Oddo BHF a écrit :
Les revenus fonciers 2018 à l’aube du prélèvement à la source
On le rappelle, l’entrée en vigueur du prélèvement à la source ne va pas modifier les règles de calcul de l’impôt, sauf pour 2018 ; année de transition dans le cadre de laquelle un mécanisme de crédit d’impôt va sensiblement compliquer la détermination du montant à payer.
Il s’agit, avec ce Crédit d’Impôt pour la Modernisation du Recouvrement d’ « exonérer » les revenus courants de 2018 (revenus d’activité, pensions de retraite, revenus fonciers) pour ne pas faire subir aux contribuables une double contribution à l’impôt en 2019 : celui portant sur les revenus 2018 et celui portant sur les revenus 2019, payé à compter du 1er janvier « à la source ».
C’est pourquoi on parle d’année blanche en 2018.
Pourtant, nous avons eu l’occasion de constater, lors de précédentes lettres patrimoniales que d’une part, chacun restera bien redevable chaque année de l’impôt et que, d’autre part, elle ne sera que partiellement blanche pour de nombreux contribuables qui devront donc acquitter un impôt plus conséquent en 2019.
En outre, nous pouvons compter sur le législateur pour prévenir tout effet d’aubaine et décourager toute tentative d’optimisation de la part des contribuables.
Le traitement des revenus fonciers de 2018, susceptibles d’être exonérés par le crédit d’impôt, illustre bien cela :
Pour éviter les effets d’aubaine, il est prévu que, contrairement à la règle habituelle, seuls les loyers encaissés à leur échéance normale seront pris en compte pour le calcul du crédit d’impôt. Pas de possibilité donc de se faire payer en 2018 ses loyers 2019 en exonération d’impôts.
Selon la même logique, la fraction de régularisation des charges de copropriété déduites en 2017 et réintégrées en 2018 ne sera pas gommée par le crédit d’impôt.
Parallèlement, le législateur a anticipé les optimisations qui consisteraient à retarder le paiement de charges déductibles. Ainsi seront déductibles des revenus fonciers 2018 toutes les charges échues en 2018, quand bien même elles n’auraient pas été payées (ex : primes d’assurance, intérêts d’emprunts, impôts).
Une mesure spécifique a été prévue pour les travaux qui relèvent de la seule décision du propriétaire. Afin d’éviter que les propriétaires renoncent à réaliser des travaux en 2018 en raison d’un effet fiscal nul, il est prévu que :
Les travaux réalisés et payés en 2018 soient intégralement déductibles des loyers 2018.
La moyenne des travaux réalisés et payés en 2018 et en 2019 soit déductible des loyers 2019.
Par conséquent, même en l’absence de travaux déductibles payés en 2019, le propriétaire pourra déduire 50 % de ses travaux payés en 2018. En revanche, en l’absence de travaux payés en 2018, les travaux déductibles payés en 2019 ne le seront qu’à hauteur de 50 % de leur montant.
En pratique, que vous fassiez tous vos travaux en 2018 ou au contraire, tous vos travaux en 2019, ou encore la moitié en 2018 et l’autre moitié en 2019, conduira au même résultat fiscal, c’est-à-dire à ce que 50 % des dépenses engagées soient privées d’effet fiscal.
Ainsi, dans toutes les situations décrites dans le tableau ci-dessous, le montant déductible des loyers 2019 sera le même.
Mais en fonction des situations, le résultat sera plus subtil. En effet, le montant déductible des revenus 2018 sera différent car 100 % des travaux payés en 2018 seront déductibles des loyers 2018.
D’où les constats suivants :
Les travaux déductibles de 2018 n’auront pas d’effet en 2018 tant qu’ils viendront effacer le revenu foncier imposable 2018. Mais ils seront déductibles pour moitié des revenus imposables 2019.
Les travaux déductibles de 2018 qui génèreront un déficit foncier inférieur ou égal à 10 700 € (quote part du déficit foncier reportable sur le revenu global) seront privés d’effet si le contribuable n’a pas de revenus exceptionnels 2018.
On rappelle que les revenus exceptionnels correspondent à tous les revenus hors champ de la réforme (ex : dividendes, intérêts, plus-values mobilières) ou qui ne sont pas susceptibles d’être recueillis chaque année. Ces revenus ne sont pas concernés par le crédit d’impôt et resteront imposés.
Enfin, les travaux qui ont pour conséquence de générer un déficit foncier supérieur à 10 700 € pourront être déductibles en 2018 et la quote-part du déficit supérieure à 10 700 € sera reportée sur les revenus fonciers des dix années suivantes. Puis, ces mêmes travaux pourront être déduits pour 50 % des loyers 2019. Dans ce cas de figure, ils pourront potentiellement être déductibles à hauteur de 150 %.
ILLUSTRATION
Hypothèses
Résultats
2018 : constat d’un déficit foncier de 30 000 €, dont 10 700 € déductibles du revenu global et 19 300 € de déficit reportable sur les revenus fonciers pendant 10 ans.
2019 : constat d’un déficit foncier de 5 000 € reportable sur le revenu global.
SOIT une déduction avec effet fiscal de 55 000 € au total (= 30 000 € au titre de 2018 + 25 000 € au titre de 2019) soit 110 % des travaux engagés.
Pour conclure, il faut distinguer selon que les travaux conduisent à un déficit ou non :
Si les travaux envisagés conduisent à un déficit :
Mieux vaut les réaliser tous en 2018.
Pour ne pas perdre le bénéfice fiscal de ce déficit pour sa quote-part reportable sur le revenu global (soit 10 700 € maximum), il faut veiller à avoir des revenus imposés au barème en 2018.
Or, la plupart des revenus « exceptionnels » 2018 qui resteront taxés, le sont depuis le 1er janvier à la Flat Tax de 30 % (PFU de 12.8 % + prélèvements sociaux de 17.2 %) et ne permettront donc pas la déduction du déficit. A moins d’opter pour l’imposition au barème IR, en observant bien que cette option est globale.
La situation optimale serait sans doute d’acquérir un bien locatif en 2018, sans revenus associés mais avec l’intention de le louer pour permettre la déduction des travaux en 2018 conduisant à un déficit foncier.
Si les travaux ne conduisent pas à un déficit :
Il sera préférable de ne réaliser ses travaux qu’en 2020.
A moins que le bien ait été acquis en 2019 ; hypothèse dans laquelle 100 % des travaux réalisés en 2019 seront déductibles.
Cette mesure pourra donc conduire certains à faire des travaux plus importants que les recettes annuelles, en ayant bien vérifié au préalable que les travaux envisagés sont déductibles selon les règles de droit commun des revenus fonciers…
Veuillez noter s’il vous plait que :
Cette clause anti-optimisation concerne les revenus fonciers, donc la location nue. En présence de location meublée, les règles sont différentes et les conclusions ne seront pas forcément les mêmes.
Cet article est écrit sous réserve des commentaires attendus de l’Administration fiscale et de toute modification ultérieure de la loi.