CroissanceVerte, le 18/12/2019 a écrit :
Bonjour Zeboulon
Pour faire simple et rapide (si je le peux) : d’un patient à l’autre, un «cancer» attaquant un même organe peut être extrêmement divers en termes à la fois génomique (ADN, ARN), protéomique (expression de protéine ou immunologique (réponse de l’organisme aux cellules tumorales et réciproquement), mais aussi en fonction du micro-environnement de la tumeur (échanges avec les types cellulaires présents nativement dans l’organe concerné), de l’individu (métabolisme du patient et éventuelles autres pathologies) ou même de l’environnement dans lequel vit ce patient. Ces derniers facteurs sont abordés par la «phénomique» au sens large d’interactions entre les gènes et l’environnement. Ces interactions (et leur méconnaissance) expliquent sans doute beaucoup des échecs thérapeutiques.
Toutes ces diversités de nature et de structure, d’expressions et d’interactions sont trop complexes pour être abordées directement d’un point de vue analytique et l’on fait appel au « Big data » c’est à dire que l’on collecte le maximum de données concernant tout cet ensemble, et dans une population aussi grande que possible, en cherchant dans un second temps à y mettre en évidence des corrélations diverses.
Alors intervient l’ «Intelligence Artificielle», soit des algorithmes visant à structurer tout cela et à l’interpréter en termes utiles pour la médecine.
Les outils d’extraction de données génomiques, protéomiques, et maintenant immunologiques à partir de prélèvements de la tumeur ont connu un développement exponentiel avec la biologie moléculaire. Mais pendant longtemps, les seules données concernant le micro-environnement tissulaire de la tumeur provenaient des anatomo-pathologistes, les médecins qui avaient la charge de découper les prélèvement de biopsies (avant opération) ou les tumeurs (après résection) et de les étudier sous microscope avec leur Intelligence Naturelle basée sur le Big Data de leur Expérience. Ces informations, fort utiles, étaient relativement limitées, d’autant qu’ils se concentraient généralement sur les cellules tumorales seules et que les prélèvements perturbaient (détruisaient) l’environnement de ces dernières.
D’où le besoin de développer la phénomique locale de la tumeur (que l’on appelait il y a 30 ans quand nous avons initié ce champ de recherche la «sociologie cellulaire», ce qui me semble encore assez parlant) qui ne peut être abordée efficacement qu’en utilisant (mais pas exclusivement, bien sur) l’imagerie numérique tissulaire ou organique.
Ainsi vint Median Technologies qui, après quelques éparpillements, s’est concentré depuis deux ans sur deux axes :
* Un axe de R&D pour développer une plateforme d’imagerie phénomique « iBiopsy » qui ambitionne de se passer au maximum des prélèvement tissulaires (destructeurs pour le micro-environnement tissulaire mais parfois aussi douloureux voire dangereux pour le patient) en extrayant un maximum de données sur les cellules de la tumeur et celles qui l’entourent à partir des images médicales. Le principe étant d’affiner au maximum ces images et de corréler toutes ces données par les technique d’IA avec des données cellulaire d’histopathologie sur des biopsies, de façon à pouvoir se passer ensuite de ces dernières. Le but étant bien sur à la fois de définir le type de traitement à utiliser de la façon la plus individualisée possible mais aussi de suivre précisément en temps réel l’effet de ce traitement. Ce projet, qui semble déjà bien avancé, (après plusieurs années passées à recueillir des volumes massifs de données d’imagerie, mais aussi des tumeurs entières après chirurgie, pour entraîner les algorithmes) bénéficierait avantageusement d’un prêt de 35 M€ demandé à la BEI et dont la réponse devrait intervenir dans les jours qui viennent.
* Un axe de services aux entreprises de Pharmacologie et Biotechnologie : iCRO (imaging Contract Research Organization), pour lequelle Median agit comme une société de recherche clinique sous contrat et gère tout ce qui concerne les flux d’imagerie dans les essais cliniques.
Le développement d’une molécule thérapeutique (ou d’un traitement en général) culmine en effet dans des essais clinique, dont la dernière phase (III) est l’administration à des patients tests. Ces essais cliniques sont très lourds à organiser et font appel à de plus en plus de données de contrôle. De plus ils échouent souvent à la phase III, ce qui est destructeur pour l’entreprise, parce que ce qui marchait sur des cellules tumorales isolées ne fonctionne plus dans le micro-environnement tissulaire …
Pour organiser ces protocoles et en optimiser les résultats, on fait de plus en plus appel à des CRO (Contract Research Organization), Sociétés de Recherche Contractuelles. Et parmi celles-ci on a constaté depuis quelques années, particulièrement aux Etats Unis, l’émergence d’entreprises technologiques spécialisées dans le traitement de données médicales par intelligence artificielle comme Tempus, Concerto HealthAI, Adaptive Biotechnology, Bioclinica, Foundation Medicine, ou Flatiron Health, ces deux dernières racheté en 2018 par le groupe Roche pour 4 milliards de dollars et quelques.
La concurrence entre ces CRO dernière génération passe par les types de données employées (la plupart sont orientées génomiques en priorité). De ce point de vue, Médian Technologie avec son approche spécifiquement imagerie est complémentaire d’autres approches et se positionnerait comme un intervenant parmi d’autres. Mais les CRO veulent généralement toutes les parts du gâteau et se contente souvent d’une imagerie de base mais développée en interne. Mais surtout la concurrence fait rage dans la constitution des bases de données servant à entrainer les algorithmes, et tous les services médicaux aux USA sont courtisés par les CRO pour obtenir les dossiers (anonymes) complets des patients contre monnaie sonnante et trébuchante. Et ces entreprises sont toutes valorisées quelques milliards de dollars…
Dans cette mer de requin, Median Technologie a du battre en retraite, et s’est intelligemment tourné vers la Chine, où les grands laboratoires n’ont pas encore de CRO attitré et sont friands de technologie innovante. Il aurait ainsi signé des contrats avec "quatre des cinq plus grands laboratoires chinois" pour s’occuper des flux d’imagerie dans "plusieurs essais cliniques de phase III" en immuno-oncologie. Il a également pu profiter du support d’un de ses principaux investisseurs, le chinois Furui Medical Science, pour trouver de nouveaux clients. Il entend à présent "consolider" ses équipes déjà présentes à Shanghai et Hong Kong. Cette activité devrait être rentable sous peu puis, qui sait, lui permettre de jouer dans la même cour que ses concurrents !
Pour résumer (je ne sais décidément pas faire court !) Median Technologie me semble avoir une certaine avance dans son domaine de niche que constitue l’imagerie appliquée aux essais cliniques (aidé par son environnement de Sophia ou l’on trouve l’un des meilleurs centre mondiaux de recherche en Imagerie et Intelligence Artificielle à l’INRIA). Si en plus «iBiopsy» se révèle efficace à terme…
J’espère seulement que ces informations répondent à vos interrogations ?