J’ai fait l’AG de Vicat le 12 avril 2024.
Voici mes notes (et je crois que c’est du lourd :-) , en 2 parties : présentation de la société, puis focus sur 2023 et les perspectives 2024 et après.
Développement de la société Vicat :
1817 : Louis Vicat invente le ciment artificiel.
1853 : création de la société Vicat par Joseph Vicat, fils de Louis Vicat, qui commence l’industrialisation de la fabrication du ciment dans la région de Grenoble avec la construction de l’usine de Genevrey, première cimenterie du Groupe.
Depuis, le groupe s’est développé selon 3 axes principaux :
1. Le ciment artificiel – Axe principal du Groupe
2. Intégration en aval avec les granulats
3. Intégration en aval avec le Béton Prêt à Emploi - BPE
=> Actuellement le Groupe fait 90% de son CA avec ces 3 axes.
On a un 4ème axe, mais qui pèse peu et est moins rentable : ce sont des services complémentaires que l’on propose aux clients (transport, sacs en papier, etc.).
Pendant 100 ans le Groupe a consolidé le secteur en France, on est maintenant présent dans 12 pays.
Le capital :
Depuis 170 ans, il est toujours détenu par la famille Vicat Merceron avec > 60% du capital (voir rectangle rouge ci-dessous), et avec des membres de la famille à l’opérationnel – dont M. Guy Sidos qui est le PDG. Et la 8ème génération arrive pour la suite.
Caractéristiques de nos marchés et notre stratégie de développement :
Nos matériaux sont très lourds, avec des coûts de transports élevés, ainsi nos marchés sont locaux.
Notre stratégie d’expansion repose sur un modèle multirégional : on recherche une cimenterie qui a déjà une position forte, on la rachète, et autour on procède à une intégration verticale avec les granulats et le BPE pour élargir le nombre de clients et les fidéliser. On déploie ce modèle dans le monde entier avec une diversification géographique, via du M&A sélectif. On a des outils industriels à forts CAPEX, mais comme on génère de forts cash flows, on n’a pas besoin d’augmentations de capital pour grandir.
Nos 4 métiers :
1. Le ciment :
on s’est développé à partir du ciment qui est notre cœur d’activité. Le ciment est un liant qui entre dans la composition du béton. Mélangé à de l’eau, des granulats et des adjuvants, cela forme le béton qui se solidifie en séchant.
Puis on intègre en vertical
2. Les granulats :
sable et graviers naturels, utilisés pour les bétons, routes, etc. Cette activité apporte ainsi à nos clients une réponse complémentaire au ciment, et nous sécurise les ressources de granulats nécessaires au développement de notre Béton Prêt à l’Emploi (BPE).
3. Le béton prêt à emploi (BPE) :
L’objectif est ici de renforcer notre fonds de commerce cimentier. On constitue un maillage autour des cimenteries et à proximité des marchés de consommation, soit par la création d’installations industrielles, soit par l’acquisition de certains acteurs. Le succès du BPE dans le monde repose sur sa qualité qui est très largement supérieure à celle des bétons réalisés à la main ou dans une bétonnière. Le BPE est mélangé dans une centrale de façon précise, assemblé de façon ordonnée pour délivrer cette qualité.
Et on propose d’autres services annexes à nos clients :
4. D’autres services
(transports, préfabrication, sacs en papier etc.)
Dans nos présentations, on regroupe BPE et les Granulats du fait de la même clientèle et de la même logistique utilisée par le Groupe.
Enjeux CO2 - processus fabrication du ciment :
L’un des forts enjeux du Groupe est de répondre aux enjeux associés à la décarbonation de notre activité, dont le principal responsable est le clinker. En simplifiant, pour le fabriquer, on casse du calcaire en le chauffant. Pendant cette chauffe, environ 1/3 de la masse part en CO2. C’est ce CO2 qui carbone l’essentiel de nos activités.
Le clinker peut parfois être remplacé par d’autres produits moins carbonés, mais selon nous, ces nouvelles technologies ne peuvent pas répondre à l’ensemble du marché.
En 2005 : en Europe, c’est le début des échanges sur des droits de quotas CO2. Au 31/12/2023, Vicat possède # 4.65 millions de tonnes CO2 en quotas, non valorisés dans les comptes et obtenus à prix quasi nul (alors que les Prix du quota dans le SEQE est autour de 70€ la tonne début 2024)
=> Pour aller plus loin, le site officiel du gouvernement français détaille ce système
de quota avec les enjeux associés :
Marchés du carbone - SEQE-UE | Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires
Implantations actuelle à l’étranger – quelques dates clefs :
1974 : premier pas aux USA en Alabama
1987 : en Californie
1991 et 1994 : la Turquie
1999 : le Sénégal, le Mali, la Mauritanie
2001 : la Suisse avec le rachat de Vigier
2003 : Egypte et Italie
2004 : Mali
2007 : Kazakhstan
2008 et 2010 : Inde et Mauritanie
2019 : Brésil
Dans les pays matures (France, Italie, Suisse, Canada, USA) on a des cash flows réguliers, assez stables.
