3 #1 24/07/2016 17h17
- wulfram
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Bonjour à tous,
Dans ma recherche de compréhension de l’étude de sociétés, et afin d’améliorer mon processus afin de gagner du temps (détection des signaux d’alarmes au plus tôt), je souhaitais partager mon étude du groupe 1000Mercis ; même si j’ai remarqué ces signaux avant d’aller au bout du processus, j’ai décidé de continuer pour le simple plaisir de le faire.
Ce qui m’a d’abord attiré dans cette société est la lecture de son programme de rachat d’action publié le 16/06/2016 : un prix maximum de rachat de 80€/actions, alors que la société ne côte qu’autour des 37€.5 en ce moment même. Le programme prévoit également une limite de rachat de 25M€, soit 20% de la capitalisation boursière en calculant à partir du nombre d’action diluées au 31/12/15 * cours actuel. 25M€ qui représentent également 75% du cash disponible (sous forme de SICAV, certificat de dépôt et compte-courant bancaire) En gros, un programme tout à fait réalisable sans affecter l’activité, sachant que les 9M restant couvrent très largement les investissements opérationnels des dernières années.
D’un rapide coup d’œil, j’ai donc vu là un catalyseur possible, et suis allé creuser plus avant. Le niveau de liquidité (couvrant le programme de rachat d’action, et le rendant plausible) est également impressionnant, puisqu’il représente plus d’un quart de la capitalisation boursière ; ces liquidités pouvaient également rembourser l’ensemble des dettes de la création de la société jusqu’à l’achat de son siège social en 2014. Au 31/12/2015, les liquidités couvraient 80% de l’ensemble des dettes et le CFO moyen des 5 dernières années permettrait de rembourser le reste en à peine plus d’un an.
Pouvant également affecter le nombre d’action en circulation, deux plans de distribution d’un total de 207 710 BSPCE ; l’exercice de l’ensemble de ce BSPCE représenteraient une augmentation du nombre d’action de 6.66%. (ça ne s’invente pas !) Leur détendeur (après 4 et 3 ans de détention) peuvent, pendant une durée de 3 ans, les transformer en actions. 127 800 à un prix de 43€ et 79 910 à 47€. Au cours actuel, on voit bien que les dirigeants et salariés qui en bénéficieront ont tout intérêt à mettre la main à la pâte afin que la société soit mieux valorisée. Aucune attribution ni exercice n’ont eu lieu pendant l’année 2015.
Mais plutôt que de vous présenter mes réflexions dans un ordre chronologique, commençons plutôt par quelques généralités !
Le groupe 1000Mercis a été créé en le 23 février 2000 par Yseulys Costes et Thibaut Munier. L’activité tourne autour de trois axes principaux : la publicité interactive, le marketing interactif et le marketing mobile, tous trois nécessitant de solides compétences dans le BigData. Le groupe gère également un site de liste de cadeau pour les mariages, mais le CA de cette activité ne représente qu’une partie infime de l’ensemble, même si la somme des dépôts a triplé entre 2014 et 2015.
Pour une société vivant du marketing sous diverses formes, je trouve leur site web très peu accueillant, et leur communication aux actionnaires pauvres : j’ai même du écrire au service actionnaire pour qu’ils mettent en ligne le rapport d’exercice 2015, un mois après la date de publication réglementaire. (mail sans réponse, mais document mis en ligne le lendemain…) Les seules lettres aux actionnaires que j’ai pu trouver datent de l’époque de l’introduction en bourse. Autant dire que nous sommes le cadet de leurs soucis !
Depuis février 2006, le groupe 1000MERCIS est coté en bourse. L’émission de nouvelles actions a permis de lever 5M€ de capitaux. Au 31/12/2015, les deux fondateurs possédaient 43% du capital et 60% des droits de vote. Je n’ai retrouvé que quatre documents officiels sur le site de l’AMF, les quatre concernant des ventes d’actions par les dirigeant : 79179 chacun en mai 2009 et 30000 chacun le 27 juin 2016, à un prix de 37.51€, ce qui représente pour chacun 0.9% du nombre d’actions diluées ou 2.1% de leurs actions propres.
Le FCP Amiral gestion détient plus de 10% des actions, le FCP stock picking France en détient plus de 5% et les salariés 1.6%. Ce qui laisse 40% de flottant.
