5 #1 22/11/2013 10h17
- Sylvain
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Introduction
Orchestra, kesako ?
Premaman laisse assez peu de doutes sur la cible de l’entreprise. Par contre, pour Orchestra, c’est plus flou. Est-ce-que vous êtes déjà passé devant cette enseigne rouge ?
Orchestra est donc un magasin de vêtements pour enfants.
Orchestra est une valeur certainement peu suivie par les gérants de fonds et institutionnels. Il y a plusieurs raisons à cela :
- C’est une micro-cap’, avec une capitalisation aujourd’hui autour de 90 millions d’euros.
- Surtout, le flottant est extrêmement réduit, moins de 4% des actions en circulation. Faisons le calcul, ça donne environ 3.5 millions d’euros au cours actuel.
Autant dire que le titre Orchestra a une liquidité très réduite.
L’histoire, la famille Mestre, un bon allocateur de capital
Le groupe Orchestra a été créé en 1995 par Chantal et Pierre Mestre. La famille Mestre reste d’ailleurs le premier actionnaire du groupe. En 18 ans d’existence, le groupe Orchestra a toujours été profitable.
A lire et à découvrir sur cette famille, on est en présence de serial entrepreneurs. Les idées fusent et ils cherchent toujours à innover, en ayant une vision financière limpide. La croissance du groupe est faite par acquisitions ciblées :
- Rachat de Dipaki fin 2001. 35 points de ventes en pertes, 76 millions de chiffre d’affaires pour 6 millions d’euros ! Restructuration, les magasins passent sous enseigne Orchestra.
- Incursion dans le web avec la fusion avec Kazibao également à la fin 2001. Restructuration (de 35 à 7 personnes !), Kazibao est intégrée au groupe Orchestra. Kazibao était cotée, le groupe Orchestra le devient. Il y a dans la même période un rachat d’actions pour environ 10% du capital. A cette époque, la bulle dotcom a juste éclaté !
- Achat du groupe Babycare en 2002. 13 magasins, un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros pour 1.5 millions d’euros ! Restructuration, les magasins passent sous enseigne Orchestra. Le groupe reste profitable.
- Ouverture au marché de la puériculture et maternité en 2012 avec Premaman.
Il n’y a pas eu de distribution de dividendes jusqu’en 2011 (à quoi ça sert si l’on peut espérer un meilleur retour en réinvestissant dans le groupe ?). Début 2013, un rachat / annulation d’actions a été effectué, très relutif, pour près de 20% des actions en circulation. Un bon moyen pour la famille d’augmenter son contrôle sur le groupe et presque un retrait de la cote. D’ailleurs, la cotation en Bourse n’a plus beaucoup de sens, puisque le groupe a de bons cash flow et dispose d’un accès renouvelé à du financement bancaire.
L’activité et les principales marques du groupe
Orchestra cherche à proposer une expérience aux enfants dans ses magasins. Orchestra y vend des vêtements pour enfants de 0 à 14 ans. On trouve même une aire de jeux, un coin dessin, des projections de dessins animés ! Depuis l’acquisition du groupe Premaman en 2012, le groupe entre également dans le marché de la puériculture et la maternité. C’est malin, puisque dans les premières années, ce sont surtout les parents qui habillent leurs enfants.
Les principales marques du groupe sont :
- Orchestra, leader de la mode enfantine, aujourd’hui surtout présent en France. Il y a presque 500 magasins.
- Babycare, racheté en Suisse en 2002. Ce sont des équipements pour bébé.
- Premaman, spécialiste de la puériculture et de la maternité. Il y a plus de 200 magasins dont la moitié au Bénélux.
Le groupe Orchestra n’est bien sûr pas le seul sur ce créneau qui ne présente spontanément pas de barrière à l’entrée :
- Petit Bateau – groupe Yves Rocher
- Sergent Major, Natalys – famille Zemmour
- Tartine et Chocolat, Katimini – groupe Zannier
- Okaïdi, Jacadi – Idgroup
- Vertbaudet – anciennement groupe Kering, plus orienté sur la vente par correspondance.
- …
De mon humble avis, le plus proche est le groupe Idgroup (Okaïdi / Okaïbi…). Toutefois, les marques du groupe sont distinctes: Okaïdi (enfants), Okaïbi (bébés), Véronique Delachaux (maternité), etc.. Et à ma connaissance, il n’y a pas de stratégie inter-marque directement visible pour les clients. Les « Grands Orchestra » proposent tout un univers pour l’enfant. Et depuis 2012, on trouve dans les magasins des vêtements des collections Premaman. Le positionnement est intéressant : en ciblant les futures mamans, Orchestra – Premaman se construit une base de clients et peut tenter de les fidéliser pour leurs bébés / enfants.
Enfin, d’un point de vue marketing, je trouve qu’Orchestra a lancé un concept génial : Orchestra le Club.
L’affiche parle d’elle-même : pour 30€ par an, 50% offerts sur tout le magasin, toute l’année !
Le moat ? Parts de marché
Orchestra est majoritairement présent en France (70% du chiffre d’affaires en 2012, un peu plus de 250 millions d’euros, moins en 2013 grâce à une internationalisation). Le marché de l’habillement pour enfants représente un peu plus de 4 milliards d’euros par an en France. Orchestra en a donc un peu plus de 6%. Dans leur ensemble, les magasins spécialisés sont à environ 23%. Là dedans, on retrouve Orchestra, Okaïbi, Du Pareil Au Même, Z, Zara (partie enfants), H&M (partie enfants), etc. Ça veut dire qu’Orchestra truste un quart du marché habillement enfants parmi les chaînes spécialisées. Avec cette part de marché, Orchestra bénéficie certainement d’effets d’échelles par rapport à ses concurrents (c’est d’ailleurs le cas quand on regarde la marge brute).
