InvestisseurHeureux a écrit :
M07 a écrit :
On peut gloser longtemps sur le loto. Par exemple, un investisseur pourrait baser son raisonnement sur le "taux de redistribution", qui est de 53 % (pour 100 € dépensés/misés par les joueurs, 53 € sont redonnés sous forme de "gain"). Ce qui donne un coefficient de performance globale de 0,53. Pas terrible.
En fait, si on se base sur le taux de distribution, il est plus rationnel de jouer au casino (85% de taux de redistribution), et plus particulièrement à la roulette.
La roulette a un taux de redistribution de 97,3 % sur les numéros pleins, et c’est facile à calculer : on gagne 36 fois la mise, mais on gagne en moyenne une fois tous les 37 lancers (puisque 36 numéros + zéro). 36/37 = 97,3 %
Ce taux monte même à 36,5/37 = 98,6 %, si l’on joue les chances simple (pair ou impair, noir ou rouge, passe ou manque). En effet, quand le zéro sort, on touche la moitié de la mise, ce qui correspond à une demi-chance de plus sur 37.
Pour autant, comme le dit GBL, le problème est qu’on enchaîne les jeux. Supposons quelqu’un qui joue 2 € à un jeu FDJ une fois par semaine, ou bien va au casino une fois par mois et y passe la soirée devant la roulette, n’y jouant qu’un jeton de 2 euros à la fois. Dans une soirée, la roulette peut tourner 100 fois. Il mise donc 200 € par mois s’il va au casino, et 8 € par mois s’il joue au jeu FDJ.
Et encore, le comportement typique du joueur de roulette au casino consiste plutôt à placer plein de pions sur plein de cases, selon des "martingales" incompréhensibles et stupides. Donc, en général, il joue bien plus de 200 €, mais bien plus vite, que celui qui ne mettrait qu’un seul jeton à la fois.
Mais l’énorme avantage du loto est qu’il suscite l’espoir de changer de vie, espoir qui peut contribuer au bonheur, malgré l’absurdité rationnelle d’y jouer.
La roulette est formatrice à ce sujet-là. Je vous propose l’expérience suivante :
vous allez au casino et vous changez 500 € en jetons de 2 € à la table de la roulette. Vous faites des piles de 36 jetons.
Vous misez un jeton sur un numéro, toujours le même, et vous attendez qu’il sorte. Si vous gagnez, vous quittez immédiatement la table.
S’il se passe 36 tours sans que vous ayiez gagné, le casino vous "doit" désormais 36 jetons. Pour avoir un gain positif, vous devez donc parier 2 jetons, toujours sur le même numéro, et vous attendez qu’il sorte.
S’il se passe 18 tours sans que vous ayiez gagné, le casino vous "doit" désormais 72 jetons. Pour avoir un gain positif, vous devez donc parier 3 jetons, toujours sur le même numéro, et vous attendez qu’il sorte.
S’il se passe 9 tours etc.
Résultat de l’expérience :
- 1/37e, eh bien, ça ne sort pas beaucoup, pas souvent. Ca peut s’avérer très très long. Pourtant, 1/37e, c’est une probabilité élevée. Alors, les jeux de la FDJ avec une chance sur plusieurs millions de gagner le gros lot, autant dire qu’on a une chance très infime de gagner. Au casino, vous venez de passer une soirée à attendre le gain capricieux, en misant un total qui peut vite se chiffrer à 100 € ou 200 €, pour un gain relativement faible. Alors, imaginez si au lieu d’une chance de gagner de 1/37e, on a un sur plusieurs millions ? On risque d’attendre très très très longtemps. Donc, on achète de l’espoir, du rêve, plutôt qu’un gain réaliste.
- au final, on ne gagne pas grand chose avec cette martingale. Si par exemple, vous gagnez au bout de votre 50e tours, vous avez misé 36x1 +14x2 = 64 jetons. Le croupier vous donne 35x2 = 70 jetons. Vous récupérez vos 2 jetons de mise, ça fait 72. Vous partez sans même laisser un jeton au personnel (rapiat !). Et vous avez donc gagné 8 jetons, soit 16 euros, pour une soirée passée au casino. C’est bien mal payé.
- l’enjeu, lui, augmente au fur et mesure. Quand vous en êtes à poser 4 jetons à la fois, en vous disant "mais bon sang, quand est-ce qu’il va sortir ?", vous transpirez. Certes, vous êtes "sûr" d’être remboursé un jour, si vous avez assez de finances pour suivre (dans la limite de la mise maximum autorisée à cette table). Mais avez-vous les finances nécessaires ? Avez-vous la patience ? Avez-vous les nerfs nécessaires ? Et tout cela pour un gain de quelques euros seulement, car la plus grande partie du "gain" servira à rembourser tout ce que vous avez misé précédemment.
- autre approche, autre façon de raisonner : oubliez combien vous avez déjà joué. de la même façon que le joueur du loto ne demande pas au gain de rembourser ses mises passées, mais seulement de lui apporter un gros de fric d’un coup. Donc, à chaque lancer, considérons que vous êtes "vierge" : vous jouez 2 € en espérant gagner 36 fois la mise, soit 72 €. Quoi pas plus ? 72 €, ça ne va pas changer ma vie ! Si le gain est si faible, alors que le temps passé à l’attendre (correspondant au temps passé à ce que la probabilité de 1/37e veuille bien, enfin, se réaliser) est tout de même notable, ça montre bien à quel point, pour avoir des gains importants, qui changent la vie, il faut accepter une telle baisse de la probabilité de gagner que la chance de gagner devient infime.
- à chaque lancer, chaque numéro a 1/37e probabilité de sortir. Le raisonnement "ça fait 121 fois que le zéro n’est pas sorti, donc il va sortir bientôt, donc je mise sur le zéro" est totalement faux. Mais il existe dans le cerveau de tout le monde, même le plus rationnel d’entre nous, même s’il s’en défend. Si vous mettez en oeuvre l’expérience proposée ci-dessus, vous verrez que vous aurez forcément ce genre de pensée. Même un médaillé Fields, placé dans ce genre de situation, ne doit pas pouvoir s’empêcher que la pensée affleure son cerveau !
Parce que nous somme des humains et non pas des ordinateurs, et que nous avons donc une remarquable capacité à "croire", à "espérer". De la même façon que le chasseur-cueilleur se disait "ça fait longtemps que je n’ai rien attrapé, donc je vais forcément attraper quelque chose aujourd’hui". De la même façon que l’agriculteur se disait "ça fait longtemps qu’il n’a pas plu, donc il va pleuvoir bientôt, c’est certain".
Dernière modification par Bernard2K (29/07/2020 14h11)