Des programmes de rachat d’actions sont régulièrement mis en place, toujours avec un prix maximum largement supérieur au cours de bourse, et un montant total des opérations non négligeable en rapport à la capitalisation boursière. Pour autant, aucun de ces programmes n’a débouché sur des réductions de capital, excepté en 2009 : 10.54% des actions ont été détruites, pour un montant de 9M€. (achetées à un PRU de 24.67€) Il est intéressant de noter que la réduction de capital a eu lieu la même année que la vente d’actions par les dirigeants. Sans vouloir faire de plans sur la comète, et en sachant bien que ces deux actions ne sont pas liées du tout (et même contradictoires quant à la valorisation de l’entreprise) cela pourrait être le signe d’une réduction de capital cette année.
Afin d’assurer sa croissance, le groupe a procédé à des créations de filiales (Londres, Californie,…) et des acquisitions :
5 mai 2008 : 100% du capital d’Ocito (marketing mobile) pour 8M7€ dont 8M€ de goodwill.
2 juillet 2013 : 100% du capital de Matiro (RTB : affichage de publicité selon enchères en temps réel) pour 750k€ dont 790k€ de goodwill.
5 septembre 2014 : 20% du capital d’Albatross Global Solutions Ltd (société basée à Hong-Kong spécialisée dans la publicité pour le secteur du luxe) pour 4M5€ dont 3M8€ de goodwill.
L’ensemble de ces écarts d’acquisitions sont amorties sur 7 ans, l’achat Ocito est donc complètement amorti au 31/12/15.
Le 25 juillet 2014, le groupe a créé la SCI Chateaudun, dont elle détient l’ensemble des parts (15M€) afin de réaliser l’achat de l’immeuble situé au 28 rue de Chateaudun à Paris 9, immeuble acheté pour 35M€ ; l’ensemble des parts ont été nantis en garanti afin de réaliser l’emprunt de 25M contracté pour cet achat. Cet immeuble sera occupé par le groupe qui y a eu son siège social depuis sa création, mais également loué à d’autres sociétés. Cette acquisition peut être justifiée par la volonté de rester à la même adresse, tout en ayant la possibilité de s’agrandir.
Le terrain ne sera pas amorti, sa valeur est fixé à 50% du prix total.
Pour percer dans son secteur d’activité, le premier moteur étant à mes yeux les cerveaux, j’ai regardé l’évolution de quelques chiffres en rapports aux employés :
On voit bien que le nombre d’employé croit rapidement depuis 2005, leur capacité à générer du profit (CFO) est par contre en décroissance, à l’exception des années 2007/2008. Depuis 2011, un employé coûte plus au groupe que ce qu’il lui apporte en CFO. Le coût des salaires en rapport au CA a presque doublé entre la période 2005-2007 et 2013-2015 (respectivement 15.37% et 29.21%) A noter que les employés ne touchent que les deux tiers de ce qu’ils coûtent à l’entreprise, qui bénéficie d’aides en rapport à son activité de recherche.
Le premier poste de coûts est "autres achats et charges externes". Je n’ai pas pu trouver beaucoup de détails sur ce poste, sinon qu’il comprend des frais liés à des programmes avec des partenaires, des accès à des bases de données ; une partie (toute ?) des frais de R&D doivent être compris ici également ; on trouve quelques allusions à 10% du CA en R&D, mais sans détails dans les comptes. Le groupe a des partenariats de recherche avec des écoles réputées. (HEC, Paris Dauphine,…) On remarque bien l’augmentation de la part du poste en 2013 (lié achat de Matiro ?) puis de nouveau en 2015. (lié à la participation dans AGS ?)
Au fil des ans, la société à accumulé de la trésorerie, réduisant son retour sur actifs et equity. La création de la SCI Chateaudun ayant un impact non négligeable sur le ROA et ROIC, j’indique également les ratios après avoir retraité les comptes pour les avoir "hors SCI", et ainsi indiquer des valeurs plus pertinentes liées directement à l’activité. Pour cela, je considère que l’argent (10M€) utilisé pour l’achat serait resté dans le compte de trésorerie, comme ça a été le cas historiquement. On remarque aussitôt que la capacité à créer de la valeur n’est plus ce qu’elle était, à quelque niveau que ce soit des comptes.
