5 #1 04/05/2022 20h59
- Jbpv
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Jusqu’à présent je postais mon point de vue sur Beneteau sur le fil consacré à Catana.
Je pense maintenant que Beneteau mérite un fil à lui tout seul.
Ce chantier a presque 140 ans d’âge et est sans doute un des plus anciens chantiers navals au monde à majorité familiale.
A - Historique familial
Les générations de Beneteau qui se sont succédées à la tête de ce chantier sont les suivantes:
1 - De 1884 à 1928 : Benjamin Beneteau (1859 / 1928), le fondateur, bateaux de pêche en bois
2 - De 1928 à 1964: André Beneteau, (1907 / 1964), le fils unique du fondateur qui reprend à 21 ans les rênes du chantier avant de décéder en 1964
3 - Depuis 1964:
Annette Roux-Beneteau, André Beneteau (même prénom que son père, l’architecte des pêche-promenades en polyester et des voiliers jusqu’aux "Evasion" et les vedettes "Antares") et Yvon Beneteau soit trois des cinq enfants, jusqu’au décès d’André et à la sortie d’Yvon de la holding familiale en 09/2018.
La quatrième et la cinquième génération des Beneteau, depuis la création de chantier n’ont jamais assumé la Direction Opérationnelle du Groupe depuis le retrait d’Annette Roux surnommée "la reine mère".
Du point de vue patrimonial, la situation est la suivante: André Beneteau (père, né en 1907) a eu cinq enfants:
- André Beneteau (15/09/1934 / 1999), l’architecte des premiers voiliers de plaisance, jusqu’au First 30, marié à Marie Renaud (12/09/1935 / -).
Ils ont eu deux enfants Michèle Beneteau épouse Violleu (18/05/1957 / -) et André-Patrick Beneteau (07/04/1959 / -).
- Annette Beneteau (04/08/1942 / -), épouse de Louis-Claude Roux décédé en 1994.
Ils ont eu deux enfants: Anne-Claude Roux (1976 / -) contrôleur de gestion à la holding familiale BERI21 et Louis-Claude Roux (15/06/1982 / -) Président du Directoire de la holding BERI 21 et Vice Président du CS ou du CA (selon la structure) de Beneteau
- Ginette Beneteau épouse Gourlay, ( 15/08/1946 / ?), mariée à Lionel Gourlay
- Yvon Beneteau (20/06/1950 / -), marié à EliZabeth Thaillard (10/09/1953 / -), quatre enfants Benjamin Beneteau (24/04/1979 / -), Jonathan, Simon et Emmanuelle
- Maryse Beneteau épouse Dupé, (09/05/1955 / -), mariée à Luc Dupé, censeur au CA de BEN, ils ont eu deux enfants: Dupé Aurélien (02/1980 / -), Dupé Estève (01/1981 / -), tous deux membres du CS de BERI 21.
La holding familiale BERI 21 regroupe les parts des membres de la famille Beneteau (45 millions de titres, 54,36% du K de BEN).
A noter une autre holding BERI 210 possède 3,13 millions de titres soit 3,78% du K de BEN.
Après le décès de son mari, Madame Annette ROUX et ses deux enfants ont apporté l’héritage (une grosse quincaillerie industrielle) à la structure familiale, ce qui a permis à sa branche de commencer à prendre l’ascendant sur les autres.
BPI France a pris en 2008 2,51% du K de BEN et un pourcentage non révélé de BERI 21.
Deux branches sur cinq des héritiers sont sorties de la holding familiale BERI 21:
- la branche Ginette Beneteau-Gourlay en 2002
- la branche Yvon Beneteau en 09/2018 dont les parts dans BERI 21 ont été rachetées en partie par la branche Annette Roux-Beneteau et en partie par BPI France.
