Bibike a écrit :
Comment vous mesurez la phase du cycle dans laquelle nous sommes ? Comment vous déterminez un retournement du cycle ?
Je vous réponds sur le cycle économique général, pas spécifiquement sur le secteur automobile - mais les 2 sont fortement corrélés.
Il s’agit d’identifier des indicateurs avancés du cycle, car les marchés anticipent toujours, donc si on se contente des indicateurs évidents (souvent avec effet retard), comme la croissance du PIB ou le taux de chômage, on réagira trop tard en bourse.
- En général, les économistes utilisent des indicateurs avancés pour analyser le cycle, notamment des indicateurs de "sentiment" des entreprises : en Europe, les plus suivis sont les indices PMI (manufacturiers et non-manufacturiers), disponibles pour plusieurs pays, et en Allemagne (la "locomotive" de l’Europe), les indices IFO et ZEW. Aux USA, les indices ISM, Philadelphia Fed… (il y a des effets de modes : les indicateurs les plus suivis changent au fil du temps.)
- Perso, j’essaie de réfléchir de façon microéconomique en complément de ces indicateurs macros : le cycle se retourne quand les TRI des projets d’investissement des entreprises baissent : leurs investissements commencent à rapporter moins que prévu (moins de demande du consommateur), ce qui conduit les entreprises d’abord à réviser leur estimations de TRI, puis à abandonner certains projets, puis à réduire les budgets d’investissements, puis à ne plus embaucher voire à licencier, ce qui conduit à une baisse de la consommation etc. : c’est ça concrètement, le cycle économique.
Comment suivre ce cycle économique au niveau micro :
- Une méthode éprouvée consiste à regarder de très près les résultats des banques : les banques prêtent à une multitude d’entreprises avec des profits de risques variés, donc quand le cycle économique se retourne elles sont immédiatement impactées par des retards de paiement, voire des défauts sur leurs clients les plus vulnérables. Donc bien suivre l’évolution des créances en souffrance des banques est une bonne idée (cela dit, les bilans bancaires publiés ne sont pas toujours d’une transparence et d’une facilité d’interprétation parfaites).
- Une méthode perso expérimentale que je suis en train de mettre en place pour avoir la même information que les banques, sans attendre la publication de leurs résultats (et sans dépendre de leurs éventuels biais de communication) : le crowdlending : j’ai investi 2k€ en micro-crédit, sur des entreprises de profils et de secteurs variés (à raison de 20€ minimum par prêt, ça fait un échantillon représentatif de 100 prêts, sans doute insuffisant). Les entreprises qui recourent au crowdlending ont un profil intéressant car elles ont a priori un profil plutôt risqué (si elles avaient accès au crédit bancaire à des taux bas, elles le feraient). Donc mon hypothèse c’est que le taux de défaut sur mon portefeuille de crowdlending doit être assez sensible au cycle économique. Idéalement, j’espère monter à un échantillon plus représentatif de 500 prêts (10k€) pour obtenir un signal plus fiable et couvrir plus de secteurs économiques.
Donc un portefeuille de crowdlending de 5k€ ou 10k€ me servirait de "baromètre" pour guider éventuellement la gestion d’un portefeuille boursier beaucoup plus conséquent : si je vois le taux de défaut sur mon portefeuille de crowdlending décoller, j’abaisserai le beta de mon portefeuille boursier et/ou j’augmenterai la part de liquidités.
[Cela dit, on peut sans doute même éviter d’investir, et juste regarder les taux de défaut publiés par les différentes plateformes de crowdlending, ou certains fans de cette classe d’actifs.]
Cela dit, ça reste une idée expérimentale, dont on connaîtra la validité éventuelle à la prochaine récession ;-)