Tandis que dans les autres pays, le potentiel de croissance est plus fort mais les cash flows sont beaucoup plus irréguliers et une exposition devises non négligeable.
Nos activités dans les 12 pays d’implantation :
Les entités juridiques associées sont :
Selon notre stratégie, dans tous les pays on possède une activité Ciment. Étant donné le « monopole » géographique de nos cimenteries, c’est cette activité qui est la plus rentable dans le Groupe, même si celle-ci nécessite de gros investissements, elle génère de bons cash flows.
D’où l’intérêt de très bien choisir nos cibles, de savoir attendre le bon prix pour les racheter si besoin. Notre actionnariat stable a une vision de long terme et nous aide pour cela.
« Chez Vicat, quand on achète une carrière, c’est pour 100 ans », c’est notre horizon temporel.
Nos clients :
Dans tous les pays, nos clients se ressemblent : de gros acteurs du BTP, des autorités locales, des artisans etc.
Concurrence :
Depuis une trentaine d’années on a eu une concentration des acteurs dans nos secteurs d’activités, donnant ainsi naissance à des acteurs puissants. Pour autant, la concurrence reste essentiellement locale et encore assez atomisée.
Quelques chiffres :
Le leader mondial du Ciment n’a que 7% des parts de marché dans le monde.
Pour le Ciment, le rayon d’action est de 300 km maximum par voie terrestre, pour le BPE c’est 20 à 30 km.
Vicat possède 360 sites dans le monde, au plus près de ses clients.
Performance économique en chiffres
Le CA par métier :
En moyenne, le ciment apporte 50% du CA pour 75% EBITDA et nécessite 75% des Capex.
Le CA par région :
Dans les pays matures, sur 2023 la France reste notre 1er marché avec 35% CA, puis la Suisse + Italie + USA pour 32% CA.
Les pays matures France + USA + Suisse délivrent 70% CA, 70% EBITDA.
On note la bonne croissance des Amériques, tirée par les USA.
Et on pense que le CA Afrique sera amenée à grandir avec notre site au Sénégal.
Les marges de nos métiers :
Le ciment est clairement la plus rentable de nos activités avec une marge EBIT vers 17%, soit le standard des autres sociétés cotées du secteur.
Les investissements :
Les investissements sont importants dans la partie Ciment afin d’avoir des outils au top, de soigner nos clients pour pérenniser nos cash flows. De temps en temps, un gros investissement « financier » est réalisé : pour le rachat d’une cimenterie dans un nouveau pays par exemple.
Dans le plan de décarbonation du Groupe, une enveloppe de 800 M€ d’investissements est en cours de déploiement sur 10 ans, jusqu’à 2030.
L’analyse de notre cycle d’investissement des 10 dernières années :
• De 2011 à 2018 les investissements sont assez stables, générant des FCF
• Puis en 2019, rachat de Ciplan au Brésil suivi d’investissements importants à l’étranger
(Sénégal, USA par exemple).
• 2023 on perçoit les fruits de ses derniers investissements
Faits marquants 2023 :
En relatif : 2023 a un effet de base favorable à la suite d’une année 2022 difficile.
En absolu : une année 2023 record où on récupère les fruits de nos derniers investissements.
• Croissance organique +20%
• Avec une contribution de toutes nos régions
• EBITDA 740 M€, un record pour le Groupe, notamment tiré par les USA avec Ragland.
Un point sur le site de Ragland :
o Ragland est nouvellement dimensionné pour desservir 4 Etats au Sud Est USA
o +68% en volume sur 2023 !
o Notre site profite d’un plan de relance local (construction + infrastructures)
o Ce site est en pleine capacité depuis fin 2023, il contribuera fortement sur 2024.
Mais les résultats sont un peu contrastés selon les régions :
• USA : ça délivre, et on pense que ce n’est pas fini. On aura une contribution en année pleine sur 2024 pour notre site Ragland
• Asie (Inde + Kazakhstan) : les volumes sont en hausse, mais marché assez compétitif en Inde
• Méditerranée (Turquie + Egypte) : Forte inflation en Turquie avec bonne croissance des volumes. Egypte, c’est plus difficile, les volumes baissent, on est juste à l’équilibre.
• Afrique (Sénégal + Mali + Mauritanie) : Le Sénégal est très dynamique, on a un doublement de nos capacités à venir pour 2025.
Pour rappel, notre parcours depuis 5 ans
QUESTIONS - RESPONSES
Un point sur la concurrence et la Chine ?
La Chine représente 50% des besoins mondiaux en ciment, mais nous n’y sommes pas, car on est trop petit. Il y a un marché chinois de 2500 Mt/an de ciment alors que notre capacité n’est que de 39 Mt/an.
