne pas à l’Etat avec un grand E, mais à pleins de micro-états : l’Etat proprement dit, la paroisse locale (ou l’équivalent dans votre religion ou de votre religion supposée, l’athéisme étant une tare dans certains coins), l’association bidule, … Au final, c’est assez proche, sauf qu’au lieu d’une règle explicite, on applique de l’implicite, avec des corollaires curieux comme des personnes qui "surcotisent" pour paraitre plus intéressantes (montrer qu’on a les moyens, ou qu’on est très impliqué pour se créer des relations, etc …)
Je n’ai pas de bonne solution ni de préférence. Mais j’ai cotoyé plusieurs systèmes différents, et au final, ca ne l’est pas autant qu’on le croit.