Une cession de 20% en 2018 (25/09/2018 communiqué BPI France) pour un montant de 47M€, voir page 13 du rapport annuel 2018 de BPI France a bien été présenté par Mme Annette ROUX comme la sortie "d’une branche minoritaire" rachetée par BPI ET la branche majoritaire. Elle s’est accompagnée en 2019 de la nomination d’un représentant de BPI (Sébastien Moynot) au Conseil de Surveillance de BEN.
20% de BERI 21 correspond à 11% environ de BEN, donc l’investissement de 47M€ de la BPI peut correspondre à environ la moitié des 20% cédés, selon la valorisation (faible) de BEN à l’époque.
Le site "www.pappers.fr" compile les différents actes de la vie de BERI 21 et aide à bien tout comprendre.
Le 02/08/21 Challenges indiquait que "la famille fondatrice possédait un peu plus d’un tiers du Groupe au 1,1 milliard de CA pour une valeur qui était passée de 210M€ en 2020 à 410M€ en 2021", mais la distinction entre la famille d’Annette Roux et la famille Beneteau est à géométrie variable selon les années ….
Un peu plus d’un tiers peut correspondre à une détention de 60 à 70% de (BERI 21 =54,36% + BERI 210 =3,78%) de BEN et 210 puis 410M€ à l’évolution de la valorisation de BEN entre 2020 et 2021.
BPI détiendrait au moins 10% de la holding familiale BERI 21, soit de 5 à 10% (?) au total de BEN, en ajoutant sa détention de 2,51% en direct.
Le dernier INPI du 01/05/2022 précise les dirigeants du CS et du Directoire de BERI21, on y retrouve:
- la branche Annette Beneteau,
- la branche André Bénéteau (les 2 enfants Michèle et André-Patrick),
- la branche Maryse Beneteau (famille Dupé, les deux enfants Aurélien et Estève).
Le capital de BERI 21 est détenu à 60,68% par la branche Annette Roux usufruitière et ses deux enfants nue propriétaires, ce pourcentage recoupe bien la valorisation de Challenges.
une minorité d’environ 30% est, par différence, détenue par les deux autres branches de la famille et environ 10% par BPI France.
Le futur patrimonial de BEN est totalement entre les mains de Madame Annette Roux, 80 ans le 4 août 2022.
B - Historique industriel
1 - Le décollage des chantiers Beneteau a été la conversion de la construction en bois vers celle en polyester en 1964. Beneteau avait d’ailleurs été précédé dans cette mutation par les américains, en Vendée par les chantiers Jeanneau et Kirié dès 1959 et par Jouët en 1962 avec le Golif.
Le second élément a été la bonne facture des pêche promenades puis de la série des voiliers "Evasion" et des vedettes de pêche "Antarès" dessinés par André Beneteau l’architecte maison et frère d’Annette Beneteau, bien qu’à la même époque Jeanneau commercialisait déjà la série des Love love, Sangria, Poker et Folie Douce, des voiliers plus "modernes".
La France surfait alors sur la fin des 30 glorieuses et la plaisance décollait à la suite des succès en course de Tabarly.
2 - En 1976, l’excellent bateau de course "L’Impensable" de l’architecte naval André Mauric est devenu le First 30, premier voilier "sportif" commercialisé pour les plaisanciers et le recours à des professionnels extérieurs aux chantiers navals est alors devenu la norme pour le dessin des coques des voiliers mais aussi pour le design général (Stark, Pininfarina, chez Beneteau, par exemple)
3 - les années 80 seront des années contrastées avec le développement de voiliers dédiés aux sociétés naissantes de location, dont la série des "Idylle" ancètre des "Océanis" actuels.
Mais la création aux US d’une usine en Caroline a pris plus de temps que prévu et en 1987 les coques sont victimes d’une osmose très précoce due à la mauvaise qualité des produits d’un fournisseur.
4 - En 1995, un coup de maître a été le rachat à la barre du Tribunal de Commerce de La Roche-sur-Yon de l’éternel concurrent Jeanneau, de même taille, au bord de la faillite, à la barbe de Dufour et de son PDG Poncin (l’actuel actionnaire principal de Catana, le monde est petit) et de Zodiac.