6% de parts de marché sur le territoire national, c’est une moyenne. Je pense qu’elle cache des disparités énormes. Dans les grandes villes, il y a tellement de choix de magasins que je ne le challengerais pas le chiffre. Par contre, j’ai halluciné de voir sur la liste des magasins Orchestra des enseignes dans des villes de 20 à 60 000 habitants (ex : Vierzon, Nevers, Châtelerault dans le Centre). Certes, ce n’est pas le « Grand Orchestra », mais le maillage est vraiment important. Et il y a peu de chance que les concurrents y soient tous présents. Dans les zones périurbaines, la part de marché d’Orchestra doit donc y être bien plus importante.
Pour Orchestra, l’intérêt est évident : le groupe bénéficie d’effets d’échelles sur les achats et acheminements. Orchestra est certainement compétitif sur ses coûts de vente des produits vendus.
Le Moat ? Fidélisation
Le concept « Orchestra – le Club » a un effet fidélisant indéniable. Pour un prix modique (30 euros par an), l’avantage offert est énorme : 50% de remise toute l’année. Ce chiffre est à mettre en parallèle de la marge brute tout juste supérieure à 50%. Pierre Mestre vendait le concept Club comme une commercialisation à prix coûtant !
Ce nouveau système de vente / système de fidélisation est intéressant :
- Il y a des revenus récurrents générés par l’adhésion au Club : 30€ par membre.an. La marge opérationnelle liée aux adhésions est certainement bien plus importante que celle liée à la vente classique.
- Il y a des revenus liés aux achats après adhésion au Club.
L’effet réseau du concept Club est évident car il est très attractif. Le groupe le renforce d’ailleurs dans ses dernières opérations : sur plusieurs magasins tests, des bornes interactives sont disponibles pour permettre aux membres du Club de commander des articles indisponibles.
Quelle méthode d’évaluation ?
Les FCF d’Orchestra sont négatifs. Cependant, les ventes par magasin augmentent. Il y a un intérêt à chercher à isoler les investissements liés à l’augmentation du parc de magasins (investissements de croissance) de ceux liés au maintien de l’activité (investissements de maintien).
Il y a aussi quelques retraitements à faire pour obtenir une estimation des FCF normalisés hors investissements de croissance. Pour faire simple :
FCFhors croissance ≈ EBITDA – Capexmaintenance – Intérêts – Impôts.
Je ne tiens pas compte de la variation du BFR.
Détermination de l’EBITDA
Pour déterminer l’EBITDA du groupe Orchestra, je pars du chiffre d’affaires du second semestre 2012 et premier semestre 2013. Je ne considère pas de croissance future.
J’enlève :
- Les coûts des biens vendus (acquisition des vêtements)
- Les frais généraux
- Les frais de personnels.
- Impôts et taxes (hors IS)
- Aucun éléments « exceptionnels » (variations de changes, etc.)
Il vient un EBITDA de 40 M€.
Détermination du CAPEX de maintenance
Pour les dépenses d’investissements, comme les ventes par magasin augmentent, j’exclue les ouvertures de magasins du CAPEX de maintenance.
Finalement, je retiens 10M€ pour les investissements de maintien : les frais de développement plus une quote-part forfaitaire sur les aménagements des magasins, les logiciels, etc.
Détermination des intérêts de la dette
Le groupe Orchestra a un endettement net de 68 M€ à la fin de l’exercice 2012 (26 M€ de trésorerie et 94 M€ de dettes). Les intérêts annuels sont de l’ordre de 2%, soit 2 M€. Les intérêts de la dette sont donc largement couverts par l’EBITDA.
Le financement a été renégocié en mai 2013 et Orchestra a désormais accès à un financement long terme de maximum 170 M€. L’évolution de l’endettement sera à surveiller compte tenu :
- Les taux sont variables.
- La volonté de croissance du groupe sur le concept « Grand Orchestra ». Comment seront financés les nouveaux magasins ?
D’ailleurs, la publication des résultats du premier trimestre 2013 laisse penser que le coût de l’endettement a augmenté et est maintenant de l’ordre de 4M€ par an.
Je retiens aussi 10 M€ d’engagements hors bilan liés à des cautions et garanties.
Détermination de l’imposition
La base imposable : EBITDA – Intérêts – Dotations moyennes aux amortissements = 25 M€, soit 8 M€ d’impôts théoriques.
Valorisation
En synthèse, on a :
EBITDA : 40 M€
CAPEX de maintenance : 10M€
Intérêts : 2M€
Impôts : 8M€
Soit un FCF hors investissements de croissance de 20M€. Au cours actuel (90M€) et avec une dette nette de 68M€, cela revient à un multiple de ce FCF de 8. Vu sa domination locale en France, la fidélisation de ses clients, je ne trouve pas Orchestra très cher, sans pour autant que ce soit une opportunité historique. Ce calcul ne tient pas compte de toute croissance future, de l’amélioration de la rentabilité (restructuration Premaman).
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Déontologie : je possède des actions Orchestra
Mots-clés : analyse, orchestra premaman
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