Bonjour
Je dois reconnaître que je suis assez surpris par le titre de cette file.
Et je me demande pourquoi, à la différence de la question posée, la question suivante « Est-il moral d’emprunter auprès d’une banque pour disposer immédiatement d’un bien alors que l’on n’a pas l’argent pour le payer » ne semble pas poser problème.
Et pourtant, c’est bien le cœur du problème.
Comme il semble que les mécanismes soient flous dans l’esprit de certains, je précise qu’il faut bien différencier les aspects réglementaire et financier.
Partons d’un exemple simple. Prenons une banque qui a un capital de 1000. Elle peut prêter 10 fois son capital, donc 10.000. C’est l’effet de levier. Pourquoi cela ? Parce que les banquiers se sont rendu compte depuis des siècles que tous les clients ne venaient pas tous en même temps retirer tout leur argent tant qu’il n’y avait pas panique. D’où le rôle des états et des banques centrales d’éviter la panique.
Mais pouvoir prêter 10 fois son capital, c’est réglementaire.
En fait, la banque n’a pas cet argent. Et pour prêter cette somme, elle doit l’emprunter. C’est le côté financier.
Et cela lui coûte cher. Les intérêts que nous payons couvrent les intérêts payés par la banque, ses frais de fonctionnement, le coût du risque (en cas de non remboursement), et le prix du temps (car vous allez avoir votre voiture immédiatement plutôt que dans 5 ans). Le prix du temps correspond à la véritable rémunération de la banque, car son véritable métier, c’est l’intermédiation financière, c’est-à-dire transformer des ressources court terme en crédit moyen et long terme.
Pour diminuer les intérêts qu’elle paye, la banque va essayer d’attirer des clients, car un compte ouvert, c’est de la liquidité fournie gratuitement à la banque (en tout cas dans les pays qui ne rémunèrent pas les dépôts). D’où l’importance des crédits immobiliers, qui certes rapportent peu en ce moment, mais lient le client à la banque durant de nombreuses années (on vous fait aussi des cadeaux si vous ouvrez un compte dans certaines banques).
Elle va aussi émettre des obligations pour avoir des ressources à plus long terme.
Il faut comprendre qu’à la différence des entreprises qui établissent leurs comptes tous les 3,6 mois ou à l’année, les banques tiennent une comptabilité quotidienne pour établir leur position, c’est-à-dire savoir si elles sont prêteuses ou emprunteuses au jour le jour sur le marché interbancaire. Elles s’échangent ainsi leurs liquidités. Et tout est basé sur la confiance, à un taux très bas (EONIA). Si cette confiance disparaît (comme avec Lehman Brothers), les autres banques ne prêtent plus et il ne reste que la banque centrale pour sauver le malade.
En vous accordant un crédit, la banque dépose sur un compte en ses livres le montant demandé. Ce sont donc bien les crédits qui font les dépôts, et pas l’inverse. C’est ça la création monétaire.
Le remboursement du crédit diminue la créance que la banque a sur vous. C’est le processus inverse, la destruction monétaire.
Si pour une raison ou une autre vous ne remboursez pas votre crédit, c’est une perte pour la banque, car elle doit toujours rembourser au système bancaire la partie du crédit non remboursée et qui court encore, qu’elle a empruntée. Elle récupère donc le bien financé pour le revendre et récupérer la totalité de sa créance. Mais si la vente du bien ne couvre pas l’intégralité de la dette restant due (ce qui arrive souvent lorsque la banque a prêté au sommet d’une bulle immobilière qui se dégonfle, comme en Espagne), c’est une perte pour la banque, qui s’impute sur sa marge, c’est-à-dire sur le prix du temps indiqué ci-dessus. D’où l’importance pour la banque de s’assurer que vous pourrez rembourser votre dette.
Mais revenons à notre banque. Ayant prêté les 10.000 que lui autorise la réglementation, elle est bloquée et ne peut accorder de nouveau crédits. Et ses profits sont donc limités ! Problème.
Et bien non ! Pourquoi ? Parce que les banquiers sont des gens futés, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué.
Ils vont donc regrouper des crédits de même nature (par exemple automobiles, hypothécaires, prêts étudiants, etc…), en faire des paquets de 1000 ou 5000 (ou plus), découper le paquet en tranches plus ou moins risquées (les plus risquées rapportent plus, mais on peut tout perdre), et céder ces packages dans une filiale ou les revendre à des investisseurs, caisses de retraite, etc…. Bref, ils sortent ces crédits de leur bilan. C’est la fameuse titrisation. Ainsi ils reconstituent leur capacité de prêt. Et de profit.
Mais le danger, c’est que les banques fassent un peu n’importe quoi, comme avec la crise des subprimes en 2007. Car si les emprunteurs ne remboursent pas, les détenteurs de ces packages perdent leur argent et font faillite. Et il y a un effet boule de neige.
C’est là qu’on en arrive aux « Quantitative Easing » des banques centrales. La BCE va donc accepter, à partir de mars, de reprendre aux banques jusqu’à 60 milliards d’euros par mois de créances (principalement des obligations d’états), et leur donner de la liquidité en échange. C’est de la titrisation. Sauf que la BCE regardera la qualité des créances qu’on lui repasse. C’est donc mieux encadré et plus sûr que ce qui a été fait entre 2000 et 2007 aux USA. Et pour pousser les banques à prêter à l’économie réelle et éviter que les banques replacent ces liquidités à la BCE, la BCE a instauré un taux d’intérêt négatif ! Espérons que cela fonctionne. Mais c’est loin d’être sûr.
Enfin, pour refermer le cercle. La BCE peut elle créer autant de liquidité qu’elle le veut, sans limites ? Et bien non.
En augmentant la liquidité, elle fait baisser la valeur de l’euro par rapport aux autres monnaies (€/$ = 1,40 $ en mai 2014, 1,14 $ aujourd’hui, soit -18,5 % en 8 mois). Mais en l’augmentant trop, elle risque l’effondrement de celle-ci, c’est-à-dire la panique dont on parlait au début (c’était l’un des problèmes de la Banque Nationale Suisse, non la panique, mais une baisse trop prononcée du CHF, d’où le décrochage CHF / €).
J’espère que c’est un peu plus clair pour ceux qui se posaient encore des questions. Je ne dis pas qu’avec ça, vous pourrez organiser des conférences rémunérées à Abu Dhabi comme … Ah, j’ai oublié son nom…, mais bon, dans un dîner …
Cordialement
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