A cette occasion Bruno Cathelinais, le Directeur financier de Beneteau, futur DG puis Président du Directoire a joué un rôle clé au côté de la famille Beneteau.
Beneteau devient alors le leader mondial des voiliers de plaisance.
5 - L’expansion s’est ensuite faite en partie par de bonnes décisions de rachat d’autres chantiers mais certaines ont été plus douteuses, comme celle de Wauquiez en France ou même plus récemment Rec Boat aux US, sans parler de Monte Carlo Yachts dont sa pédégère a été démise brutalement de ses fonctions en 2018, après la découverte d’importantes pertes…
6 - Au total le parcours industriel De Beneteau a été loin d’être un long fleuve tranquille.
Il a été le cadre de plus de réussites que d’échecs dans un marché de la plaisance très cyclique, jalonné de nombreuses crises (1996, 2008, 2020) et de la disparition de la plupart de ses différents acteurs durant les 30 dernières années (qui se souvient des Chassiron, des Edel, des Jouët, des Kirié, etc.. pour ne parler que de chantiers français, d’autres ne survivant que dans des marchés de niche comme Alubat ou Amel, etc…).
C - Historique managérial
Jusqu’au milieu des années 90, Annette Roux, secondée par ses deux frères André et Yvon et conseillée par son mari a dirigé le chantier.
Mais son mari décède en 1994, André en 1999 et Yvon s’est éloigné pour finalement quitter la holding familiale en 2018.
Le tournant a été pris en 1996 quand le Directeur Financier Bruno Cathelinais est nommé DG puis Président du Directoire en 2005 … avant d’être viré en 2015.
D’aucuns on dit qu’il prétendait "Devenir Calife à la place du Calife".
A ce cadre Sup de Co Nantes, succède un Essec, Sciences Po et ENA, Hervé Gastinel qui avait occupé la Direction de Terreal, filiale de Saint Gobain avant d’être remercié par le groupe des nouveaux investisseurs de cette société.
Las, il est viré quatre ans plus tard, en juin 2019, les résultats médiocres qui se profilent et l’affaire Monte Carlo Yachts n’étant sans doute pas étrangers à ce départ.
Lui succède Jérôme de Metz, un financier pragmatique et ami de longue date de la famille qui est la cheville ouvrière du redressement de Beneteau en 2021 et des probables excellents résultats à venir en 2022.
A noter que peu de temps après son arrivée, de Metz a viré le DAF de l’époque Gastinel, Christophe Caudrelier.
Le reste (retraite de Jérôme de Metz en juin prochain, nouvelle structure, etc…) est connu.
D - Conclusion personnelle
Aucun des héritiers de la quatrième génération (dont les enfants de madame Annette Roux qui peut à elle seule décider du sort de l’entreprise, usufruitière de plus de 60% de BERI 21 qui est actionnaire à 54% de Beneteau) n’a été en mesure ou n’a eu envie de reprendre la Direction Générale opérationnelle de cette entreprise.
Le parcours industriel a été mouvementé et Beneteau qui a failli couler plusieurs fois, a toujours surnagé avant de devenir un des leaders mondiaux du marché, encore en mutation, de la Plaisance.
Je pense que le nouvel épisode faste des années 2021 et 2022 offre une opportunité de vente de l’entreprise dans de bonnes conditions.
Les récentes annonces d’évolution de la gouvernance et l’attribution d’actions gratuites conditionnelles vont également dans ce sens:
La société avait racheté environ 1.248.000 actions en 2019 et 2020 autour du plus bas, 6 à 10€, elle a attribué 1.241.400 actions gratuites en 03/2021 aux cadres et dirigeants avec des CONDITIONS liées aux résultats 2022 ET A L’EVOLUTION DU COURS DE BOURSE par rapport à un panel de 6 autres concurrents, ce qui n’a jamais été fait dans le passé, pour le dernier point. Le calcul donnant le nombre définitif attribué sera effectué après la clôture des comptes 2022, soit le 15/03/2023.