Sur la même période, les niveaux de marge montrent également une inclinaison à la baisse. L’amortissement de la SCI participe pour environs 2.5% à la baisse de marge nette constatée entre 2014 et 2015. On peut observer une (très) légère amélioration de la rentabilité du business sur 2015, mais encore loin de celle de la première décennie du millénaire.
De 2006 à 2013, la durée de payement des clients s’est considérablement réduite, ainsi que celle des règlements aux fournisseurs. En 2014, si les fournisseurs ont encore été payés plus vite que l’année précédente, les clients ne font pas de même, ce qui a impacté le CFO. En 2015, ces chiffres semblent reprendre la tendance précédente. Compte tenu du montant de liquidités disponibles, cela ne devrait avoir qu’un léger impact sur l’activité du groupe tel qu’il est dirigé aujourd’hui à conditions que l’ensemble des dettes et créances soient réglées un jour ou l’autre.
On remarque que pour la première fois depuis 2007 le taux de créances douteuses est passé sous les 4%, après un pic proche des 9% en 2013. Sur les dix dernières années, la moyenne est de 4.82%. Aucun détail n’étant donné quand à ce poste, ni à propos du devenir de ces créances, il me semble difficile d’estimer la justesse des provisions effectuées. Un taux aussi élevé est à mes yeux une mauvaise chose : le travail de 1000Mercis est d’aider une autre société à améliorer ses ventes ; si celle-ci n’arrive pas à régler ses factures, c’est que le travail effectué n’a pas montré de retours assez importants.
Est venu le moment de la valorisation de l’entreprise !
On remarque que ce sont les premières années suivant l’introduction en bourse qui tirent la croissance vers le haut, et que la société traverse actuellement une mauvaise passe, ce qui vient rejoindre les observations précédentes. Pour ce qui est de la croissance des actifs, il est "normal" qu’elle s’émiette, et il est peu probable que cela change tant que la montagne de liquidité ne sera pas soit (intelligemment) investi, soit redistribuée aux actionnaires. C’est d’ailleurs cette possibilité qui me fait prendre en compte une croissance de 8% pour le calcul du DCF. On remarque que, malgré cette croissance optimiste compte-tenu des résultats des acquisitions précédentes ainsi qu’un discount rate pas si défensif que cela compte tenu des derniers mauvais résultats et du non-intérêt envers les actionnaires (à l’exception d’un dividende de 0.3€/actions, plus que largement couvert par les flux de trésorerie, versé depuis 2010), la société côte toujours au-dessus de son prix estimé.
La ligne PRIXMAX correspond au prix maximum selon les critères de Graham : ne pas payer un multiple PE*PB > 22.5
On remarque que la valeur s’est toujours échangé -à l’exception de 2008 et aujourd’hui- au moins 40% au-dessus de ce prix.
De là à dire que c’est une opportunité d’achat, et compte-tenu des autres informations, il y a un pas que je ne franchirais pas. Afin de pousser la démarche jusqu’au bout, je compte aller au 28 rue de Chateaudun quand je serais disponible en même temps qu’une personne de la société pouvant répondre à des questions que je me pose. En vrac :
- gestion de la SCI
- quel part des "autres produits" correspondent vraiment à la location de bureaux
- quelle est l’idée derrière cet investissement ainsi que la participation dans AGS
- d’où vient l’idée de conserver autant de cash, et est-elle toujours d’actualité compte-tenu des taux bas
- comprendre d’où vient l’augmentation des charges externes, si c’est lié à un projet à long terme ou à l’exploitation quotidienne
- essayer de comprendre si les sociétés rachetées ont été intégrées ou juste ajoutées au groupe
- j’en avais d’autres qui me sont passées par la tête en rédigeant tout ça, il va falloir que je prenne l’habitude de noter les questions au fur-à-mesure ! Si vous en avez, n’hésitez pas ! Ainsi que tout commentaire constructif (un point raté, un souci de fond ou de forme,…)
Cette petite présentation de l’entreprise n’est pas une incitation à l’achat, je ne suis pas actionnaire et ne compte pas le devenir avant d’être passé à leur siège et avoir rencontré l’un des dirigeants.
Message édité par l’équipe de modération (24/07/2016 23h00) :
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Mots-clés : 1000mercis, bigdata, smallcap
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