Dans les faits, il n’y a pas de très grands leaders. Les grands cimentiers possèdent au maximum 7% des parts de marché, mais de toute manière la concurrence est essentiellement locale. Il y a donc beaucoup de petits acteurs dans le monde.
Quel est le profil d’une de vos cibles pour du M&A ?
On regarde la concurrence locale. On cherche une région où il n’y a pas d’importation de ciment, et on cherche un acteur déjà bien implanté localement, c’est-à-dire qu’il a déjà des Parts De Marché installées.
Un avis sur votre concurrent Hoffman Green et leur technologie non carbonée ?
C’est une piste pour répondre aux enjeux de CO2 de nos métiers. Mais on pense que leur processus ne sera pas possible à grande échelle, car les entrants qu’ils utilisent ne sont pas disponibles en grandes quantités.
Pourquoi n’êtes-vous pas présent dans d’autres pays d’Europe comme l’Espagne, L’Autriche, la Pologne par exemple ?
On ne peut pas être partout. On a eu des opportunités parfois, que l’on a saisies. On voit beaucoup de propositions tous les ans, mais on les filtre. Notre dernière implantation en Brésil avait été déjà étudiée il y a 20 ans, on avait dit non à l’époque. Depuis, on y est revenu, mais à nos conditions.
Et on n’est pas en Russie, ni en Ukraine.
A quel niveau minimum pouvez-vous baisser vos émissions de CO2 ?
On veut capter tout le carbone et le stocker, à travers nos innovations (cf Carat notre liant innovant proposé depuis 2022). On est convaincu que le carbone sera une matière première à terme.
On veut diminuer la part de clinker dans nos ciments, plusieurs solutions existent mais il faut pouvoir les mettre à l’échelle industriel, c’est tout l’enjeu de nos recherches, et de nos concurrents aussi.
Concernant les niveaux des émissions, avec la réglementation actuelle on peut arriver à des calculs qui donnent des émissions négatives, ça montre la limite des calculs.
Nous, on est expert de nos métiers depuis plus de 170 ans, on pense pouvoir baisser nos émissions de CO2 et arriver à la neutralité carbone d’ici 2050. Dans les années 90’s on avait 800 kg de CO2 pour une tonne de ciment. En 2023 on est vers 500 kg.
Notre plan 2030 vise 430 kg :
Un point sur votre dette, taux variables / fixes ?
Au 31/12/2023, on a 1.9 MD€ de dettes financières et 493 M€ de trésorerie (dette nette à 1.4 MD€). Notre exposition aux taux variables est majoritairement couverte, si bien que notre dette à taux variable est très faible, comme ceci :
Notre taux moyen est de 3.97%, maturité moyenne à 5.4 ans. On a assez de cash flows réguliers pour rembourser cette dette sans difficulté.
Un point sur votre investissement au Sénégal ?
On va investir 260 M€ pour un second four pour passer à 2Mt de clinker par an. La mise en service est prévue au T4 2024 pour une contribution dès 2025. Cela évitera d’importer le clinker, on le fera sur Place.
Un point sur vos perspectives 2024 ?
On aura
• Un CA 2024 en croissance, tiré par USA + émergeants, malgré une Europe au ralenti.
• EBITDA 2024 > celui de 2023
• On passera des CAPEX de 325 M€ dont le four au Sénégal
• Et on vise un levier dette / EBITDA < 1.3 d’ici fin 2025
Synthèse / mon avis
On a ici une société très bien gérée (sur mon historique de 30 ans, la société a toujours gagné de l’argent), avec un actionnariat stable, familial et long terme, et des familles à l’opérationnel. La stratégie est claire, son exécution est bonne et les derniers résultats sont excellents.
De plus la valorisation actuelle n’est pas chère du tout (PER dans les 5), sans parler de l’actif caché que
sont les quotas CO2 mis à zéro au bilan qui valent quelques centaines de M€ ?! (Mais je considère cet
actif comme une sorte de droit d’exploiter).
Cependant je vois deux points sombres :
• Une rentabilité des capitaux engagés qui reste faible, vers 5/8%, alors que le cout de la dette monte.
• Des enjeux de décarbonation qui sont vitaux. Ce secteur est montré régulièrement par les experts (rapport Giec), et par les autorités étatiques comme responsable de quelques pourcents des émissions de CO2 dans le monde (dans les 7%).
Je suis très méfiant envers ces activités « règlementées », soumises à d’éventuelles taxes et/ou limitation d’exercer.
Au cours boursier actuel je préfère donc rester à l’écart.
Mais (et c’est toujours facile après coup) sous 25€ comme fin 2022, il était évident que le cours était
bien trop sanctionné du fait de la qualité de la gestion.
J’attends donc un éventuel recul vers 25€ pour aviser.
Ce titre est dans ma liste de surveillance.
Voilà c’est tout (Nota : je NE SUIS PAS, actionnaire de Vicat)
Dernière modification par srv (19/05/2024 19h03)