GBL,
vous avez bien raison de soulever ces points, qui sont des remarques intéressantes. Vos remarques sur CMO sont applicables à tous les autres agency REITs je pense.
(b) Notez que mon message initial "14% de rendement, garantie de l’Etatt US" est évidemment une boutade. Même si c’est factuellement correct c’est extrêmement trompeur. L’idée était justement d’illustrer ce point. La garantie de l’Etat ne peut être, et n’a jamais été remise en question. Au plus profond de la crise en 08/09 elle a fonctionné parfaitement bien. Qu’il s’agisse de la garantie directe dans le cas des GNMA ou indirecte pour FNMA/FHLMC au travers du mécanisme de "conservatorship". Mais les risques sont bien réels. Comme illustration, imaginez que vous preniez une position sur l’OAT 30 ans: vous en achetez pour 100k, avec une mise de 10k (empruntant 90k). Le risque de crédit, même grandi 10 fois, n’est pas vraiment un facteur, il reste extrêmement faible. En revanche si les taux longs montent de 1%, vous allez perdre à peu près 100% de votre capital.
Dans le cas des agency MBS les risques sont plus de 2nd degré (pentification, volatilité des taux, certains spreads) que dans mon exemple, mais ils sont présents. Notez que la plupart de ces risques peuvent être couverts: par exemple on peut acheter des futures sur Libor, ou sur la pente des taux, ou sur la volatilité des swaptions, tout cela sur le CME pour des montants accessibles à un particulier.
(a) La valeur ajoutée effective de l’entreprise est faible, au-delà du fait qu’elle aggrège des fonds importants, ce qui lui donne accès à ce marché (en privé c’est difficile), au marché des swaps pour les couvertures de taux, ainsi qu’à des conditions de financement attractives (coût de financement du style Libor + peanuts). Il y a un travail réel effectué pour choisir les titres, les traiter, prendre des couvertures etc, mais rien d’exceptionnel a priori. Ce n’est pas un hedge fund qui promettrait de battre le marché etc. Le rendement ne provient pas d’une gestion particulièrement éclairée en général, il provient de 3 sources fondamentales:
- Le spread entres les MBS et leurs coûts de couverture, incluant le coût des options. Sin on achète des MBS et qu’on couvre les coûts avec des swaps, des caps, des swaptions on peut en principe éliminer tous les risques, et il reste le "option-adjusted spread" dont la valeur est typiquement entre -50 et +150bps selon plusieurs facteurs. Le fait que cette valeur soit souvent positive découle de la complexité de ces produits, et du fait que malgré la taille énorme de ce marché, de nombreux acteurs importants n’y sont pas présents (ex: banques Européennes). Alors quand un REIT détient un MBS typique, ils ont un rendement "fondamental" de 50bps, x l’effet de levier (x8 en moyenne), donc 4% de rendement.
- Cependant les REITs en général ne couvrent pas le risque de volatilité, ils ne couvrent que la duration avec des swaps. Donc ils jouent en quelque sorte un rôle d’assureur: ils sount exposés à la volatilité future des taux d’intérêt. Mais historiquement les volatilités implicites ont toujours été plus élevées que les volatilités réalisées. Le coût de l’assurance a toujours été plus cher que la moyenne des risques réalisés. Donc ils "gagnent" cette différence. Cela contribue environ 4-8% de rendement, c’est très significatif.
- Enfin, et c’est l’un des aspects où la qualité de la gestion du REIT est importante, un REIT peut effectivement arbitrer la volatilité de son PB ratio. A la différence d’une société "classique", la valeur des actifs est parfaitement claire, est instantanément liquide et exerçable. Donc un REIT peut racheter ses actions / émettre des titres de manière opportuniste et ainsi réaliser un bénéfice immédiat, un pur arbitrage (au sens financier du term). Ce n’est pas évident à mesurer combien cette contribution représente, j’estime 2-5% mais c’est un peu au pif.
(c ) Le montage en soi n’est pas si complexe que cela ; les risques sont complexes (taux, volatilité, comportement de remboursement anticipés, marché des swaps etc), et à peu près tous bien au-delà des connaissances de l’investisseur typique dans ces produits (retraité en Floride). A mon sens, il est bien plus simple (pour moi) d’analyser un agency mREIT très précisément, plutôt que de valoriser Procter & Gamble. La toxicité potentielle provient de cette complexité, lorsqu’elle est incomprise : on peut se faire surprendre tout d’un coup. Par exemple, on se dit, le marché immobilier repart, super pour les REITs… Mais en fait ça augmente la capacité de refinancement de nombreux emprunteurs -> pas bon du tout -> mauvaise surprise quand le marché le réalise et se réveille.
(d / e) Les mREITs sont seulement des fonds à levier investis sur des produits très particuliers, on ne peut pas vraiment parler de "situation de l’entreprise". Ce sont les conditions macro qu’il faut regarder. En l’occurrence, c’est une conjonction de facteurs avec en particulier une pentification de la courbe taux très courts / taux 10 ans (les taux courts influençant le coût de financement).