Il a été attribué 226.000 gratuites à de Metz (qui va prendre sa retraite), 100.000 à Chapeleau qui part également à la retraite et 170.000 à Girotti (DG délégué, mandataire social donc on en connait le nombre, voir page 162 du rapport annuel 2021).
On ne connait pas l’attribution au nouveau DG délégué Thivoyon (qui n’est pas (encore) mandataire social).
Et le reste, c’est à dire environ 600.000 à d’autres membres du personnel.
Le nombre attribué à de Metz est exceptionnel, mais Comme la famille ne possède que 54% du K, il est plus économique pour elle de lui accorder des actions de BEN plutôt que des actions de la holding familiale BERI 21 (dont de Metz est cependant un modeste actionnaire et censeur).
Il est curieux de constater que ces attributions pour de Metz et Chapeleau ne sont pas liées à des conditions de présence à fin 2022, mais partir en retraite n’est pas être viré !
A noter cependant que si l’âge légal est 62 ans, les cadres BEN peuvent rester jusqu’à 65 ans dans l’entreprise (Metz aura 63 ans en 06/2022 et Chapeleau 65).
A noter aussi que la nouvelle structure: poste de Président et Poste de DG dissociés est mentionnée dans le rapport annuel 2021 et le salaire de l’ex nouveau Président Lyon-Caen (72 ans, l’ami de 30 ans de la famille) est également prévu (350.000€ / an, voir page 164), le rapport annuel et le communiqué concernant la nouvelle gouvernance se complètent parfaitement.
E - Une vente donc une OPA, à qui et à quel prix ?
A qui ?
Vaste question: les concurrents français Fountaine Pajot et Catana me semblent trop petits et insuffisamment structurés pour prétendre reprendre une telle entreprise.
A l’étranger, le groupe américain Brunswick, beaucoup plus gros et profitable que Beneteau aurait les moyens d’un tel rachat.
C’est un fournisseur de BEN (moteurs entre autres) et il est plus spécialisé dans le marché des bateaux à moteur (ses marques connues en France sont Bayliner, Cresliner, Boston Whaler, moteurs Mercury, …).
En France, une société comme Trigano pourrait être au moins intéressée par la division "Habitat de loisirs" de BEN (15% de l’ensemble de l’activité)
A quel prix ?
Le marché de la Plaisance reste cyclique, donc le PER à un instant T ne me semble pas un très bon indicateur.
Historiquement, dans les cinq dernières années, le PH a été de plus de 23€ en 01/2018 et le PB autour de 6€ au début de la crise du covid en 03/2020.
Les chiffres des années 2016/2017 et 2017/2018 ont été voisins:
CA de 1200 à 1290M€
EBITDA de 153M€
RN de 61M€
La valorisation boursière maximum de 1900M€ en 01/2018, soit 12,5 fois l’EBITDA et 31 fois le RN est pour moi suspecte: elle correspond à la période de sortie du fonds américain Franklin qui vendait après avoir acheté jusqu’à 15% du K de BEN, soit plus de 30% du flottant.
Les chiffres de 2021 sont:
CA de 1227M€ (donc stabilité par rapport aux deux années ci-dessus)
EBITDA de 182M€
RN de 73M€
La valorisation actuelle de 1000M€ (cours de 12,5€) soit 5,5 fois l’EBITDA et 13 fois le RN, sans parler d’une trésorerie nette de 222M€ au 31/12/2021 est clairement très basse, compte tenu également des perspectives 2022 réitérées par l’entreprise.
=> Le dossier est attractif, on peut viser au moins 16€ sans OPA et au moins 20€ en cas d’OPA.
Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.
Dernière modification par Jbpv (05/05/2022 10h45)
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