Gaspode : effectivement, vous ne connaissez pas le secteur et écrivez donc beaucoup de bêtises.
Sur l’appro :
- l’appro historique, l’appro la plus simple, est la sciure de scierie. C’est le plus simple à utiliser et c’est (c’était ?) pas cher. La concurrence est essentiellement entre granulateurs, car la sciure est peu utilisée par les autres industries du bois (si ce n’est les panneautiers).
- la nouveauté, c’est que les scieurs sont entrés dans la danse depuis quelques années. Avant les scieurs sciaient, les granulateurs granulaient. Les scieurs ont dit "ça a l’air rentable ce truc", et les gros scieurs ont investi dans des usines de granulation : Piveteau, Siat Braun, Archimbault, etc. Ces scieurs qui se gardent leur sciure contribuent à rendre l’appro plus difficile pour les granulateurs.
- la plupart des usines modernes de granulés ont prévu de pouvoir s’approvisionner aussi en bois forestier (rondins de 8 à 20 cm de diamètre environ, c’est à dire le bois qui part actuellement en usines de pâte à papier), pour le cas où ils manqueraient de sciure, mais ils ne l’utilisent pas ou peu aux dernières nouvelles, car ça revient plus cher que la sciure (prix du bois + transport + broyage et rebroyage).
- la plaquette de scierie ou forestière n’est pas ou peu utilisée, à ma connaissance. Il peut aussi y avoir d’autres connexes de l’industrie du bois (copeaux…), mais ça reste négligeable.
- votre appro en "déchets forestiers" qui serait majoritaire en RA me semble du pipeau écolo-politiquement correct. Peut-être que certains granulateurs racontent cela, mais c’est pour faire joli, je n’y crois pas une seconde. C’est juste pas possible : les "déchets" (au sens de ce qu’on laisse habituellement en forêt) sont les branches et les houppiers, et ils sont quasiment impossibles à ramasser, d’un point de vue économique. On sait faire, il y a eu des expérimentations avec des fagotteuses, mais ça revient juste trop cher, alors qu’on peut acheter du rondin papetier pour moins cher. Qui plus est, c’est très chargé en écorce et en corps étrangers et ce n’est donc pas du tout une bonne idée de mettre cela dans un process de granulation.
La façon la plus simple d’emmener les déchets, c’est de ne pas faire de déchets ; c’est à dire de débarder l’arbre entier puis de broyer l’arbre entier. C’est (un peu) utilisé pour faire de la plaquette forestière à destination bois-énergie ; mais pas pour le granulé ou alors très marginalement.
Sur le process et l’humidité :
- quelle que soit l’appro, la matière première est humide. Les scieries scient du bois vert, donc la sciure est verte aussi. Dans tous les cas, il faut sécher, c’est une étape indispensable du process de production de granulation. La plupart des producteurs font cela avec une chaudière à bois, où ils passent du combustible qui ne coûte pas cher.
- le problème quand on change d’appro, c’est que ça ne se comporte pas pareil à la granulation, suivant l’essence, la granulo, l’humidité (un des facteurs parmi d’autres !). Changer de source d’appro peut poser de gros problèmes de production (granulé qui ne se tient pas bien, etc.).
- à propos, ne pas confondre l’appro du process et l’appro de la chaudière. On peut apprendre que telle usine de granulé achète de l’écorce, et en déduire qu’ils utilisent de l’écorce pour faire du granulé ; mais il est probable que l’écorce est utilisée seulement dans la chaudière pour le séchage.
Sur le business du granulé :
- oui il est en forte augmentation, mais être en forte augmentation n’est pas forcément une bonne nouvelle pour la rentabilité. L’équilibre offre/demande fait des gros coups d’accordéon. A un moment, il y a eu pénurie d’offre et les prix se sont envoléq (2006-2007), du coup tout le monde a investi (ou a converti des presses servant auparavant au granulé agricole) et des petits malins ont importé, créant par là-même des filières d’importation qui ont ensuite créé une concurrence durable.
- il est vrai que les granulateurs sont coincés entre un prix de la matière première qu’ils ne maîtrisent pas (et qui vient surtout de la concurrence entre granulateurs), et le prix de marché du granulé qu’ils ne maîtrisent pas non plus. Le prix de marché du granulé dépend de : rigueur de l’hiver ; développement du chauffage à granulé par les politiques publiques (crédit d’impôt etc), par le prix des énergies concurrentes (pétrole etc), et par la consommation de très grosses unités qui peuvent s’approvisionner au granulé et font un gros effet ON/OFF quand elles démarrent, s’éteignent,ou switchent sur une autre appro ; et de l’importation ou non importation de granulés concurrents (si par exemple le Canada a besoin de ses granulés et diminue ses exportations, c’est une bonne nouvelle pour les granulateurs français).
C’est donc une industrie fortement soumise à la conjoncture. Certains producteurs font parfois des stocks très importants, en attendant que la conjoncture reparte (je l’ai vu de mes yeux, des piles à n’en plus finir de palettes de sacs de granulés, et on venait juste d’installer un deuxième énorme silo pour pouvoir stocker davantage). Un scieur peut se le permettre car il a d’autres sources de revenus ; un granulateur beaucoup moins.
A moyen long terme (5, 10 ou 15 ans), il ne fait pas de doute que le granulé sera un gros business et que ceux qui auront investi dedans seront contents de l’avoir fait. D’ici là, il risque d’y avoir encore quelques années de vaches maigres ; et peut-être quelques faillites. A terme, l’avenir est plutôt aux grosses installations (>30000 t/an et même >50000 t/an), mais ce n’est pas une garantie. Vers 2015 environ, l’un des plus gros granulateurs allemands a bu le bouillon, ça faisait beaucoup parler dans la filière (genre "eh bien, on en est là !" et "même les plus gros ne sont pas à l’abri !").
rom1 : l’exportation lointaine des grumes fait beaucoup parler, mais elle sert d’épouvantail et il faut la relativiser. On exporte surtout du chêne. Alors oui ça fait du tort aux scieries de feuillus mais elles sont minoritaires.
Sur les essences résineuses, la concurrence de l’exportation est très sensible, mais surtout sur le nord-est de la France et elle est le fait des acheteurs belges, allemands et autrichiens.
Mais bon, ce n’est pas le sujet du fil.
Comment se renseigner sur le marché du granulé vu de la France : dans ce qui est publié, la revue professionnelle "bio énergie international" est sans doute la mieux placée, ainsi que les communications du syndicat propellet (en étant conscient que c’est le discours d’un syndicat). A l’international il y aussi des ressources mais je ne les ai plus en tête. Mais beaucoup de choses sont non écrites et il faut connaître du monde. Les infos s’échangent dans les rencontres professionnelles (syndicat propellet, salon du bois-énergie, etc.) et surtout en off. La filière bois est un monde où les infos voyagent vite, mais en off, on appelle cela "radio forêt".
EDIT : je me rends compte que je rabâche plus ou moins. Voilà ce que j’avais écrit dans le fil de discussion sur Cogra : Cogra 48 : spécialiste des granulés de bois
Dernière modification par Bernard2K (21/09/2018 11h08)